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Robert le Diable à Bordeaux : « Dieu ! pour servir Robert, quel[s] moyen[s] ! »

par Stéphane Lelièvre 21 septembre 2021
par Stéphane Lelièvre 21 septembre 2021

Nico Darmanin, Amina Edris, Erin Maorley, Joël Allison

John Osborn, Nicolas Courjal

John Osborn, Marc Minkowski

John Osborn, Amina Edris

John Osborn, Erin Morley

Erin Morley

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Crédit photos : © Pierre Planchenault

Marc Minkowski ressuscite Robert le Diable à l'auditorium de Bordeaux

Splendide exécution musicale de cette œuvre phare, l’un des plus grands triomphes de l’opéra français au XIXe siècle.

Une œuvre dont la connaissance est indispensable à tout mélomane

Alors que la renaissance de Meyerbeer s’effectue (timidement) essentiellement autour des seuls Huguenots, faut-il redonner sa chance à Robert le Diable ? Oui, mille fois oui ! On est tout à fait en droit de trouver que le livret est l’un des plus faibles jamais sortis de la plume de Scribe et Delavigne (pourtant assez généreux en médiocrités diverses et variées), que la concision et l’efficacité dramatique ne sont pas les qualités premières d’un Meyerbeer développant à plus d’une reprise certaines idées bien plus que de raison, que certaines pages musicales ne correspondent plus au goût contemporain, il n’empêche : l’œuvre comporte de réelles beautés, vocales et orchestrales, et surtout son importance historique est trop grande pour que les mélomanes soient privés de ce jalon essentiel dans l’histoire de l’opéra. Il est passionnant d’entendre comment le musicien emprunte à certains de ses devanciers (Rossini bien sûr, notamment dans le chant orné ou le duo Bertram/ Raimbaut de l’acte III, rappelant celui du Comte Ory et d’Isolier), comment, également, ses contemporains ou successeurs s’inspireront de l’œuvre, de Bizet (Alice, surgissant constamment de façon plus moins inopinée pour rappeler à Robert la morale chrétienne et le souvenir de sa mère, préfigure explicitement Micaëla) à Offenbach (le procédé consistant à ouvrir un acte – en l’occurrence ici le 4e – par  un chœur de femmes de la cour affairées auprès de l’héroïne sera un procédé particulièrement cher au « roi du second empire » ; de même, le « Mais voilà comme / Un galant homme » de La Belle Hélène sonne comme un hommage amusé au « Ah ! l’honnête homme ! / Le galant homme ! / Mais voyez comme… » de Bertram et Raimbaut), ou encore Gounod, dont la nuit de Walpurgis emprunte clairement certaines couleurs à la scène du couvent de Sainte-Rosalie.

Un opéra mis en espace et « commenté »

Nous connaissions les opéras en version de concert, les opéras mis en scène et les opéras mis en espace. Luc Birraux invente un nouveau concept : les opéras « commentés ». L’œil du spectateur se partage ainsi entre l’orchestre, les chanteurs, les sous-titres, et les commentaires que le « metteur en espace » fait sur le livret ou la partition. C’est beaucoup, et l’attention du spectateur se trouve ainsi considérablement détournée de la musique, avec un sentiment certain d’agacement lorsque ces commentaires se résument à des didascalies parfaitement inutiles : qu’apporte l’indication : « Robert, un verre à la main, s’adresse aux chevaliers » alors que Robert chante « Illustres chevaliers, c’est à vous que je bois » et que les sous-titres donnent à lire cette réplique ? À quoi sert le commentaire : « Nous en sommes au 3e couplet », lorsqu’un personnage aborde… le 3e couplet de son air ? Ou encore : « Pendant la ritournelle, elle lit la lettre » lorsqu’on voit, précisément, qu’Isabelle lit une lettre pendant la ritournelle de l’orchestre ?? Ces commentaires introduisent parfois une distance ironique par rapport à l’œuvre et sa représentation : on lit ainsi, pendant tel air, tel ensemble, telle page orchestrale, des remarques sur la longueur de l’opéra, la faiblesse du livret, de supposées fautes de français commises par Scribe, des allusions à tel interprète ayant préféré rester dans sa loge plutôt que d’apparaître sur scène, des excuses pour l’arrivée tardive de la soprano avant son splendide air du 4e acte, etc. On peut, au choix, trouver cela fort amusant, ou estimer que cette distanciation toute brechtienne plaquée sur une œuvre qui n’en a que faire, parasite le propos et donne la fâcheuse impression que le metteur en espace ne croit pas à l’œuvre présentée, un peu comme dans la Carmen présentée à Lille en 2019 au cours de laquelle le public gloussait de rire entre chaque page musicale (y compris juste avant le meurtre final !) en écoutant les élucubrations d’un Alex Vizorek chargé de résumer l’intrigue…

Une splendide exécution musicale

Musicalement, c’est la fête ! Marc Minkowski dirige l’œuvre avec amour (il y est visiblement très  attaché, l’ayant déjà dirigée à Berlin en 2000) : tour à tour fougueuse, flamboyante, poétique, inquiétante, sa direction est servie par un Orchestre National Bordeaux Aquitaine en très grande forme et des chœurs impressionnants de justesse, aussi à l’aise dans le hiératisme des scènes de cour, le recueillement religieux, que dans les imprécations infernales. Le rôle-titre, d’une longueur et d’une difficulté redoutables, échoit à un John Osborn en bonne forme : le ténor américain délivre deux premiers actes impressionnants d’assurance et de vaillance. Il connaît une baisse de régime assez nette au 3e acte, où les aigus forte se font systématiquement rebelles, mais retrouve ses moyens pour la fin de la représentation. Plus encore que dans la vaillance, c’est nous semble-t-il dans l’émission di grazia que le ténor trouve ses plus beaux moments (superbe « Qu’elle est belle ! » au 4e acte), avec un usage parfaitement maîtrisé de la voix mixte – et une prononciation du français très correcte. Amina Edris, dont la carrière est encore toute jeune, campe une Alice exemplaire. La voix est longue, souple, agile, émouvante, le chant est constamment nuancé : une interprète attachante que nous avons hâte de réentendre dans des emplois lyriques où elle devrait exceller ! Nicolas Courjal campe un Bertram assez différent de l’incarnation de Samuel Ramey au Palais Garnier, ancienne déjà de quelque quarante ans mais restée dans toutes mémoires. La basse française prend en compte le côté possiblement amusant du personnage, sans renoncer pour autant, bien sûr,  à toute la violence démoniaque qui éclate au 3e acte, ni au côté presque touchant de ce démon qui est aussi un  père viscéralement attaché à son fils. Une incarnation complète qui vaut au chanteur un beau succès. Enfin, on est heureux de retrouver Erin Morley sur une scène française dans un rôle à la mesure de son très grand talent. Les couleurs et l’épaisseur du timbre sont a priori ceux d’un soprano léger. Pourtant, la chanteuse dispose d’un panel de nuances mais aussi d’une puissance et d’une longueur de souffle qu’on ne trouve pas toujours dans ce type de gosiers, et qui lui permettent de délivrer un « Grâce pour toi ! » bouleversant, justement acclamé. Quant à la technique, elle est superlative, lui permettant d’enchaîner vocalises  (on a rarement entendu celles d’« Idole de ma vie » émises avec autant de facilité), aigus et suraigus avec une facilité déconcertante.
La distribution est complétée par une très solide équipe de seconds rôles, tous bien en voix et compréhensibles, desquels se détache notamment le Raimbaut énergique de Nico Darmanin.

 Le public fait un triomphe mérité aux artistes : si vous êtes à Bordeaux les 23 et 25 septembre, ne manquez pas cette belle occasion de redécouvrir cette œuvre rare ! Et si vous ne pouvez vous rendre en Gironde, patience : le Palazzetto Bru Zane capte l’événement, pour un CD à paraître prochainement !

Les artistes

Robert : John Osborn
Bertram : Nicolas Courjal
Raimbaut : Nico Darmanin
Alberti, un prêtre : Joel Allison
Héraut d’armes, prévôt du palais : Paco Garcia
Isabelle : Erin Morley
Alice : Amina Edris

Orchestre National Bordeaux Aquitaine, Chœur de l’Opéra National de Bordeaux (direction Salvatore Caputo), dir. Marc Minkowski.
Mise en espace : Luc Birraux
Lumières et installation : Julien Brun

Le programme

Robert le Diable

Opéra en 5 actes de Giacomo Meyerbeer, livret de Scribe et Delavigne, créé le 22 novembre 1831 à l’Opéra de Paris.
Auditorium de Paris, représentation du lundi 20 septembre 2021.

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Stéphane Lelièvre

Stéphane Lelièvre est maître de conférences en littérature comparée, responsable de l’équipe « Littérature et Musique » du Centre de Recherche en Littérature Comparée de la Faculté des Lettres de Sorbonne-Université. Il a publié plusieurs ouvrages et articles dans des revues comparatistes ou musicologiques et collabore fréquemment avec divers opéras pour la rédaction de programmes de salle (Opéra national de Paris, Opéra-Comique, Opéra national du Rhin,...) Il est co-fondateur et rédacteur en chef de Première Loge.

1 commentaire

Sabine Teulon Lardic 27 septembre 2021 - 15 h 57 min

Merci pour ce compte-rendu de notre Rédacteur, qui habille le grand opéra de Meyerbeer et déshabille les metteurs en espace « commentateurs », en panne d’idée et de connaissances …

En 1838, le poète allemand Heinrich Heine, d’ordinaire pas tendre avec ses compatriotes prussiens, dressait un constat spirituel sur la création parisienne de Robert-le-Diable : « Peu après la Révolution de Juillet, Meyerbeer parut avec une œuvre nouvelle qui avait germé dans son esprit, pendant les douleurs de cette révolution, avec Robert-le-Diable, le héros qui ne sait pas exactement ce qu’il veut, qui est constamment en lutte avec lui-même, image fidèle de la fluctuation morale de ce temps, qui s’agitait avec une si pénible inquiétude entre la vertu et le vice, s’usait en tentatives et échecs, et n’avait pas toujours assez de force pour résister aux attaques de Satan. »
A poltron donc, poltron et demi officiant au Grand Théâtre de Bordeaux !
« 

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