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EINSTEIN ON THE BEACH à l’Opéra de Rouen-Normandie

par Pierre Brévignon 23 novembre 2022
par Pierre Brévignon 23 novembre 2022

© Maxime Fauconnier

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De la plage à la Seine : happening rouennais pour l'opéra abstrait de Philip Glass

Hasards de la programmation et coïncidence pas si fréquente sous nos latitudes, deux théâtres français accueillaient en cette mi-novembre des « opéras » de Philip Glass. Les guillemets, ici, s’imposent, tant l’Américain s’est toujours ingénié à aborder le lyrique par la bande, préférant les formes hybrides au « grand opéra » stricto sensu. Pour preuve, le grand écart qui sépare, à vingt ans et quelques centaines de kilomètres de distance, le Glass de Rennes du Glass de Rouen –  les Enfants terribles, opéra de poche pour quatuor vocal et trois pianos adaptant le roman de Jean Cocteau, d’Einstein on the Beach, vaste fresque résolument non narrative de plus de trois heures associant un ensemble de chambre et une récitante à un chœur pléthorique.

Un trait d’union relie cependant, sur le papier, ces deux œuvres : la danse. Or comme dans la production rennaise des Enfants terribles, la production d’Einstein on the Beach à Rouen a décidé d’évacuer la dimension chorégraphique de l’œuvre. À sa création au Festival d’Avignon 1976, cette pièce monumentale mise en scène par Bob Wilson était accompagnée de danses conçues par Andy De Groat (adaptées par Lucinda Childs), costumes et décors complétant la proposition. En 2014 au Théâtre du Châtelet, une recréation de cette production montrait son ampleur et son ambition scéniques. Rien de tel à Rouen, où seule une « mise en lumière » est proposée au public. Sa variété suffit à donner du relief à ce déferlement minimaliste structuré en quatre actes aux scènes énigmatiques – train, procès, prison bâtiment, lit, vaisseau spatial – articulés par des interludes intitulés Knee Play. En guise de décor, la disposition des groupes d’interprètes scandant l’espace (déployés de gauche à droite : musiciens de l’Ictus Ensemble, claviers, chef, choristes, récitante) ; en guise d’action scénique, les déplacements des interprètes sur scène et à l’arrière-scène, où ceux qui ne participent pas au tableau en cours se reposent, se désaltèrent, changent de tenue, s’allongent par terre ou lisent le journal…

Dans cet opéra sans argument – une évocation vaporeuse d’Albert Einstein -, la seule figure à se rattacher à un « personnage » est la chanteuse Suzanne Vega, récitante de textes et poèmes d’auteurs divers : Lucinda Childs, Christopher Knowles (un adolescent autiste qui vivait avec Robert Wilson) et l’un des acteurs de la création de l’œuvre, Samuel M. Johnson. Coiffée d’un chapeau melon, la chanteuse apporte par sa voix tantôt chuintée, tantôt cristalline, et par ses intonations mécaniques ou charnelles, une humanité touchante à cette fresque sonore portée par les boucles des synthétiseurs et les proférations obsessionnelles des choristes.

Une chose est sûre : avec ou sans mise en scène épurée de Bob Wilson, la dimension de mystère – au sens presque médiéval du terme – de l’œuvre est frappante. Quel rituel se joue devant nos yeux et à nos oreilles ? Le public, invité à entrer et sortir de la salle au gré de ses envies, semble captivé par cette énigme, et rares sont les spectateurs à oser quitter leur siège pendant ces trois heures – comme si manquer quelques minutes de spectacle risquait de les priver de toute chance de compréhension.

Mais, plus que de compréhension, c’est bien d’émotion, de ressenti qu’il est ici question. Il n’est même pas exclu que l’inévitable ennui qui vient par intermittence nous visiter ne fasse partie de « l’expérience » Einstein on the Beach. À l’envoûtement procuré par l’édifice répétitif de Glass – aux effets admirablement dosés – s’ajoute la stupéfaction devant la virtuosité et la précision des musiciens et des chanteurs, répondant avec un investissement galvanisant aux injonctions millimétriques de Tom de Cock. Lorsque Suzanne Vega, à la gestuelle elle aussi savamment calculée, murmure les vers du poème final, Two Lovers on a Park Bench, une étrange émotion nous serre alors la gorge. L’on sort peu après du théâtre groggy, vaguement euphorique, sans trop savoir ce qui vient de se passer sous nos yeux et en nous… Oui, décidément : un mystère.

 

Les artistes

Narratrice : Suzanne Vega
Direction musicale : Tom de Cock, Michael Schmid
Scénographie : Germaine Kruip
Costumes : Anne-Catherine Kunz
Dramaturgie : Maarten Beirens
Son : Alexandre Fostier
Lumières : Wannes De Rydt, Benno Baarends

Ictus
Collegium Vocale Gent

Le programme

Einstein on the Beach

 Opéra en 4 actes de Philip Glass, livret de Christopher Knowles, Samuel M. Johnson et Lucinda Childs, créé le 25 juillet 1976 au Festival d’Avignon.

Représentation unique du 17 novembre 2022 à l’Opéra de Rouen-Normandie.
Production Ictus, Collegium Vocale Gent

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Pierre Brévignon

Pierre Brévignon jongle avec les mots et les notes, tour à tour dans les programmes de l'Opéra de Paris, de la Cité de la Musique, du Théâtre du Châtelet, dans les livrets de CD, dans les salles de conférence de la Philharmonie, au sein de l'Association Capricorn (www.samuelbarber.fr) ou dans les livres qu'il consacre à sa passion : la première biographie française de Samuel Barber ("Samuel Barber, un nostalgique entre deux mondes", éditions Hermann, 2012), le "Dictionnaire superflu de la musique classique" (avec Olivier Philipponnat, Castor Astral, 2015) et "Le Groupe des Six, une histoire des années folles" (Actes Sud, 2020).

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