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Teatro regio de Turin – HAMLET ténor… et quel ténor !

par Renato Verga 17 mai 2025
par Renato Verga 17 mai 2025

© Daniele Ratti e Mattia Gaido

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Turin, Hamlet, 13 mai 2025

L’intérêt majeur de ce Hamlet, outre la rareté de son exécution en Italie, réside dans le fait que le rôle-titre n’est pas chanté par un baryton, comme on l’a (presque) toujours entendu, mais un ténor. Mais la direction orchestrale, l’excellence des chanteurs et la mise en scène bouleversante constituent également une combinaison gagnante qui fait de ce spectacle incontournable le meilleur de la saison turinoise à ce jour.

Hamlet version ténor : une rareté

En effet, le soir du 9 mars 1868 à l’Opéra Le Peletier, Hamlet était le baryton Jean-Baptiste Faure. Le compositeur Ambroise Thomas avait conçu le rôle-titre pour un ténor, comme le montre la partition originale récemment découverte, mais n’ayant pas trouvé de ténor à la hauteur, il préféra adapter le rôle à l’un des barytons les plus renommés de l’époque. Depuis lors, de nombreuses voix graves ont entonné « Être ou ne pas être ». Après les récents Sir Simon Keenlyside, Stéphane Degout et Ludovic Tézier, c’est le ténor américain John Osborn, admiré par le public turinois dans La fille du régiment il y a exactement deux ans, qui assume le rôle du triste prince de Danemark sur la scène du Regio – après l’avoir interprété en version de concert à Montpellier en 2022, à l’époque où le Festival Radio-France Occitanie Montpellier s’intéressait encore à l’Opéra. Au-delà de la curiosité que constitue le changement de registre du protagoniste, ce qui rend le spectacle incontournable, c’est la direction orchestrale, l’excellence des chanteurs et la mise en scène bouleversante – une combinaison qui fait de ce spectacle le meilleur de la saison à ce jour.

« Il y a deux espèces de musique : la bonne et la mauvaise. Et puis, il y a la musique d’Ambroise Thomas »… Nous connaissons cette boutade acerbe d’Emmanuel Chabrier, jaloux de la popularité auprès du public bourgeois de la musique facile et mélodieuse de son rival. Mais Thomas a également reçu l’admiration sincère d’un compositeur aussi peu accommodant que Berlioz. En outre, Thomas collectionne les plus hautes distinctions de son époque : Prix de Rome en 1832, Chevalier de la Légion d’honneur en 1845, élection à l’Académie des Beaux-Arts en 1851, professeur de composition au Conservatoire de Musique en 1856 puis directeur en 1871 et enfin Grand-Croix en 1891, à l’occasion de la 1000ème représentation de Mignon, son autre opéra ayant traversé le temps, et qui comme Hamlet a de nobles origines littéraires, le Goethe des Années d’apprentissage de Wilhelm Meister.

Après sa création triomphale en 1868, l’opéra de Thomas, évolution naturelle du genre « grand-opéra » vers des thèmes plus littéraires qu’historiques ou religieux, a progressivement conquis les scènes des théâtres du monde entier grâce à la faveur que lui ont accordée certaines voix mythiques. Relativement délaissée à partir des années 1920, l’œuvre est redécouverte depuis les années 1980 (en 1984, Richard Bonynge, Sherill Milnes et Joan Sutherland en proposèrent une gravure restée célèbre) et connaît depuis lors d’innombrables reprises. La dernière mise en scène d’Hamlet à Turin remonte à 2001 avec un jeune Tézier dans le rôle éponyme et l’Ophélie d’Annick Massis, la direction d’orchestre et la mise en scène étant assurées respectivement par les frères Emmanuel et Nicolas Joël. Pour la première fois, l’opéra était joué en français dans notre pays, la version italienne d’Achille de Lauzières étant jusque-là couramment utilisée.

Outre le charme mélodique – le thème du duo « Doute de la lumière, | doute du soleil et du jour » devient le motif récurrent de l’opéra –, c’est l’orchestration d’Hamlet qui surprend, surtout dans la partie des vents : dans le bref prélude qui évoque l’esprit du prince tourmenté, l’intervention du cor est magnifique, tandis que dans celui qui précède la scène sur les terrasses d’Elsinore, c’est le trombone qui dépeint efficacement l’atmosphère nocturne. Les instruments à vent sont à nouveau les protagonistes de la musique de la pantomime, les trombones au début du troisième acte et la clarinette au quatrième. Sans oublier le cor anglais dans l’air d’Ophélie ou le solo de saxophone qui introduit la scène des comédiens (il s’agit de la première utilisation du saxophone dans un opéra). Notons également les glorieuses interventions des trompettes dans les nombreuses fanfares qui introduisent les scènes de cour.

L’excellence de l’interprétation musicale

Grand connaisseur du répertoire français, Jérémie Rhorer sait mettre en valeur les qualités de la partition en soulignant sa transparence, sans renoncer pour autant à l’aspect dramatique de la tragédie shakespearienne, réinterprétée par un Français du XIXe siècle qui connaissait tout au plus quelques œuvres du Barde dans des traductions parfois discutables. Rhorer nous restitue le goût de l’époque avec une grande élégance et une direction soignée qui met en valeur les instrumentistes du Regio engagés dans de nombreux solos ou dans des morceaux orchestraux à la sonorité somptueuse et brillante. Quelques coupures – le chœur des comédiens dans le troisième acte et celui des paysans dans le quatrième acte – concentrent le drame, rendent les quatre heures de musique plus agréables et permettent un meilleur contraste des scènes, tantôt tragiques, tantôt de pur divertissement.

Ombrageux, introverti, le personnage d’Hamlet a été inextricablement lié au timbre de baryton, mais dans le registre de ténor, le personnage acquiert une plus grande fragilité ainsi qu’une dimension d’audace héroïque bien adaptée au toast « Ô vin, dissipe la tristesse ». Le rôle ne nécessite pas les aigus dans lesquels excelle le ténor américain John Osborn, qui peut ici se concentrer sur l’art délicat de la mezza voce ou de la voix mixte. Il offre ici une véritable leçon de phrasé, avec une déclamation où chaque mot se colore de façon expressive. Spécialiste du répertoire français, Osborn fait preuve d’une excellente diction. Le duo avec sa mère est exaltant ; ce personnage complexe de Gertrude est interprété par Clémentine Margaine, mezzo-soprano au grand tempérament et à la projection vocale exceptionnelle. L’Ophélie de Sara Blanch est un autre pilier de la soirée ; dans la très attendue et célèbre scène de la folie, elle ne se transforme pas en une machine de pure virtuosité vocale ; tout en exécutant à la perfection les agilités requises, elle maintient l’aspect dramatique de la scène, qui ne rompt donc pas la progression de l’histoire, grâce aussi à d’habiles choix de mise en scène. Riccardo Zanellato est un Claudius correct mais quelque peu incolore. Le rôle de Laërte (Julien Henric), en revanche, est trop bref pour que nous profitions réellement du timbre lumineux et de l’élégance du ténor lyonnais. Le rôle bref mais décisif lui aussi du Spectre du roi mort est confié à la voix déclinante mais toujours très personnelle, et ici particulièrement efficace, d’Alastair Miles. Alexander Marev (Marcellus), Tomislac Lavoie (Horatio), Nicolò Donini (Polonius), Janusz Nosek (Premier fossoyeur, de l’Ensemble Regio) et Maciej Kwasnilowski (Second fossoyeur) complètent l’excellente distribution réunie pour cette production. Il convient également de souligner le travail exemplaire du chœur, dirigé par Ulisse Trabacchin, qui signe ici l’une de ses meilleures prestations.

Une mise en scène parfaitement convaincante

Le metteur en scène Jacopo Spirei ne cherche pas à faire de ce Hamlet une tragédie de Shakespeare : il en accepte les aspects romantiques donnés à l’œuvre par les librettistes. Pour autant il ne néglige pas le caractère tragique de l’histoire ni la profondeur psychologique de ses personnages. Il s’agit d’un voyage dans l’esprit du prince danois, presque toujours présent sur scène, dès le prélude où il observe tristement le cadavre de son père dans une morgue délabrée. Immédiatement après, le rideau se lève sur la salle principale du palais d’Elseneur, élégante mais somptueuse, que le scénographe Gary McCann utilise comme scène unique, grâce à des rideaux qui descendent pour définir de nouveaux espaces. Il n’y a pas de terrasses de château balayées par le vent : l’apparition du spectre se produit alors que le père joue au ballon dans un champ de fleurs avec Hamlet et Ophélie enfants, dans un coucher de soleil flamboyant, ce qui permet de souligner que ce que nous voyonsse passe en réalité dans l’esprit du jeune prince.

Dans la scène des comédiens, des masques de carnaval entrent en scène pour représenter les trois personnages de la pantomime, tandis que des voiles blancs enveloppent Ophélie au moment du suicide. Une foule de figurants vêtus de noir apparaissent, rideau ouvert, tenant un livre, peut-être contenant cette philosophie d’Horace selon laquelle « There are more things in heaven and earth », figures qui continueront à être présentes sur scène avec des jeunes filles vêtues de blanc, comme pour compenser l’absence du ballet traditionnel. Une subtile veine d’humour noir imprègne la lecture de Spirei. Elle est évidente dans la scène du cimetière de l’acte V (ici la morgue du début), dans laquelle des fossoyeurs cyniques s’affairent autour d’innombrables cadavres, y compris celui d’Ophélie qui réapparaîtra dans le finale, où Hamlet, transpercé par l’épée, est guidé par la main de son père pour tuer Claudius, puis monte sur un cheval à bascule, symbole de son enfance quelque peu bafouée, pour être finalement couronné par une cour horrifiée. Avec les costumes très remarqués de Giada Masi (Ophélie en jupe de tulle porte des pantalons pour homme…) et les éclairages astucieux de Fiammetta Baldiserri, Spirei a mis en scène un spectacle à l’impact visuel fort, très apprécié par le jeune public lors de la représentation qui lui était dédiée. Un public très attentif, participant, enthousiaste et compétent, qui a couvert d’applaudissements nourris les interprètes d’Hamlet, d’Ophélie et de Gertrude, ainsi que le metteur en scène.

Per leggere questo articolo nella sua versione originale in italiano, cliccare sulla bandiera!

Les artistes

Hamlet : John Osborn
Ophélie : Sara Blanch
Gertrude : Clémentine Margaine
Claudius : Riccardo Zanellato
Laërte : Julien Henric
Le Spectre du Roi défunt : Alastair Miles
Marcellus : Alexander Marev
Horatio : Tomislav Lavoie
Polonius : Nicolò Donini
Premier Fossoyeur : Janusz Nosek (Regio Ensemble)
Second Fossoyeur :  Maciej Kwasnikowski

Orchestre du Teatro Regio Torino, dir. Jérémie Rhorer
Choeur du Teatro Regio Torino, dir. Ulisse Trabacchin
Mise en scène : Jacopo Spirei
Décors : Gary McCann
Costumes : Giada Masi
Chorégraphie : Ron Howell
Lumières : Fiammetta Baldiserri
Assistant à la mise en scène : Lorenzo Lenzi
Assistante aux décors : Gloria Bolchini
Assistante aux costumes : Francesca Sartorio

Le programme

Hamlet

Opéra en cinq actes d’Ambroise Thomas, livret de Michel Carré et Jules Barbier d’après Shakespeare, créé à l’Opéra de Paris le 9 mars 1868.
Version pour ténor.
Teatro regio de Turin, représentation du mardi 13 mai 2025.

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John OsbornJérémie RhorerSara BlanchClémentine MargaineJacopo Spirei
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Renato Verga

Diplômé en Physique de l'Université de Turin, Renato Verga a toujours eu une passion immodérée pour la musique et le théâtre. En 2014, il lance un blog (operaincasa.com) pour recueillir ses critiques de DVD d'opéra, de spectacles vus partout dans le monde, de concerts, de livres sur la musique. Renato partage l'idée que la mise en scène est une partie constitutive de l'opéra lui-même et doit donc comporter de nécessaires transformations pour s'adapter à notre contemporanéité.

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