Véronique Gens, soprano
Chœur et Orchestre national des Pays de la Loire, dir. Hervé Niquet
Les divas d’Offenbach
La Belle Hélène (1865)
1 « Un rêve, mon dieu, c’est un rêve »
La Diva (1869)
2 « Je crois bien et je le promets »
La Grande-Duchesse de Gérolstein (1867)
3 « Dites-lui »
La Vie parisienne (1866)
4 « Allez donc, allez donc bien vite »
Valéria (1851)
5 « C’est pour aimer »
Boule-de-neige (1871)
6 « Moi je viens réclamer le divorce »
Le Voyage dans la Lune (1875)
7 « Ballets de Chimères »
Le Roi Carotte (1872)
8 « Fruit des vieilles habitudes »
La Grande-Duchesse de Gérolstein (1867)
9 « Vous aimez le danger »
Madame Favart (1878)
10 « Je passe sur mon enfance »
Dragonette (1857)
11 « Oui, j’ai menti »
Robinson Crusoé (1867)
12 Entracte Symphonique de l’acte II
La Périchole (1868)
13 « Ô mon cher amant »
La Boulangère des écus (1875)
14 « Ah ! Qu’elle est fière »
La Périchole (1868)
15 « Regarde-le, regarde-moi »
Geneviève de Brabant (1875)
16 « Jeunesse aimable et charmante »
Robinson Crusoé (1867)
17 « Beauté qui viens des cieux »
Le Roman comique (1862)
18 « De la blanche couronne »
La Diva (1869)
19 « Monsieur Étienne, mon coiffeur »
1 CD Alpha (en collaboration avec le Palazzetto Bru Zane), octobre 2025
Les affinités de Véronique Gens avec le répertoire d’Offenbach ne datent pas d’hier. Dès 1996 (sauf erreur de notre part), lors d’un récital au Musée d’Orsay aux côtés de Jean-Paul Fouchécourt, la soprano française révélait déjà un goût très sûr pour l’univers à la fois piquant et tendre de Maître Jacques. Depuis, quelques jalons discographiques — Maître Péronilla, La Vie parisienne — avaient confirmé ce penchant, mais c’est cette fois-ci un album entier que la soprano consacre au musicien français, fruit d’une belle collaboration avec Hervé Niquet et les forces du Chœur et de l’Orchestre National des Pays de la Loire.
Un programme d’une belle intelligence
Le premier mérite de ce disque réside dans son programme, à la fois généreux et intelligemment construit. Les grands incontournables — le « Dites-lui » ou le Rondo des Militaires de La Grande-Duchesse de Gérolstein, l’air de la lettre de La Périchole — côtoient des pages moins connues mais déjà enregistrées cependant, tels les couplets de Madame Favart ou l’air de Vendredi de Robinson Crusoé.
Mais surtout, l’album s’aventure avec bonheur vers des terres presque vierges : airs alternatifs ou coupés par Offenbach extraits de titres célèbres (Le Rêve d’Hélène dans La Belle Hélène, « Regarde-le, regarde-moi », air alternatif pour le « Mon Dieu, que les hommes sont bêtes » de La Périchole), extraits d’ouvrages (très) rares : Valéria (1851), Boule-de-Neige (1871), La Diva (1869), Le Roman comique (1862),…. Certaines découvertes se distinguent par leur charme singulier : « De la blanche couronne » du Roman comique (une page à laquelle, curieusement, semblent manquer les répliques d’un chœur…) ; la « Valse du divorce » de Boule-de-Neige, que Véronique Gens chantait déjà lors du concert d’Orsay en 1996, et dont l’humour repose sur le contraste entre la beauté de la mélodie et la cocasserie du texte (« Et tout bas je me demande : à quoi servent les maris? ») ; ou encore le « C’est pour aimer » de Valéria, belle injonction à aimer portée par un accompagnement de cordes en pizzicati d’une grande finesse.
Offenbach sans pesanteur
Sous la baguette vive et précise d’Hervé Niquet, le Chœur et l’Orchestre des Pays de la Loire offrent un accompagnement à la fois souple, élégant et pétillant. Le chef français évite quelques alanguissements hérités d’une certaine tradition, privilégiant la clarté du trait et le rebond rythmique – ce qui le pousse parfois à précipiter un peu le tempo – ce qui n’est guère gênant, et est même parfois appréciable dans certaines pages, comme dans l’air de Vendredi « Beauté qui viens des cieux », par exemple. Cela convainc moins, selon nous, dans le bel entracte symphonique de Robinson Crusoé, qui perd un peu de sa poésie, ou la lettre de la Périchole, privée de son indispensable mélancolie.
Véronique Gens, entre esprit et élégance
Véronique Gens confirme ici les qualités qui font le prix de son art : un chic naturel, une attention constante au mot et à la ligne de chant. Elle s’amuse, elle joue, elle varie les couleurs avec un sens du style irréprochable. Certaines pages (la valse de Valéria ou les airs de La Grande-Duchesse) « tombent » particulièrement bien dans sa voix. Dans d’autres, le timbre se voile légèrement dans le registre aigu, trahissant quelques tensions — mais l’intelligence du chant et la séduction l’emportent toujours.
Un petit bémol : on entend à deux reprises une liaison malencontreuse (« J’ai fait-z-un rêve », par exemple, dans La Diva), peccadilles qui peuvent arriver à tout le monde, on ne peut plus pardonnables et qui ne ternissent en rien la belle impression d’ensemble. Mais on est surpris qu’il ne se soit trouvé personne dans le studio d’enregistrement pour tout simplement relever ces coquilles et les corriger…
Cet album s’impose en tout cas comme un jalon particulièrement intéressant dans la redécouverte du répertoire d’Offenbach, alliant érudition et plaisir, esprit et émotion. On est maintenant désireux d’entendre Véronique Gens incarner un jour sur scène l’une de ces héroïnes offenbachiennes qu’elle sert ici avec charme et talent !