À la une
Barcelone – Concert Asmik Grigorian/Matthias Goerne : sous le signe...
Il aurait 100 ans aujourd’hui : Albert lance
Les brèves de juillet –
Les festivals de l’été –Louise prostrée au festival international d’Aix-en-Provence
Saison d’été du Maggio Musicale Fiorentino : un rafraichissant  Élixir...
Stagione estiva del Maggio Musicale Fiorentino: un fresco Elisir d’amore...
Les festivals de l’été –La Biche aux neuf bijoux et...
Ils auraient 100 ans aujourd’hui : Charles Chaynes, Mattiwilda Dobbs,...
Les festivals de l’été – Munich : Káťa Kabanová, une soirée...
Barcelone : Asmik Grigorian sur pointes reprend les chaussons de RUSALKA
  • Accueil
  • À Voir
  • Avant-concerts
  • Vu pour vous
  • Artistes
  • Œuvres
  • Médiathèque
  • Humeurs
Première Loge

Pour ne rien manquer de l'actualité lyrique, restons en contact !

Compte renduProductionVu pour vous

Les festivals de l’été –
Louise prostrée au festival international d’Aix-en-Provence

par Sabine Teulon Lardic 11 juillet 2025
par Sabine Teulon Lardic 11 juillet 2025

© Monika Rittershaus

© Monika Rittershaus_

© Monika Rittershaus

© Monika Rittershaus

© Monika Rittershaus

© Monika Rittershaus

© Monika Rittershaus

© Monika Rittershaus

0 commentaires 1FacebookTwitterPinterestEmail
253

Louise, Festival d’Aix-en-Provence, 9 juillet 2025

Pour son entrée au répertoire du Festival international d’Aix-en-Provence, Louise de Charpentier confirme le talent symphonique et choral de Gustave Charpentier et celui de la soprano Elsa Dreisig. Mais trahit l’univers ouvrier et bohème du Paris de 1900 par la relecture au scalpel de Christof Loy plongeant l’héroïne dans l’enfermement psychiatrique. L’amour libre et l’émancipation féminine n’y triomphent plus …

Transférer le roman musical du Paris montmartrois vers l’hôpital psychiatrique

Certes, le milieu familial toxique de Louise – une Mère castratrice, un Père[1] surprotecteur et cajoleur – pèse dans le livret que Gustave Charpentier écrivit lui-même, livrant son « roman musical » au Paris de l’Exposition universelle de 1900. Son œuvre, au succès retentissant, proposait une vision quasi sociétale d’un quartier populaire de la Ville Lumière, parallèle à l’émancipation d’une jeune couturière d’atelier. Certes, toute production lyrique cherche des clés pour une relecture de notre temps, comme l’a tenté la production très « cinémascope » de Louise à Bastille, avec S. Cambreling et A. Engel (2006).

Le metteur en scène Christof Loy opte, lui, pour une reconstruction à rebours de l’itinéraire de la jeune Louise, initialement prostrée sur un banc, et retournant à cet état à la toute fin, encadrée par ses parents geôliers. Ce faisant, il renverse la table. Car tous les épisodes du « roman musical », conduisant notamment à l’émancipation de l’héroïne par l’amour et la liberté auprès de son amant Julien, sont ici des projections fantasmées, de réminiscences faisant écran à la relation incestueuse imposée par son pater. Le parti-pris tient la route sur les scènes entre Louise et ses parents (acte I), devenues violentes lorsqu’elle revient au chevet du père malade (acte IV) : ajout des attouchements du Père sur le corps de Louise lors de leur confrontation vocale. En cohérence de cette interprétation, la scénographie unique d’Étienne Pluss consiste en un vaste hall d’attente d’hôpital psychiatrique, glacial et anonyme. L’austérité de rigueur – bancs sous des lumières blanchâtres (Valerio Tiberi) – pèse également sur les attitudes raides du personnel. Quant aux costumes des années 70 (Robby Duiveman), ils opposent les blouses blanches à l’excentricité rock-and-roll du peuple montmartrois. Ainsi, la robe stricte de la jeune fille mute pour un accoutrement sexy lors de son passage à l’état de femme, couronnée en Muse de Montmartre par le peuple (III).

Las … le parti pris s’effrite déjà lorsque l’héroïne OSE chanter le désir féminin et la jouissance à compter du fameux air « Depuis le jour où je me suis donnée ». La mise en scène dément ce vécu qui révèle pourtant Louise à sa nature de femme : elle fantasmerait ce désir sur son médecin traitant, puisque celui-ci apparait au final …  sous les traits réels de Julien (amant de Louise dans la fiction). Cette fausse-bonne idée perd toute cohérence lors des actes centraux, ceux de l’affranchissement de Louise dans la Ville Lumière. Dans l’univers concentrationnaire du vaste hall psychiatrique, les tableaux truculents du « ventre » montmartrois sont relégués au stade de réminiscences fantasmatiques ou de pathologies de patients venus consulter. Ainsi du Paris travailleur au petit matin – les pittoresques Cris de Paris (II) – comme du Paris festif en nocturne (III). Les protagonistes ne franchissent d’ailleurs pas tous le plateau scénique, certains demeurent cantonnés aux coulisses (Charpentier en prévoyait certaines prestations pour élargir sa dramaturgie). C’est en ouvrant les hautes fenêtres barricadées de volet (hôpital) que Louise et Julien, juchés sur leurs rebords, font entrer ces effluves de liberté et de plaisir. Enfin, la relégation que porte cette mise en scène n’est pas seulement narrative. Elle est aussi sociale. Le milieu ouvrier est nié : la Mère en tailleur Chanel, le Père ouvrier revient en costume de son labeur. Cette vision se prive de l’engagement social de Charpentier, ex ouvrier de filature avant son parcours musical le conduisant au Grand Prix de Rome. Dans le sillage de Zola et Bruneau, le dramaturge imposait le naturalisme citadin dans Louise par la détermination d’une jeune femme aspirant à un avenir qui n’appartient pas à sa classe.  Cette fibre sociale faisait triompher la Bohème dans la mascarade populaire du Couronnement de la Muse –  « Régalez-vous Mesdames, v’là le plaisir ! » (III) – une pratique des Arts de la rue, version 1900.

Une partition symphonique et lyrique

Si la soirée est un moment d’exaltation, c’est toutefois grâce aux forces musicales tout azimut : fosse, plateau et coulisses. L’Orchestre et l’excellent Chœur de l’Opéra de Lyon sont les artisans de cette réussite sous la baguette à la fois précise et bouillonnante de Giacomo Sagripanti. Dès le Prélude, l’auditeur est cerné par le motif  « appel de Paris », aux contours rythmiques affirmés, suivi de quantité d’autres thèmes mémorisables au fil de l’action lyrique. À mi-chemin entre l’entente dramatique de Bizet et le métier de Massenet (l’enseignant de Charpentier), l’orchestration restitue la couleur de toute scène. Mention spéciale à la coordination orchestre / ensemble vocal féminin de l’atelier (II, scène 1). Idem pour la flamboyante fresque choro-orchestrale du Couronnement de la Muse (III) : le chef ne perd ni le chœur (préparé par Benedict Kearns), ni les gamins (Maîtrise des Bouches-du-Rhône) ni même les délicieux flonflons de fanfare en coulisse, assumés par l’Orchestre des jeunes de la Méditerranée (excellent pupitre des tubas et trombones).

Dans le rôle-titre, Elsa Dreisig renouvelle le miracle de sa Salome de Strauss à l’Archevêché (2022). Elle incarne la jeune fille timide sous emprise de parents geôliers, puis la chrysalide devenant femme par étapes très progressives. Compagne sensuelle du poète Julien, elle réserve cependant sa métamorphose dans le jeu dramatique du supposé inceste (IV) en chevauchant son père. La nature du chant suit cette évolution d’une manière impressionnante : pureté du timbre sans forcer, luminosité dans l’émancipation amoureuse auprès de Julien, nervosité et exaltation d’une soprano dramatique dans l’affrontement parental ultime. En poète de la Bohème, le ténor Adam Smith a de beaux accents de sincérité et soigne le phrasé de sa Romance (avec guitare trop sonorisée) en sus d’un charisme athlétique. Vocalement, certains aigus poussés résistent à incarner le naturel d’un jouisseur. Leur duo d’amour (« De Paris tout en fête ») rayonne de complicité et son apparition dans le rôle épisodique du Noctambule est saisissante.

Le tandem des parents de Louise s’incarne par un jeu trouble d’acteur. En Mère jalouse et psychorigide, la grande mezzo Sophie Koch déroule des médiums et graves d’airain, sans ciller face aux suppliques de sa fille. À l’opposé du jeu requis par le créateur du Père (le baryton Lucien Fugère à l’Opéra Comique en 1900), la basse Nicolas Courjal tire l’air « O mon enfant, ma Louise ! » vers le Grand opéra (avec un vibrato hélas mal maîtrisé). Au dernier acte en revanche, ses graves caverneux suggèrent sa mutation en paternel présenté comme incestueux (Berceuse « Reste, repose-toi) ». Son égarement colérique manifeste ensuite des accents « véristes » que la direction orchestrale s’empresse de suivre.

Les rôles plus ponctuels sont d’une tenue exceptionnelle. Le soprano ductile et léger de Marianne Croux fait des merveilles dans le rôle enjoué d’Irma. L’air très « cabaret » de la Balayeuse est positivement glamour avec Annick Massis. Les couturières de l’atelier brillent non seulement par leur effronterie, mais par l’exécution hyper réactive de leurs répliques dont l’écriture fiévreuse est puisée dans Carmen. Relevons l’abatage vocal de Marie-Thérèse Keller (Madeleine), le timbre mordoré de la mezzo Carol Gracia (Gertrude), la luminosité de la soprano Karolina Bengtsson (Camille). Parmi les Cris de Paris ou le Couronnement de la Muse, la grâce de Julie Pasturaud (la Laitière), le timbre et la drôlerie de Céleste Pinel en Gavroche font mouche, tout comme l’excentricité du ténor Grégoire Mour en Pape des fous.

Aussi, avec ces atouts décoiffants, nous regrettons d’autant plus que la mise en scène détourne la rébellion d’une jeune héroïne à l’opéra. Comme d’autres mises en scène exploitant de terribles actualités sociétales – la maladie mentale (Carmen selon Dimitri Tcherniakov, 2017), l’inceste (Rigoletto selon Marie-Ève Signeyrole, 2021) – pour condamner les femmes de l’opéra … à la double peine.

————————————————————————-

[1] Charpentier librettiste en fait des types de théâtre, sans les doter de nom ou prénom.

Les artistes

Louise : Elsa Dreisig
Julien, le Noctambule : Adam Smith
La Mère, la Cheffe d’atelier : Sophie Koch
Le Père, le Chiffonnier : Nicolas Courjal
Un Marchand d’habits, le Pape des fous : Grégoire Mour
La Balayeuse : Annick Massis
Irma : Marianne Croux
Gertrude : Carol Gracia
Camille : Karolina Bengtsson
Madeleine : Marie-Thérèse Keller
La Laitière, Marguerite : Julie Pasturaud
Élise, la Chiffonnière : Marion Vergez-Pascal
Suzanne, la Glaneuse de charbon : Marion Lebègue
Blanche, la Plieuse de journal : Jennifer Courcier
L’Apprentie, le Gavroche : Céleste Pinel
Le Bricoleur : Frédéric Caton
Gardiens de la paix : Filipp Varik et Alexander de Jong

Chœur et Orchestre de l’Opéra de Lyon, dir. Giacomo Sagripanti
Maîtrise des Bouches-du-Rhône, dir. Samuel Coquard
Mise en scène : Christof Loy
Scénographie : Étienne Pluss
Costumes : Robby Duiveman
Lumières : Valerio Tiberi
Dramaturgie : Louis Geisler

Le programme

Louise

Roman musical en quatre actes de Gustave Charpentier, créé à l’Opéra Comique le 2 février 1900.
Festival d’Aix-en-Provence, représentation du mercredi 9 juillet 2025.

image_printImprimer
Giacomo SagripantiAdam SmithNicolas CourjalElsa DreisigChristof LoySophie Koch
0 commentaires 1 FacebookTwitterPinterestEmail
Sabine Teulon Lardic

Sabine Teulon Lardic est chercheure à l'université de Montpellier 3. Spécialiste de l'opéra-comique du XIXe siècle et des spectacles lyriques dans les Théâtres de plein air (XIXe-XXIe siècles), elle a collaboré aux volumes collectifs de Carmen Abroad (Cambridge Press), The Oxford Handbook of the Operatic Canon (Oxford Press), Histoire de l'opéra français, t.3 (Fayard, 2022). Elle signe également des articles pour les programmes de salle (Opéra-Comique, Opéra de Montpellier) ou la collection CD du Palazzetto Bru Zane.

Laisser un commentaire Annuler la réponse

Sauvegarder mes informations pour la prochaine fois.

This site uses Akismet to reduce spam. Learn how your comment data is processed.

post précédent
Saison d’été du Maggio Musicale Fiorentino : un rafraichissant  Élixir d’amour sous les étoiles !
prochain post
Les brèves de juillet –

Vous allez aussi aimer...

Barcelone – Concert Asmik Grigorian/Matthias Goerne : sous...

12 juillet 2025

Les brèves de juillet –

12 juillet 2025

Saison d’été du Maggio Musicale Fiorentino : un...

11 juillet 2025

Stagione estiva del Maggio Musicale Fiorentino: un fresco...

11 juillet 2025

Les festivals de l’été –La Biche aux neuf...

11 juillet 2025

Les festivals de l’été – Munich : Káťa Kabanová,...

10 juillet 2025

Barcelone : Asmik Grigorian sur pointes reprend les chaussons...

10 juillet 2025

Les festivals de l’été –Le Trouvère aux Chorégies...

10 juillet 2025

Les festivals de l’été – Munich : un Cosi...

9 juillet 2025

Les festivals de l’été – Munich : des Noces...

9 juillet 2025

En bref

  • Brèves de mai –

    30 mai 2025
  • Les brèves de mars –

    14 mars 2025
  • Les brèves de février

    25 février 2025
  • Sauvons l’Avant-Scène Opéra !

    18 février 2025
  • L’Avant-Scène Opéra, c’est fini…

    7 février 2025

Humeurs

  • Les années 2020 : sombre époque pour les arts, la culture, l’humanisme…

    5 mars 2025

Édito

  • Les années 2020 : sombre époque pour les arts, la culture, l’humanisme…

    5 mars 2025

La vidéo du mois

PODCASTS

PREMIÈRE LOGE, l’art lyrique dans un fauteuil · Adriana Gonzàlez & Iñaki Encina Oyón – Mélodies Dussaut & Covatti

Suivez-nous…

Suivez-nous…

Commentaires récents

  • Tulipe dans MOZART aux Chorégies d’Orange : une soirée d’ouverture placée sous le signe d’une noble sérénité
  • Paul dans NORMA revient à la Scala après une absence de presqu’un demi-siècle
  • Stéphane Lelièvre dans SCALA DE MILAN : découvrez la richissime saison 2025-2026 !
  • GUILLEMIN Katia dans SCALA DE MILAN : découvrez la richissime saison 2025-2026 !
  • Stéphane Lelièvre dans Royal House Opera : la saison 25-26 de Covent Garden

Première loge

Facebook Twitter Linkedin Youtube Email Soundcloud

Keep me signed in until I sign out

Forgot your password?

Login/Register

Keep me signed in until I sign out

Forgot your password?

Rechercher

Archives

  • Facebook
  • Twitter
  • Youtube
  • Email
Première Loge
  • Accueil
  • À Voir
  • Avant-concerts
  • Vu pour vous
  • Artistes
  • Œuvres
  • Médiathèque
  • Humeurs

A découvrirx

Barcelone – Concert Asmik Grigorian/Matthias Goerne...

12 juillet 2025

Les brèves de juillet –

12 juillet 2025

Saison d’été du Maggio Musicale Fiorentino...

11 juillet 2025