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Les festivals de l’été –
Salzbourg : MARIA STUARDA, pas à pas vers l’échafaud

par Damien Colas Gallet 10 août 2025
par Damien Colas Gallet 10 août 2025

© SF - Monika Rittershaus

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Une mise en scène souvent déroutante, parfois saisissante, mais aussi et surtout une belle exécution musicale – et le triomphe attendu de Lisette Oropesa, qui renouvelle sa formidable performance madrilène de décembre dernier.

Bob Wilson est avec nous ce soir. Néons, plateau noir, costumes fourreau, lenteur des déplacements sur scène. Tout nous rappelle le metteur en scène américain. Deux larges plateaux circulaires se meuvent sur l’espace scénique, tandis qu’un troisième est placé au-dessus. Les lumières sont froides et, par moments, le rouge apparaît. Le troisième cercle se remplit de vidéos en noir et blanc. L’atmosphère est lourde de tension sexuelle : Marie est la seule femme, au milieu d’une foule de mâles torse nu, clairement soumise, et à voir son regard triste et fermé, on peut se demander si elle est bien consentante. On pense à une agression sexuelle. On comprendra l’intention plus tard. Pour l’heure, la gêne domine.

Les acteurs et figurants marchent à pas lents. Avec Wilson, la lenteur, on connaît. Mais ici, ce qui frappe, c’est la régularité de ce pas cadencé qui relève de l’ordre serré en caserne – exercice peu stimulant auquel les plus jeunes ont par chance échappé. Voulez-vous savoir combien de mesures composent la partition de Maria Stuarda ? Il vous suffit de vous mettre à compter car, oui, comme c’est à craindre, ce petit jeu va durer jusqu’à la fin de l’opéra. Chacune des mesures de la partition est scandée par les pieds ! Cerise sur le gâteau – c’est la maison qui régale – les cadences vocales, par essence des mesures hypermétriques, font l’objet de plusieurs pas, qui forcément cafouillent… S’il vous est déjà arrivé de suivre un opéra, ou un concert, assis à côté d’un spectateur qui bat la mesure, vous mesurez à quel point ceci est irritant. Imaginez l’inquiétude qui vous étreint quand vous prenez conscience, au bout de quelques minutes, du supplice métrique qui va vous être infligé jusqu’à la fin. Entretemps, dans l’introduction, parviennent les voix du chœur, juché sur des praticables en fond de scène et plongé dans l’obscurité. Selon les scènes, il sera ou invisible ou à peine visible. L’effet sonore est impressionnant, par moments magnifique.

Le metteur en scène Ulrich Rasche a associé chacun des deux tambours à l’une des deux reines rivales. Au camp du mal, centré autour d’une Élisabeth détestable, en noir, s’oppose le camp du bien, Marie Stuart, en blanc, l’innocente condamnée. Marie Stuart était-elle innocente ? Peut-être du faux procès que lui avait fait sa cousine, mais devant Dieu, c’est une autre histoire. Elle avait participé à l’assassinat de son deuxième mari, ce qui éclaire différemment sa marche au supplice, transformée en expiation.

On peut voir aussi, dans ces deux roues qui tournent l’une face à l’autre, un écho de la lettre de Schiller à Goethe (18 juin 1799). Dès le lever de rideau, le sort de la reine d’Écosse est scellé ; chaque moment de l’action, même s’il semble l’en éloigner, la rapproche en réalité de sa dernière heure. On imagine ainsi les roues crantées d’une machine infernale, l’engrenage de l’Histoire, l’avancée irrépressible vers la catastrophe. La décapitation de l’héroïne est rendue scéniquement par l’écrasement de la troisième roue sur les deux premières, dans une lumière incandescente. L’effet visuel est saisissant.

Encore plus frappante, et franchement à couper le souffle, est l’entrée sur scène du convoi funèbre, où Marie est portée par les figurants, nus, vêtus d’un seul pagne, dans une marche qui rappelle la charrette des suppliciés. Le pas est lent, toujours calqué sur la mesure. Et, à cet instant précis, d’une incroyable beauté plastique grâce aux lumières sublimes de Marco Giusti qui créent un halo de lueurs rouges autour de Marie, finalement tout devient évident. Ces pas sont ceux de la marche à l’échafaud. C’est que nous sommes, depuis le début, dans la grande salle du château de Fotheringhay. La marche semble une éternité à celle qui va mourir. Et la marche illustre aussi la catastrophe imminente voulue par Schiller dans son drame. Le tableau est grandiose : on comprend aisément pourquoi le festival l’a choisi pour l’affiche du spectacle.

On le sait : la dramaturgie musicale est autrement plus subtile que la dramaturgie du livret. En témoigne la scène cruciale de l’opéra, où Marie sort de ses gonds et traite sa cousine de « vile bâtarde ». Les mots choquent, mais pas la musique. Le moment important, sur lequel Donizetti a attiré l’attention, a lieu juste avant, lors du sextuor « È sempre la stessa ». Marie est toujours la même, superbe et orgueilleuse. Le constat est amer pour Élisabeth, que l’aplomb de sa cousine met hors d’elle. Marie est surtout une femme qui a connu les hommes, a été désirée par eux, quand Élisabeth, de son côté, par volonté ou par nécessité, restera pour toujours la « reine vierge ». Othello est la tragédie de la jalousie, Maria Stuarda est l’opéra de l’envie. Élisabeth a développé une rage furieuse envers cette cousine à qui tout semblait sourire. Et, cette fois, c’est la vidéo de l’acte I qui s’éclaire : on y voit comment Élisabeth, dans une obsession pathologique, se représente sa cousine. L’intention du metteur en scène se comprend, la vidéo de Florian Hetz n’est guère convaincante.

Marathon vocal pour soprano, le rôle principal de l’opéra ne s’adresse qu’aux meilleures des interprètes rompues à ce répertoire. La sortita, « O nube! che lieve per l’aria », et surtout sa vaillante cabalette « Nella pace del mesto riposo » au rythme martial entraînant, représente déjà un défi. Mais c’est à l’acte III que l’endurance de la chanteuse est mise à rude épreuve : s’y succèdent le duo avec Talbot, où l’on découvre l’antefactum de l’action, puis la prière, et enfin l’aria du supplice. Lisette Oropesa, qui triompha déjà dans ce même rôle à Madrid en décembre dernier, passe d’un registre à l’autre avec la même maestria. Dès son entrée sur scène, on retrouve la luminosité du timbre et les agilità impeccables qui ont fait sa renommée. La voix reste fraîche et radieuse jusqu’à la fin de l’opéra, et c’est au véritable triomphe d’une reine du chant que l’on assiste lors de la scène de la décapitation. Le rôle de Leicester est confié à Bekhzod Davronov, second prix Operalia en 2021, ténor au timbre solaire, et qui maîtrise à la perfection les sfumature du chant italien. Les rôles secondaires de Lord Cecil et de Talbot sont tenus avec panache par Thomas Lehman et Aleksei Kulagin, l’un et l’autre offrant de belles voix en phase avec leurs emplois. Nino Gotoshia, qui interprète le rôle d’Anna Kennedy, est un nom qui mérite d’être retenu, tant l’instrument est remarquable. Déception en revanche avec Kate Lindsey, qui n’est pas à l’aise avec le rôle d’Élisabeth et semble à côté de la partition. La chanteuse, connue pour ses talents de comédienne – elle a créé Adso dans Il nome della rosa – n’a pas démérité mais le rôle ne lui convenant pas, c’est une erreur de distribution. Direction énergique d’Antonello Manacorda, à la tête des Wiener Philharmoniker en forme. Applaudissements un peu timides pendant l’acte I, plus généreux à la fin de l’opéra.

Les artistes

Maria Stuarda : Lisette Oropesa
Elisabetta : Kate Lindsey
Roberto, Comte de Leicester : Bekhzod Davronov
Giorgio Talbot : Aleksei Kulagin
Lord Guglielmo Cecil : Thomas Lehman
Anna Kennedy : Nino Gotoshia

Danseurs du SEAD — Salzburg Experimental Academy of Dance

Concert Association of the Vienna State Opera Chorus (chef de chœur : Alan Woodbridge), Angelika Prokopp Summer Academy of the Vienna Philharmonic, orchestre Philharmonique de Vienne, dir. Antonello Manacorda

Mise en scène et décors : Ulrich Rasche
Dramaturgie : Yvonne Gebauer
Costumes : Sara Schwartz
Vidéos : Florian Hetz
Lumières : Marco Giusti
Chorégraphie : Paul Blackman

Le programme

Maria Stuarda

Tragedia lirica en deux actes de Gaetano Donizetti, livret de Giuseppe Bardari, créée au Teatro alla Scala de Milan le 30 décembre 1835.

Festival de Salzbourg, représentation du jeudi 7 août 2025.

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Kate LindseyBekhzod DavronovAleksei KulaginAntonello ManacordaLisette OropesaUlrich Rasche
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Damien Colas Gallet

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