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Bal tragique à Lisbonne

par Pierre Brévignon 28 août 2022
par Pierre Brévignon 28 août 2022

© Susana Paiva

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Le Bal masqué de Verdi ouvre la troisième édition de l’OperaFest Lisboa.

Comme le veut la tradition établie voilà deux ans, le tout jeune OperaFest de Lisbonne inaugurait sa troisième édition par sa programmation « Grands Classiques ». Après Tosca (2020) et Madama Butterfly (2021), c’était au tour du Bal masqué de Verdi de l’ouvrir, le bal, mais démasqué cette fois grâce à la levée des restrictions Covid. Les sourires étaient donc bien visibles chez les spectateurs venus nombreux dans le magnifique jardin du Museo d’Arte Antigua, auquel les docks du Tage, le Ponte 25-Abril et la statue du Cristo Rei offrent une toile de fond singulière pour une soirée de grand opéra romantique.

Ce choix de représentations en plein air, s’il contribue grandement au charme du festival, nécessite de surmonter plusieurs contraintes : météorologiques – presque négligeables en cette période de l’année, même si le vent n’hésite pas, de temps en temps, à y aller de son fortissimo dans les frondaisons -, logistiques – l’espace dévolu à la scène et à l’orchestre demeure limité – mais surtout sonores. Pour riposter à la rude concurrence que livrent à l’orchestre et aux chanteurs les bruits de circulation routière, fluviale et céleste (l’aéroport est à la périphérie de la ville), la sonorisation des artistes se révèle indispensable. Les puristes s’en effraieront. Les pragmatiques s’en accommoderont. Les mélomanes jugeront sur pièce.

Pour ce qui concerne cette soirée particulière du 20 août (des modifications ont été apportées pour les dates suivantes), disons que le procédé s’est révélé plus périlleux que pleinement satisfaisant. Pas pour les chanteurs, dont les voix s’étageaient harmonieusement dans les enceintes, sans distorsion ou aberration spatiale (pas de voix en coulisse au même niveau qu’une voix à l’avant-scène, par exemple), mais bien pour les musiciens, pris sous l’impitoyable loupe grossissante du micro. Si quelques accidents inévitables peuvent se fondre dans la masse d’un orchestre au grand complet, il en va différemment pour une réduction chambriste (25 musiciens), où la moindre approximation est immédiatement soulignée, quand ce n’est pas l’usage d’un instrument inhabituel – ce soir-là, l’omniprésent vibraphone appelé en soutien des cordes mais qui jouait aussi fort qu’elles, sinon plus, donnant par moments au drame de Verdi l’allure d’un concert Lionel Hampton & Friends… De ce point de vue, la transcription réalisée par Francisco Lima da Silva nous a semblé moins pertinente que celle qu’il avait réalisée pour Madama Butterfly, l’an dernier.

Ces réserves émises, on aura pu apprécier les très bonnes prestations des chanteuses et chanteurs ainsi qu’une mise en scène aussi sobre que lisible – ce qui n’est pas une mince affaire compte tenu de l’entremêlement des intrigues dans ce récit où le politique se fracasse constamment sur l’intime, où la trahison frappe l’amitié autant que l’amour, où le surnaturel côtoie le vaudeville… Le décor est constitué de cinq éléments mobiles, sortes de portiques rectangulaires figurant tour à tour les murs d’une salle de palais, les parois d’une caverne de sorcière, ou divisant le plateau scénique en autant de cadres démultipliant les espaces par un astucieux effet d’optique. L’arrière-plan végétal du jardin parachève l’habillage décoratif.

La répartition des rôles obéit à une symétrie par paires : le comte Riccardo et son conseiller Renato, amis et bientôt rivaux ; Tom et Samuel, deux conspirateurs métonymiques de la vaste conjuration visant Riccardo ; Amelia, épouse de Renato secrètement amoureuse du comte, et Oscar, page de Riccardo. À la croisée de ces duos, la sorcière Ulrica fonctionne comme l’engrenage par lequel le drame va se mettre en branle, et les personnages entrer en conflit : c’est elle qui voit l’assassinat du comte et qui, envoyant Amelia chercher l’herbe magique que lui réclame la jeune femme pour effacer ses sentiments coupables, provoque sa disgrâce auprès de Renato puis, in fine, l’assassinat de Riccardo.

Le ténor Carlos Cardoso campe un Riccardo fougueux, voire bravache, dont le jeu autant que les inflexions vocales traduisent avec aisance toute la palette de sentiments, du déni obstiné au sublime pardon de la scène finale. Jamais prise en défaut, sa voix fait merveille dans le duo d’amour de l’acte II, d’un romantisme fiévreux, et trouve ce qu’il faut de grandeur dans le monologue préludant au Bal du dernier acte (« Forse la soglia attinse »). Sa reprise de rôle cet automne à l’opéra d’Essen atteste de sa familiarité avec le personnage.

Christian Luján dépeint avec sensibilité un Renato faillible, ami d’une loyauté exemplaire que la jalousie métamorphose d’abord en mari aux pulsions féminicides puis en conjuré criminel. On a souvent parlé du Ballo comme d’un des opéras les plus shakespeariens de Verdi : Renato pourrait aussi bien être né de la plume d’un Dostoïevski, et le baryton colombien possède les moyens vocaux indispensable pour faire passer avec le même sens de la nuance menace (« Eri tu che macchiavi…») et noble supplication (« Alla vita che t’arride…»).

Source de rivalité entre les deux amis, l’Amelia de Catarina Molder est le diamant brut de cette soirée. Son engagement dramatique de chaque instant dessine au fil des scènes une femme tourmentée, tiraillée entre deux hommes, deux destins, prête à céder à la superstition pour trancher un dilemme trop humain, accablée de chagrin au moment de tirer au sort l’assassin de l’homme qu’elle aime. Son Miserere de l’acte II, son duo d’amour avec Riccardo et sa grande aria (« Morrò, ma prima in grazia ») ne s’égarent pas dans un hedonisme vocal stérile : vibrants, fervents, déchirants, ils procurent quelques-uns des plus beaux frissons de la soirée.

Frissons d’un autre genre avec l’Ulrica de Cátia Moreso. La mezzo portugaise, habituée du Teatro San Carlos, nous avait impressionné l’an dernier dans le rôle-titre du Medium de Menotti. Elle renoue ici avec les forces occultes en incarnant avec autorité la sorcière Ulrica, qui gratifie le public d’un « Re dell’abisso… » véritablement inquiétant, invocation au seigneur des ténèbres que vient souligner un tourbillon de feuilles opportunément soulevées par le vent.

Filipa Portela apporte au page Oscar, malgré un jeu de scène un rien stéréotypé, une présence malicieuse et son soprano léger brille particulièrement dans la ritournelle ouvrant la scène de bal. Mention spéciale enfin au duo de comploteurs interprétés par Ricardo Rebelo Silva et Leandro Moreso, dont les rires sardoniques repris par le chœur et survenant au moment le plus tragique de l’acte II illustrent cette juxtaposition shakespearienne du drame et de la comédie.

Les musiciens de l’Ensemble MPMP traduisent avec éloquence, malgré leur effectif réduit, le souffle dramatique de la musique de Verdi, sous la direction précise mais impétueuse de Jan Wierzba. Tout juste s’étonnera-t-on de voir cette fougue inexplicablement bridée dans la scène de bal, où le tourbillon effréné de la danse se mue en une curieuse chorégraphie mécanique… Ultime allusion à la « machine infernale» du drame ?

Les artistes

Riccardo : Carlos Cardoso
Amelia : Catarina Molder
Renato : Christian Luján
Ulrica : Cátia Moreso
Oscar : Filipa Portela
Samuele : Ricardo Rebelo Silva
Tom : Leandro Moreso

Arrangement orchestral : Francisco Lima da Silva
Ensemble MPMP, direction Jan Wierzba
Operafest Lisboa Choir

Mise en scène : Sandra Faleiro
Décors et costumes : Ana Paula Rocha
Lumières : Pedro Santos

 

Le programme

Un Ballo in maschera

Opéra en 3 actes sur un livret d’Antonio Somma (d’après le livret d’Eugène Scribe pour Gustave III ou le Bal masqué de Daniel-François-Esprit Auber ) créé au Teatro Apollo de Rome le 17 février 1859.

Représentation du xxx , Museo d’Arte Antigua, Lisbonne.

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Cátia MoresoCatarina MolderCarlos CardosoChristian LujánFilipa PortelaRicardo Rebelo SilvaLeandro MoresoJan Wierzba
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Pierre Brévignon

Pierre Brévignon jongle avec les mots et les notes, tour à tour dans les programmes de l'Opéra de Paris, de la Cité de la Musique, du Théâtre du Châtelet, dans les livrets de CD, dans les salles de conférence de la Philharmonie, au sein de l'Association Capricorn (www.samuelbarber.fr) ou dans les livres qu'il consacre à sa passion : la première biographie française de Samuel Barber ("Samuel Barber, un nostalgique entre deux mondes", éditions Hermann, 2012), le "Dictionnaire superflu de la musique classique" (avec Olivier Philipponnat, Castor Astral, 2015) et "Le Groupe des Six, une histoire des années folles" (Actes Sud, 2020).

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