À la une
Diva ma non troppo : le public du festival de Froville...
Dans le labyrinthe des opéras de RIMSKI-KORSAKOV
À Rouen, SEMIRAMIDE au pays des vampires
Job, le procès de Dieu : création d’un opéra engagé et...
Festival du Haut-Limousin « Par les soirs bleus d’été »
La traviata à Tours : Violetta, prenez soin de vous !
Brèves de juin –
Découvrez la saison 25-26 de l’Opéra Orchestre national Montpellier Occitanie
Il barbiere di Siviglia revient à l’Opéra Bastille dans la...
Dernière saison d’Alain Surrans à ANGERS-NANTES OPERA
  • Accueil
  • À Voir
  • Avant-concerts
  • Vu pour vous
  • Artistes
  • Œuvres
  • Médiathèque
  • Humeurs
Première Loge

Pour ne rien manquer de l'actualité lyrique, restons en contact !

ProductionCompte renduVu pour vous

Mireille à l’Opéra de Metz : la Provence est en Lorraine !

par Stéphane Lelièvre 4 juin 2022
par Stéphane Lelièvre 4 juin 2022

© Luc Bertau - Opéra-Théâtre Eurométropole de Metz

© Luc Bertau - Opéra-Théâtre Eurométropole de Metz

© Luc Bertau - Opéra-Théâtre Eurométropole de Metz

© Luc Bertau - Opéra-Théâtre Eurométropole de Metz

© Luc Bertau - Opéra-Théâtre Eurométropole de Metz

© Luc Bertau - Opéra-Théâtre Eurométropole de Metz

© Luc Bertau - Opéra-Théâtre Eurométropole de Metz

0 commentaires 7FacebookTwitterPinterestEmail
1,8K

Mais pourquoi donc Mireille est-elle si rarement représentée ? Le livret met pourtant en scène un couple dont l’amour est rendu impossible par l’égoïsme d’hommes brutaux et insensibles, soit l’un des thèmes favoris (pour ne pas dire le thème favori) des librettistes au XIXe siècle… On invoquera la dimension fantastique de l’ouvrage, mais là encore le répertoire du XIXe siècle regorge de livrets comportant des éléments fantastiques ou merveilleux, et les sorcières Azucena ou Ulrica, grandes sœurs de Taven n’ont jamais empêché au Trovatore ou au Ballo in maschera d’être représentés. On mettra aussi en avant la couleur trop typiquement « provençale » de l’œuvre, mais qui reproche à Bizet de faire « couleur locale » dans Carmen ? À Puccini d’inclure des motifs extrême-orientaux et même une chanson chinoise complète (Mòlìhuā) dans sa Turandot ? À Janáček d’utiliser des thèmes de musiques populaires dans Jenůfa ? Certes, l’inspiration de Gounod se montre parfois un peu inégale au fil des cinq actes de l’opéra : le tableau des « trèves » (fantômes) et des « mortes d’amour » est peut-être un peu long, et les imprécations de Taven maudissant Ourrias n’ont pas tout à fait la puissance qu’on est en droit d’attendre d’une telle scène. Enfin, la succession de tableaux (parfois assez brefs) aux trois derniers actes rompt quelque peu la continuité dramatique et donne une impression de morcellement. Mais on se montre parfois bien indulgent avec d’autres œuvres qui accusent elles aussi ici ou là quelques baisses de tension… Et surtout, la partition de Mireille comporte suffisamment de beautés pour que cet opéra puisse prétendre s’inscrire durablement au répertoire, ce qui n’a jusqu’à présent jamais été le cas.
Sachons donc gré à l’Opéra de Metz d’avoir redonné sa chance à l’œuvre de Gounod en dehors des scènes méridionales où sont programmées, sporadiquement, la plupart de ses reprises. Le succès rencontré par cette première montre que le message délivré par Mireille et l’émotion qu’elle véhicule dépasse bien évidemment le cadre étroitement provençal dans lequel on voudrait la maintenir enfermée !

Musicalement, la soirée est une belle réussite. Quelques pages ont été coupées : la reprise a capella de « la chanson de Magali » à l’acte IV, de même que l’air « Heureux petit berger », ou encore certains récitatifs, ce qui entraîne la juxtaposition sans transition de la farandole avec l’air de Taven à l’acte II, ou encore de l’air de Mireille (« Mon cœur ne peut changer ») avec celui d’Ourrias, produisant un curieux effet de « copié/collé ». Pourtant, la partition est respectée dans son esprit, et on le doit avant tout à la direction tout à la fois précise, nerveuse et poétique de David Reiland : le chef belge croit en cette musique et l’apprécie, cela se voit, cela s’entend, et il communique son enthousiasme à un orchestre pleinement engagé dans le dialogue instauré avec les chanteurs comme dans la peinture des ambiances et tableaux musicaux très variés qui parcourent l’opéra. À quelques fluctuations près (des petits décalages, au demeurant vite rattrapés, lorsque le chœur chante en coulisse lors du tableau du Pont de Trinquetaille, les difficiles « Gloire aux Saintes Maries » du dernier acte, un peu stridents – mais n’est-ce pas presque toujours le cas ?), le Chœur de l’Opéra-Théâtre de l’Eurométropole de Metz fait preuve du même engagement et de la même ardeur à défendre l’œuvre.

La distribution réunie présente une belle homogénéité, avec notamment des seconds rôles pleinement impliqués dans leurs interventions, si courtes soient-elles (mention spéciale à l’Andreloun plein de fraîcheur d’Albane Lucas ou de Jade Schoenhentz-Kzink : le programme ne précise pas laquelle des deux chantait en cette soirée du 3 juin...). Vikena Kamenica a pour un elle un timbre aux couleurs très personnelles, assez atypiques, ce qui convient parfaitement au rôle de la sorcière Taven. Son émission nous a en revanche paru manquer d’homogénéité et de fluidité, et sa prononciation du français reste perfectible… Pierre-Yves Pruvot  est parfait vocalement et scéniquement dans le rôle de l’odieux Ramon, dont la mise en scène accentue le côté brutal et intolérant : c’est bien lui le vrai « salaud » de l’histoire, plus encore qu’Ourrias, dont la caractérisation est finalement moins fouillée par le librettiste et le compositeur. Le « bouvier de camargue » est quant à lui incarné par Régis Mengus, un artiste dont nous avons à plus d’une reprise eu l’occasion d’apprécier le talent. Le baryton n’a pas semblé au mieux de sa forme en ce soir de première : l’émission vocale n’avait pas toute l’arrogance attendue pour ce rôle de bellâtre sûr de lui, le vibrato était un peu large et le registre aigu parfois fragilisé… Sans doute une petite méforme passagère, ou peut-être un trac dû à une soirée de première. Gageons que le baryton (dont l’incarnation et la caractérisation du personnage restent très convaincantes) sera de nouveau en pleine possession de ses (beaux) moyens lors des deux représentations suivantes…
Julien Dran est adorable en Vincent, dont il propose un portrait très attachant, tout à la fois tendre, viril, naïf… Vocalement, le ténor français s’y montre très à son aise, au point qu’on aurait aimé un « Anges du paradis » encore plus nuancé, notamment dans la reprise, après le très beau diminuendo chanté sur « Invoquant les Saintes et Dieu »… Mais c’est un détail qui n’enlève rien à une prestation de grande qualité !
Enfin, dans le rôle difficile et éprouvant de Mireille, Gabrielle Philiponet remporte un très beau succès personnel. Sa maîtrise technique lui permet d’affronter avec succès les difficiles écarts et les vocalises par lesquels s’achève « À toi mon âme ». La voix est suffisamment ample pour venir à bout des larges phrases du finale (« Sainte ivresse ! Divine extase ! »), et de la redoutable scène de la Crau, interprétée de façon poignante. Et surtout, le chant est constamment empreint d’émotion, avec notamment une scène 10 de l’acte II vraiment touchante : « À vos pieds, hélas, me voilà »…

À l’exception de la scène des Arènes d’Arles, qui donne à voir un tableau vivement coloré avec Arlésiennes et Arlésiens en costumes et une farandole joyeuse, bigarrée et pleine d’entrain, la mise en scène de Paul-Émile Fourny joue plutôt la carte de la sobriété, de la stylisation et du symbole, avec quelques idées bienvenues : la solution trouvée pour la scène du Val d’Enfer et celle de l’engloutissement d’Ourrias, toujours assez difficiles à réaliser, est à la fois efficace et poétique, comme l’est la présence récurrente de ces longs fils rouges verticaux. Représentant au premier tableau les fils tissés par les « magnanarelles » (occupées à confectionner la magnifique robe rouge que portera, au tableau final, une Mireille érigée en Madone au moment de sa mort [1]), ils symbolisent également les fils des Parques, représentant le destin des personnages et singulièrement celui de l’héroïne, brutalement brisé par l’égoïsme de son père. Une référence à l’Antiquité pas si éloignée de Mistral lorsqu’on sait que le poète provençal a conçu son œuvre comme un poème épique divisé en douze chants…

Une belle occasion de redécouvrir cette œuvre trop rare ! Ne la ratez pas : il reste encore deux représentations (les 5 et 7 juin prochains) !

—————————————

[1] Selon Frédéric Mistral lui-même, le prénom Mireille serait la variante provençale de Marie…

Les artistes

Mireille : Gabrielle Philiponet
Vincent : Julien Dran
Ourrias : Régis Mengus
Ramon : Pierre-Yves Pruvot
Taven : Vikena Kamenica
Vincenette : Ana Fernández Guerra
Ambroise / Le Passeur : Bertrand Duby

Orchestre national de Metz, dir. David Reiland
Choeur et ballet de l’Opéra-Théâtre de l’Eurométropole de Metz
Cheffe de chant : Bertille Monsellier
Chorégraphie : Aurélie Barré
Mise en scène : Paul-Émile Fourny
Décors : Benito Leonori
Costumes : Giovanna Fiorentini
Lumières : Patrick Méeüs

Le programme

Mireille

Opéra en cinq actes de Charles Gounod, livret de Michel Carré d’après Frédéric Mistral, créé en 1864 à Paris
Opéra-théâtre, Eurométropole de Metz, représentation du vendredi 03 juin 2022

image_printImprimer
Pierre-Yves PruvotJulien DranGabrielle PhiliponetRégis MengusVikena KamenicaDavid ReilandPaul-Émile Fourny
0 commentaires 7 FacebookTwitterPinterestEmail
Stéphane Lelièvre

Stéphane Lelièvre est maître de conférences en littérature comparée, responsable de l’équipe « Littérature et Musique » du Centre de Recherche en Littérature Comparée de la Faculté des Lettres de Sorbonne-Université. Il a publié plusieurs ouvrages et articles dans des revues comparatistes ou musicologiques et collabore fréquemment avec divers opéras pour la rédaction de programmes de salle (Opéra national de Paris, Opéra-Comique, Opéra national du Rhin,...) Il est co-fondateur et rédacteur en chef de Première Loge.

Laisser un commentaire Annuler la réponse

Sauvegarder mes informations pour la prochaine fois.

This site uses Akismet to reduce spam. Learn how your comment data is processed.

post précédent
Quand West side story investit le Grand Est
prochain post
OPÉRA DE NICE : SAISON 2022/2023

Vous allez aussi aimer...

Diva ma non troppo : le public du festival...

14 juin 2025

À Rouen, SEMIRAMIDE au pays des vampires

14 juin 2025

Job, le procès de Dieu : création d’un opéra...

14 juin 2025

Festival du Haut-Limousin « Par les soirs bleus d’été »

13 juin 2025

La traviata à Tours : Violetta, prenez soin de...

13 juin 2025

Brèves de juin –

13 juin 2025

Il barbiere di Siviglia revient à l’Opéra Bastille...

12 juin 2025

À Bruxelles, nouvel échec pour la thérapie de...

9 juin 2025

Retour triomphal de Pretty Yende au Théâtre des...

9 juin 2025

Núria Rial et l’Accademia del Piacere donnent le...

9 juin 2025

En bref

  • Brèves de mai –

    30 mai 2025
  • Les brèves de mars –

    14 mars 2025
  • Les brèves de février

    25 février 2025
  • Sauvons l’Avant-Scène Opéra !

    18 février 2025
  • L’Avant-Scène Opéra, c’est fini…

    7 février 2025

Humeurs

  • Les années 2020 : sombre époque pour les arts, la culture, l’humanisme…

    5 mars 2025

Édito

  • Les années 2020 : sombre époque pour les arts, la culture, l’humanisme…

    5 mars 2025

La vidéo du mois

PODCASTS

PREMIÈRE LOGE, l’art lyrique dans un fauteuil · Adriana Gonzàlez & Iñaki Encina Oyón – Mélodies Dussaut & Covatti

Suivez-nous…

Suivez-nous…

Commentaires récents

  • cecile PABA ROLLAND dans Il trovatore à Marseille : Le chant de l’Extrémo
  • Stéphane Lelièvre dans À Bruxelles, nouvel échec pour la thérapie de Don José ; nouveau succès pour la Carmen de Tcherniakov !
  • Alessandro dans À Bruxelles, nouvel échec pour la thérapie de Don José ; nouveau succès pour la Carmen de Tcherniakov !
  • antonio meneghello dans GEORGE GAGNIDZE : « Mi accosto a Verdi con la massima venerazione e rispetto… »
  • Giancarlo Arnaboldi dans Berliner Philharmoniker: memorabile Madama Butterfly di Kirill Petrenko, Eleonora Buratto e Jonathan Tetelman

Première loge

Facebook Twitter Linkedin Youtube Email Soundcloud

Keep me signed in until I sign out

Forgot your password?

Login/Register

Keep me signed in until I sign out

Forgot your password?

Rechercher

Archives

  • Facebook
  • Twitter
  • Youtube
  • Email
Première Loge
  • Accueil
  • À Voir
  • Avant-concerts
  • Vu pour vous
  • Artistes
  • Œuvres
  • Médiathèque
  • Humeurs

A découvrirx

Diva ma non troppo : le public...

14 juin 2025

À Rouen, SEMIRAMIDE au pays des...

14 juin 2025

Job, le procès de Dieu : création...

14 juin 2025