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Les festivals de l’été –
Innsbruck : première représentation moderne de l’IPHIGÉNIE de Caldara

par Renato Verga 11 août 2025
par Renato Verga 11 août 2025
© Birgit Gufler
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Semaines de musique ancienne d'Innsbruck, Tiroler Landestheater - Ifigenia in Aulide (Caldera), 8 août 2025

À Innsbruck, Ottavio Dantone et son Accademia Bizantina proposent une brillante redécouverte musicale de l’Ifigenia in Aulide d’Antonio Caldara.

La légende d’Iphigénie version Apostolo Zeno et Antonio Caldara

Né à Venise en 1670, Antonio Caldara devient maître de cour chez les Gonzague à Mantoue, puis à Barcelone auprès du roi d’Espagne Charles III. À la mort de l’empereur Joseph Ier, Charles III devient l’empereur Charles VI d’Autriche, à qui sont adressés ces éloges : « Grande, ô Charles, est ta gloire, | car plus grande encore est ta piété » – chantées par La Licenza, personnage qui conclut Iphigénie en Aulide que Caldara compose sur un texte d’Apostolo Zeno. Zeno, vénitien comme Caldara, avait conçu pour l’œuvre un dénouement reflétant le happy end habituel dans les opéras baroques en recourant à une fin différente à la fois de celle, tragique, d’Euripide et de la lieto fine due à l’intervention divine,  évoquée par Ovide dans Les Métamorphoses. Celle de Zeno, une version également adoptée par Racine, est encore différente : c’est la princesse de Lesbos Elisena, captive d’Achille, qui doit être sacrifiée ! En effet, on découvre qu’elle est la fille qu’Hélène a eue avant son mariage avec Ménélas. Hélène ayant appris par l’oracle que sa fille mourrait jeune, celle-ci a été élevée sous un autre nom. C’est donc Elisena qui doit être sacrifiée à Diane : « Elle demande un autre sang d’Hélène, | et une autre Iphigénie. Elle est présente. Hélène est sa mère. Elle l’a eue de Thésée lors d’un mariage secret et l’a appelée Iphigénie », comme le raconte Ulysse. Le livret de Zeno a connu un grand succès et a été mis en musique entre autres par Porpora (1742), Traetta (1759), Jommelli (1773) et Vincenzo Federici en 1809.

Au cœur des célébrations pour la fête de l’empereur, le 4 novembre 1718, au Théâtre de la Cour Léopoldine de Vienne, Iphigénie en Aulide fut représentée dans une scénographie solennelle de Giuseppe Galli da Bibiena avec six changements de décors et  des intermèdes dansés. Les longs récitatifs introduisaient plus de trente airs solistes très variés, avec une orchestration soignée et la présence d’instruments obligés. Compositeur prolifique (près de quatre-vingts œuvres lui sont attribuées), Caldara a combiné dans son style la tradition madrigalesque et concertante vénitienne de Monteverdi et Cavalli, le mélodisme de l’école napolitaine de Scarlatti et l’instrumentalisme de l’école bolognaise de Corelli.

La première reprise moderne de l’ouvrage

Pour la première fois dans l’histoire moderne, l’Iphigénie de Caldara est reprise et constitue le premier titre lyrique des Semaines de musique ancienne d’Innsbruck, qui en sont cette année à leur 49e édition. Le directeur musical Ottavio Dantone, à la tête de son Accademia Bizantina, démontre une fois de plus sa compétence et sa sensibilité dans ce répertoire grâce à sa direction attentive et mesurée mettant en valeur la beauté d’une partition qui, même si elle ne brille pas par une tension dramatique particulière, offre néanmoins des perles musicales d’une beauté exceptionnelle. La Licenza finale est ici anticipée sous forme de prologue devant le rideau et chantée par la soprano qui interprète le rôle-titre, invitant à célébrer la renommée de l’empereur « que seuls les fastes de la trompette rauque font retentir […]». Ce sont en effet les trompettes de l’ensemble qui produisent une fanfare solennelle précédant la sinfonia proprement dite introduisant l’œuvre. La voix que nous entendons ici est celle de Marie Lys, une Iphigénie d’abord naïve qui s’enthousiasme à l’idée d’assister au sacrifice – sans savoir qu’elle en sera la victime –, puis se met en colère à cause du retard que prend son mariage avec son bien-aimé, et finit par accepter son rôle de victime sacrificielle. L’interprétation s’adapte avec assurance à ces transformations et l’adieu à sa mère dans « Madre diletta, abbracciami | mai più ti rivedrò » (Mère bien-aimée, embrasse-moi | je ne te reverrai plus jamais) est particulièrement touchant, sans toutefois verser dans le pathétique. Les accents bien dosés de la mezzo-soprano Shakèd Bar, lui permettent d’incarner une Clytemnestre peut-être un peu trop claire pour le personnage, mais dont la technique vocale et l’expressivité parviennent à dépeindre efficacement le caractère de la mère d’Iphigénie. Le troisième personnage féminin, celui d’Elisena, est confié à la fraîcheur vocale et scénique de la soprano Neima Fischer, applaudie au Concours Cesti il y a deux ans pour son beau timbre et sa ligne de chant fluide, ici mis au service de la princesse d’abord faite prisonnière, puis tourmentée par son amour pour Achille et finalement sacrifiée sur l’autel de Diane.

Cinq personnages masculins sont présents dans l’œuvre et, contrairement à ce que laisse supposer le titre, ce sont eux qui interprètent les morceaux musicaux les plus intéressants. Pas pour le roi Agamemnon peut-être, qui trouve dans le ténor Martin Vanberg un chanteur pas toujours à l’aise dans les variations du personnage, mais plutôt pour Teucro, ici interprété par le contre-ténor Filippo Mineccia, au phrasé sculpté et à la forte expressivité, à qui Caldara destine l’air « Tutto fa nocchiero esperto » accompagné au violon. Le rôle d’arcade, qui n’est pourtant pas l’un des premiers de l’ouvrage, comporte pourtant un numéro surprenant où les vers « Sprone al core, ed ali al piede | ho da fede e da pietà » sont accompagnés d’un fugato orchestral sévère, l’une des surprises instrumentales dont le compositeur parsème son œuvre. Le baryton Giacomo Nanni, lui aussi issu du concours Cesti, parvient à définir le personnage grâce à sa voix chaleureuse et son phrasé agile. Le ténor Laurence Kilsby, l’une des voix les plus remarquables issues du concours Cesti, incarne magnifiquement Ulysse, notamment dans l’air du deuxième acte « È debolezza temer cotanto », magnifiquement interprété sur les accords furieux des cordes de l’orchestre. Et puis il y a Achille, à qui Caldara confie les airs les plus difficiles, que le contre-ténor Carlo Vistoli interprète avec une facilité et une élégance sans pareilles. C’est avec lui que commence l’œuvre avec un « Asia tremi, Argo festeggi », ici étrangement privé de la deuxième partie et du da capo, faisant preuve d’une agilité remarquable que l’on retrouvera dans les cinq autres airs, dont « Passerò con chi svenò » qui conclut par un triomphe de trilles et de coloratures la première des deux parties composant le spectacle, et plus encore « Se mai fiero leon vede assalita » où les agilités di forza sont abordées et résolues avec une musicalité exceptionnelle. Une fois de plus, c’est la performance la plus excitante et spectaculaire de la soirée.

Une soirée qu’on peut cependant qualifier de décevante d’un point de vue visuel : la mise en scène du duo barcelonais Santi Arnal et Anna Fernández (mise en scène, costumes et conception) s’est révélée scolaire et naïve, avec des décors et des costumes d’Alexandra Semenova d’une rare laideur, en particulier ceux des hommes, composés de bermudas et d’improbables vestes de bergers sardes, de casques imposants et de sandales. Il y a certaines choses que, personnellement, je ne supporte pas dans une mise en scène d’opéra : le théâtre d’ombres, l’utilisation de marionnettes, le dédoublement des personnages et les chorégraphies inutiles. Ici, les quatre sont présents…

Une fois encore, c’est la dimension musicale du spectacle qui remporte les applaudissements du public, lequel acclame les chanteurs, le chef d’orchestre et l’orchestre avec un enthousiasme bien mérité.

————————————————

Retrouvez les interviews d’Ottavio Dante et Carlo Vistole ici et là.

Per leggere la versione originale in italiano di questo articolo, cliccare sulla bandiera!

Les artistes

Ifigenia : Marie Lys
Achille : Carlo Vistoli
Clitennestra : Shakèd Bar
Agamennone : Martin Vanberg
Elisena : Neima Fischer
Teucro : Filippo Mineccia
Ulisse : Lawrence Kilsby
Arcade : Giacomo Nanni

Accademia Bizantina, dir. Ottavio Dantone

Mise en scène : Anna Fernández & Santi Arnal
Décors et costumes : Alexandra Semanova

Le programme

Ifigneia in Aulide

Opéra en 3 actes d’Antonio Caldara, livret d’Apostolo Zeno, créé à Vienne en 1718.
Semaines de musique ancienne d’Innsbruck, Tiroler Landestheater , représentation du 8 août 2025

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Ottavio DantoneCarlo VistoliMarie Lysfilippo minecciaLaurence KilsbyShaked Bar
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Renato Verga

Diplômé en Physique de l'Université de Turin, Renato Verga a toujours eu une passion immodérée pour la musique et le théâtre. En 2014, il lance un blog (operaincasa.com) pour recueillir ses critiques de DVD d'opéra, de spectacles vus partout dans le monde, de concerts, de livres sur la musique. Renato partage l'idée que la mise en scène est une partie constitutive de l'opéra lui-même et doit donc comporter de nécessaires transformations pour s'adapter à notre contemporanéité.

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