À la une
Un Paradis de Schumann onirique à la Seine musicale
Opéra de SAINT-ETIENNE : saison 2025-2026
Opéra de NICE : saison 2025-2026
Se préparer à SEMIRAMIDE – Opéra de Rouen, 10-14 juin...
Se préparer au TRITTICO – Opéra de Paris, 29 avril...
Ni veuve, ni franchement joyeuse : Strasbourg redécouvre la GIUDITTA de...
Brèves de mai –
Vézelay, « phare choral de l’Europe »
La dernière saison d’Alain Perroux à l’Opéra national du Rhin
Elle aurait 100 ans aujourd’hui : PATRICE MUNSEL
  • Accueil
  • À Voir
  • Avant-concerts
  • Vu pour vous
  • Artistes
  • Œuvres
  • Médiathèque
  • Humeurs
Première Loge

Pour ne rien manquer de l'actualité lyrique, restons en contact !

Compte renduVu pour vousConcert

Il Trionfo del Tempo e del Disinganno à Beaune

par Nicolas Darbon 3 août 2021
par Nicolas Darbon 3 août 2021
Pietro Liberi, "Tempo essere superare mediante Verità"
0 commentaires 1FacebookTwitterPinterestEmail
1,9K

L’Accademia Bizantina, Ana Maria Labin, Emmanuelle de Negri et Valerio Contaldo : des sommets d’expressivité et de virtuosité

Les conditions sont réunies pour une soirée réussie : douceur nocturne, surtitrage intelligent, service d’accueil avenant. L’oratorio d’Haendel donné le 31 juillet 2021 dans la basilique Notre-Dame clôt en beauté le 39e Festival d’opéra baroque et romantique de Beaune.

 

Une œuvre subtile et puissante

Si l’on ne s’ennuie pas pendant les deux heures et demie du concert, c’est grâce à la musique variée, contrastée, subtile, puissante d’Haendel et par l’interprétation en tout point transcendante. Elles donnent vie à un texte plutôt statique : que le mécène, le cardinal Benedetto Pamphilj, soit aussi le librettiste permet de comprendre son côté verbeux et la morale désespérément raisonnable. Les ressources contrapuntiques et mélodiques s’expliquent par le fait que le jeune compositeur allemand de 22 ans (en 1707), vient tout juste de s’installer à Rome. Il y découvre la vitalité des chanteurs et des orchestres italiens, et passe maître de l’oratorio profane en vogue, l’opéra étant interdit dans la cité papale.

De même que le héros du Choix d’Hercule (1751) hésite entre le Plaisir et la Vertu, succombant à cette dernière, de même la Beauté hésite ici entre le Plaisir et la Vérité (le « disiganno »), entre l’illusion et la non-illusion, thème on ne peut plus baroque. La Beauté, fidèle au Plaisir – représentant la passion, les deux étant placées à gauche du chef – est sermonnée par le Temps et la Vérité – incarnations de la raison, voix graves placées à droite du chef. Et pour finir, dans cet oratorio « moral », la Beauté succombe à la Vérité.

Une magnifique distribution

Le Plaisir est confié à la soprano lyrique Emmanuelle de Negri. Il commence par jurer à la Beauté que, si elle la suit, elle restera la même, jeune et resplendissante. Negri possède une voix agile, allant jusqu’à l’hypervirtuosité sur « vanita » lors de son duo avec la Beauté, ou à la fin de l’oratorio, sur « vento », en accord exact avec les cordes virevoltantes. Vigoureuse, elle est à son meilleur dans les passages énergiques, intenses, bien servis par sa parfaite diction. Sa voix lumineuse et homogène s’affermit peu à peu et les traits chantés sont de plus en plus ciselés. Negri est capable de nuances raffinées tel le suave passage central de « Questa è la reggia mia » qui se termine quasi crié. Cela dit, l’énergie mise par Negri peut aussi être en contradiction avec le texte, comme quand elle demande à la Beauté « Ferme tes jolis yeux », qui pourrait être plus câlin. Quant aux aigus, ils sont bien posés, mais parfois trop plats.

Elle forme un joli couple avec Ana Maria Labin, soprano lyrique, qui, malgré une diction moins nette (par exemple dans l’air « Una Schiera di piaceri »), éblouit par la rondeur, le velouté de son timbre, ses aigus magnifiquement amenés, tel celui, dramatique, à la fin du quatuor final, sur « voglio Tempo », sans parler de son aisance dans les traits virtuoses.

Valerio Contaldo, ténor robuste, prend le rôle du Temps ; il est parfait en tout point, de la couleur vocale agréable aux traits souplement envoyés ; sa diction impeccable permet de comprendre des textes plus sérieux, souvent recitativo, ou l’air « In tre parti divise ».

Légèrement moins dominatrice que ses trois compères, la contralto Delphine Galou réserve des lignes admirables, notamment à la fin, aux graves bien mis en relief, qui s’enchâssent avec le ténor.

Lors de la soirée, les regards presque amoureux du Plaisir envers la Beauté, de femme à femme, sont emprunts de regrets et de tristesse. « Laisse l’épine », demande le Plaisir, choisis « la rose » !… La prestation d’Emmanuelle de Negri dans « Lascia la spina »  – air célèbre qui provient d’Amira (1704) et réapparaîtra dans Rinaldo (1711) – est à couper le souffle.

Si à la fin la Beauté choisit pour finir de consacrer sa vie non plus à l’« ardeur » mais au « ministre du Ciel »… chacun y fera les analogies qui lui conviennent. De nos jours, cette fin en faveur du religieux et de l’ordre moral paraît tragique ; notre époque incite plutôt à « cueillir les roses de la vie » ; et le plaisir est reconnu comme le moteur d’un corps sain et régénéré.

Une Accademia Bizantina à son meilleur

Ottavio Dantone

L’Accademia Bizantina dirigée par Ottavio Dantone est à son meilleur. L’ouverture ménage des effets théâtraux, tels ces solos de hautbois bellement rendus par Elisabeth Baumer, instrument que l’on retrouvera en duo avec la Beauté sur l’air « Io sperai trovar nel vero ». Citons aussi les solos de la flûte dans un air du Disinganno ; et surtout celui du 1er violon Alessandro Tampieri à la toute fin de l’œuvre, en compagnie de la Beauté, à mourir de… plaisir. Une Sonata pour orgue scinde le 1er tableau, allègrement jouée au positif par Valeria Montanari. L’orchestre s’illustre dans les accompagnements dramatiques d’airs du ténor « I colossi dei sole » et « Quanto chuide la terra è il regno  moi », molto agitato.

Les artistes nous offrent un moment de vraie musique vivante, vibrante. Une grande complicité règne entre les musiciens ; une violoniste pleure à la fin, les yeux rivés sur la Beauté. Le public qui a rempli la basilique applaudit chaudement ; il sort en silence : qu’ajouter à tant d’émotion ?

Les artistes

Belleza   Ana Maria Labin, soprano
Piacere  Emmanuelle de Negri, soprano
Disinganno   Delphine Galou, contralto
Tempo   Valerio Contaldo, ténor

Orchestre Accademia Bizantina, dir. Ottavio Dantone

 

Le programme

Il Trionfo del Tempo e del Disinganno (Le Triomphe du Temps et de la Désillusion)

Oratorio moral en deux parties de Händel, livret du Cardinal Benedetto Pamphili, créé à Rome en 1707.

Concert du samedi 31 juillet 2021, festival de Beaune. 

image_printImprimer
0 commentaires 1 FacebookTwitterPinterestEmail
Nicolas Darbon

Nicolas Darbon est maître de conférences (HDR) à Aix-Marseille Université. Avant sa carrière universitaire, il a été , il a été pendant plus de vingt ans professeur de musique en collèges-lycées. Spécialiste de la musique des XXe-XXIe siècles, il a organisé de nombreux colloques. Il coordonne le Groupe de recherche sur la musique (GRiiiM), encadre le Journal du GRiiiM et les journées d'études organisées aux Antilles. Parmi ses derniers livres Musique et Littérature en Guyane : explorer la transdiction, publié en 2018 chez Garnier Classiques ; ainsi que Les Musiques du chaos ; Dutilleux... du cristal à la nuée, Messiaen... les sons impalpables du rêve, Musica y Complejidad. Il contribue à l'Histoire de l'opéra français publié chez Fayard, à L'Avant-scène opéra, et rédige de nombreux articles sur l'opéra. Il est compositeur et président de Millénaire III éditions.

Laisser un commentaire Annuler la réponse

Sauvegarder mes informations pour la prochaine fois.

This site uses Akismet to reduce spam. Learn how your comment data is processed.

post précédent
Les festivals de l’été – Le Corum de Montpellier sous le charme de Sonya Yoncheva
prochain post
La creazione, Haydn en version italienne et en symboles à Martina Franca

Vous allez aussi aimer...

Un Paradis de Schumann onirique à la Seine...

16 mai 2025

Ni veuve, ni franchement joyeuse : Strasbourg redécouvre la...

15 mai 2025

Une pléiade de stars pour le Concert des...

12 mai 2025

Samson et Dalila à Saint-Étienne, la bande-son de Gaza

12 mai 2025

Nouvelle distribution d’exception pour le Rigoletto de l’Opéra Bastille

11 mai 2025

Lyon, Peter Grimes : Chronique de l’homophobie ordinaire

11 mai 2025

Faust version 1859 à Lille : plus intense,...

7 mai 2025

Milan : IL NOME DELLA ROSA – Le Moyen...

5 mai 2025

Florence, 87e Festival del Maggio Musicale Fiorentino :...

5 mai 2025

Firenze, 87° Festival del Maggio Musicale Fiorentino: un...

5 mai 2025

En bref

  • Brèves de mai –

    15 mai 2025
  • Les brèves de mars –

    14 mars 2025
  • Les brèves de février

    25 février 2025
  • Sauvons l’Avant-Scène Opéra !

    18 février 2025
  • L’Avant-Scène Opéra, c’est fini…

    7 février 2025

Humeurs

  • Les années 2020 : sombre époque pour les arts, la culture, l’humanisme…

    5 mars 2025

Édito

  • Les années 2020 : sombre époque pour les arts, la culture, l’humanisme…

    5 mars 2025

La vidéo du mois

PODCASTS

PREMIÈRE LOGE, l’art lyrique dans un fauteuil · Adriana Gonzàlez & Iñaki Encina Oyón – Mélodies Dussaut & Covatti

Suivez-nous…

Suivez-nous…

Commentaires récents

  • Norbert RIVIERE dans GIOVANNI PACINI : un musicien dont l’œuvre reste encore à redécouvrir…
  • Hervé Casini dans Asmik Grigorian, Carlo Rizzi, Christof Loy : triple triomphe pour le TRITTICO de l’Opéra Bastille
  • Hervé Casini dans Berliner Philharmoniker: memorabile Madama Butterfly di Kirill Petrenko, Eleonora Buratto e Jonathan Tetelman
  • Stéphane Lelièvre dans Asmik Grigorian, Carlo Rizzi, Christof Loy : triple triomphe pour le TRITTICO de l’Opéra Bastille
  • Bernet Yannick dans Asmik Grigorian, Carlo Rizzi, Christof Loy : triple triomphe pour le TRITTICO de l’Opéra Bastille

Première loge

Facebook Twitter Linkedin Youtube Email Soundcloud

Keep me signed in until I sign out

Forgot your password?

Login/Register

Keep me signed in until I sign out

Forgot your password?

Rechercher

Archives

  • Facebook
  • Twitter
  • Youtube
  • Email
Première Loge
  • Accueil
  • À Voir
  • Avant-concerts
  • Vu pour vous
  • Artistes
  • Œuvres
  • Médiathèque
  • Humeurs

A découvrirx

Un Paradis de Schumann onirique à...

16 mai 2025

Ni veuve, ni franchement joyeuse : Strasbourg...

15 mai 2025

Une pléiade de stars pour le...

12 mai 2025