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Innsbrucker Festwochen der Alten Musik : très belle redécouverte du SILLA de Graun !

par Renato Verga 9 août 2022
par Renato Verga 9 août 2022

© Birgit Gufler

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Le Silla de Graun à Innsbruck, ou la conversion d'un dictateur

Les Innsbrucker Festwochen der Alten Musik ressuscitent le rare Silla de Graun : une très belle réussite, scénique et musicale !

Un empereur compositeur et librettiste

Dans le théâtre lyrique du XVIIIe siècle, les événements historiques mis en scène ont toujours été un prétexte pour évoquer amours et jalousies, et le Silla de Carl Heinrich Graun ne fait pas exception, bien qu’ici la lutte pour le cœur d’Octavia que mène Silla (alors que la jeune femme est amoureuse d’un autre homme), amène le héros éponyme à reconsidérer son rôle de dictateur et à renoncer spontanément au pouvoir.

Constitué musicalement d’une ouverture et de 22 numéros répartis sur trois actes, Silla a été composé sur un livret écrit en français par Frédéric II (1712-1786), et versifié en italien par Giovanni Pietro Tagliazucchi. Musicien amateur lui-même, lorsque les ambitions militaires cédaient le pas aux ambitions artistiques, le prince électeur de Brandebourg écrivit des œuvres musicales et inaugura l’opéra de la cour de Berlin où il fit représenter des opéras italiens dont il admirait l’inventivité mélodique, la virtuosité instrumentale et les voix de castrats. Entre 1749 et 1754, le roi rédige des projets pour une série d’opéras aux intentions politico-étatiques, destinés à véhiculer l’image de souverains héroïques : Coriolanus, général romain ; Silla, général et dictateur romain ; Montezuma, empereur du Mexique.

Quand un dictateur redevient humain…

Après avoir stabilisé la République romaine pendant les guerres civiles (133-30 av. J.-C.) en tant que dictateur et redonné au Sénat son ancien pouvoir, Silla n’est cependant pas en paix avec lui-même : il cherche à s’épanouir dans l’amour qu’il éprouve pour Octavie, laquelle ne répond pas à sa flamme. Silla fait face à un dilemme : doit-il, comme le lui conseille le sénateur bien intentionné Metellus, se montrer digne d’un souverain romain et renoncer à son amour non partagé, ou doit-il au contraire, comme le suggère l’intriguant Chrysogonus, conquérir de force Octavie qui a été enlevée pour lui ? Silla se rend compte que le pouvoir, la grandeur et la célébrité lui sont montés à la tête et qu’il a abusé de son pouvoir de manière tyrannique : il jure, dorénavant, de ne plus faire que le bien. Le message que Frédéric voulait transmettre à ses sujets est le suivant : lorsque les temps l’exigent, la fin justifie les moyens ; mais une fois le devoir accompli, une fois le mal évité, le souverain doit se modérer lui-même au nom de la justice et de la liberté.

La partition de Graun : un vrai trésor musical

Œuvre de maturité du maître de chapelle Carl Heinrich Graun (né en 1704 et mort en 1759, l’année de la mort de Handel), Silla a été créé le 27 mars 1753 avec deux vedettes de l’époque, la soprano Giovanna Astrua de Vercelli (Ottavia) et le castrat Giovanni Carestini dit Cusanino (Silla), pour lesquels des sommes colossales avaient été dépensées.

Trésor musical réoffert par le directeur artistique du festival, Alessandro De Marchi, l’œuvre a ouvert les Semaines de musique ancienne d’Innsbruck avec un grand succès. La direction magistrale de De Marchi a mis en valeur la beauté d’une partition riche en raffinements instrumentaux, que l’orchestre du festival a rendu de manière incomparable : dès les premières notes de la longue symphonie tripartite, on a pu admirer l’intonation parfaite des deux cors baroques (Alessandro Orlando et Claudia Pallaver) et la fluidité des cordes (Konzertmeisterin Olivia Centurioni) dans les tonalités pastorales de cette page complexe. L’opéra de Graun se compose d’un premier acte puissant avec neuf arias présentant les sept personnages, tous d’importance égale. Une longue scène dramatique de Silla conclut cet acte majestueux, contrastant avec le deuxième qui, parmi ses huit numéros musicaux, comprend deux duos et un trio final fort agité. Le caractère statique du premier acte offre ainsi un contraste bienvenu avec l’extrême tension dramatique et musicale du deuxième acte. Le troisième acte est plus court, avec seulement quatre arias solistes et un chœur final qui se termine sur un ton jubilatoire : « Viva di Silla il nome | famoso in ogni età. | Eroe di lui maggiore | il Tebro ancor non ha« . Un autre mérite du travail de De Marchi réside dans le fait de présenter la partition dans son absolue exhaustivité, tous les airs étant interprétés avec da capo et cadences. Un grand soin a également été apporté à l’accompagnement des récitatifs : ici, le rôle de Chiara Cattani au clavecin a été fondamental.

Le spectacle d'Innsbruck : une réussite scénique et musicale

La distribution vocale est tout aussi excellente. Le personnage éponyme, avec pas moins de quatre airs, un duo et un trio, est confié à la présence scénique et vocale sûre du contre-ténor Bejun Mehta, lequel brille par un timbre de velours, une grande projection, un phrasé assuré et une agilité précise. Ses interventions possèdent un grand poids dramatique : les airs sont presque toujours précédés d’un long récitatif accompagné afin de former de véritables scènes qui expriment la personnalité multiforme du personnage, que Mehta enrichit d’intentions et de traits psychologiques nuancés. La quatrième scène de l’acte II est exemplaire, centrée sur un long monologue de Silla dans lequel le dictateur prend conscience de lui-même et prépare sa « conversion » : « Ah, Metello ha ragione… Che feci ? … e come avendo un cor tanto generoso in petto, divenir seppi un Barbaro, un Tiranno ? « 

La veine mélodique inépuisable du compositeur, qui recrée à la cour de Berlin la glorieuse école napolitaine, trouve une heureuse expression dans les trois airs d’Ottavia, dans lesquels la soprano Eleonora Bellocci déploie une voix vibrante et frémissante qui décrit bien la sensibilité en même temps que la fermeté de la femme romaine. Ses airs sont parmi les plus beaux d’une série de pages merveilleuses, et sont accueillis par des applaudissements enthousiastes. Roberta Invernizzi interprète efficacement l’autre personnage féminin, Fulvia, une mère plus préoccupée par la sécurité matérielle de sa fille que par ses propres sentiments. Les quatre autres personnages masculins sont bien caractérisés avec deux contre-ténors pour les rôles des deux conseillers de Silla : Valer Sabadus est un Metellus sans grande projection vocale mais expressif et élégant ; Hagen Matzeit met son style indéniable au service de Lentulus. Le sopraniste Samuel Mariño est un Postumio vocalement agile et d’un tempérament fougueux. Le méchant, Chrysogonus, trouve en Mert Süngü un interprète convaincant pour lequel Graun écrit des arias de fureur saisissants, magnifiquement rendus par le ténor turc.

Sobre mais efficace, la mise en scène de Georg Quander, ancien directeur de la Staatsoper unter der Linden de Berlin, accorde une attention particulière aux interactions entre les personnages et leurs gestes et mouvements. Les interprètes évoluent dans un décor conçu par  Julia Dietrich, simple et fonctionnel, avec quelques éléments qui suggèrent la monumentalité romaine – un double escalier, un obélisque, une statue féminine, une tête de dictateur possédant les traits de l’interprète lui-même – et une toile de fond sur laquelle sont habilement projetées des vues architecturales en perspective, au point qu’elles semblent peintes. Ici, pas de plateaux tournants (enfin !), et lorsqu’il y a un changement de scène, le rideau se ferme et le chanteur chante les da capo et les cadences de son air à l’avant-scène, face au public, procédé produisant ungrand effet – dont nous avions presque oublié le souvenir ! Dietrich a conçu elle-même les costumes, et ici elle s’est laissée aller à un peu plus de liberté : les costumes offrent en effet un tour d’horizon de différentes époques, du style romain au XVIIIe siècle, du contemporain au futur.

En somme, une mise en scène apparemment simple mais tout à fait convaincante, couronnée  par une exécution musicale d’un excellent niveau. Bravo à l’Innsbrucker Festwochen der Alten Musik !

Les deux autres rendez-vous lyriques sont malheureusement répartis sur tout le mois d’août : il faut revenir une deuxième fois pour L’amazzone corsara de Carlo Pallavicino et une troisième fois pour l’Astarto de Giovanni Bononcini, deux joyaux de ces trésors italiens des XVIIe-XVIIIe siècles que nos théâtres s’obstinent à négliger…

Pour lire la version originale de cet article (italien), cliquez sur le drapeau !

Les artistes

Silla : Bejun Mehta
Ottavia : Eleonora Bellocci
Lentulus : Hagen Matzeit
Chrysogonus : Mert Süngü
Metellus : Valer Sabadus
Fulvia : Roberta Invernizzi
Postumio : Samuel Mariño

Innsbrucker Festwochenorchester, dir. Alessandro De Marchi

Mise en scène : Georg Quander
Décors et costumes : Julia Dietrich

Le programme

Silla

Opéra en 3 actes de Carl Heinrich Graun,  Frédéric II, vers italiens de Giovanni Pietro Tagliazucchi, créé le 27 mars 1753 à Berlin, Hofoper unter den Linden.

Représentation du 5 août 2022, Innsbruck, Landestheater.

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Alessandro de MarchiBejun MehtaEleonora BellocciHagen MatzeitMert SüngüRoberta InvernizziGeorg Quander
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Renato Verga

Diplômé en Physique de l'Université de Turin, Renato Verga a toujours eu une passion immodérée pour la musique et le théâtre. En 2014, il lance un blog (operaincasa.com) pour recueillir ses critiques de DVD d'opéra, de spectacles vus partout dans le monde, de concerts, de livres sur la musique. Renato partage l'idée que la mise en scène est une partie constitutive de l'opéra lui-même et doit donc comporter de nécessaires transformations pour s'adapter à notre contemporanéité.

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