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Versailles. Ernelinde, princesse de Norvège : Le chaînon manquant

par Marc Dumont 31 mai 2025
par Marc Dumont 31 mai 2025

photo J.F. Lattarico

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Il aura donc fallu attendre une vingtaine d’années. En 2007, le Centre de Musique Baroque de Versailles proposa une série de concerts intitulés Deux cents ans de musique à Versailles. A cette occasion, l’orchestre Les Agréments dirigé par Guy van Waas faisait entendre un air seul tiré d’Ernelinde : « Transports, tourments jaloux » chanté par Pierre-Yves Pruvot[1]. Hier, c’était la voix tonnante de Matthieu Lécroart accompagné par un orchestre d’une rare violence qui donnait toute son envergure à cet air de rage. Car en juin 2024, un concert à Oslo et un enregistrement dans la foulée ont enfin permis de découvrir une grande partie de cette œuvre dense, dramatique et innovante signée Philidor. Le concert versaillais était l’unique occasion française d’entendre la Norvège à Versailles dans une distribution quasi identique et avec les mêmes coupures. Car au lieu des deux heures et demi de musique entendues, il en faudrait bien quatre pour une intégrale, les ballets étant innombrables.

C’est à une redécouverte majeure dans l’histoire de la musique française que nous avons assisté mardi soir. Cet opéra d’André Danican-Philidor (1726-1795), jamais joué depuis la reprise de 1777, en ces murs mêmes, débute par une ouverture quasi pastiche de celle de l’Orphée d’un Gluck plus d’une fois convoqué comme source d’inspiration. L’opéra tient du modèle italien en trois actes (il exista une Ermelinda de Freschi dès 1682, une de Vinci en 1726) et non plus en cinq comme dans la tragédie à la française, à laquelle il tourne le dos en ouvrant la voie à un tout autre répertoire. À mille lieux des Boréades de Rameau (1763) et avant l’Iphigénie que Gluck présentera à Paris en 1774, cette Ernelinde donne le ton d’un nouveau genre : regardant vers l’Italie et la réforme gluckiste avant même son introduction en France.

Avec une écriture vocale tour-à-tour virtuose et héroïque, l’action ne connait guère de répit, en dehors de ballets pittoresques. Il ne s’agit plus d’Antiquité mais d’un Moyen-Âge nordique où entendre chanter « le bonheur des sujets fait la gloire des rois » est d’ailleurs savoureux, alors que les vastes interventions chorales évoquent déjà la puissance de certaines musiques de la Révolution française.

Renversement de situations, appels au combat, à la haine, à de multiples gestes de clémence ou aux puissances de l’amour : l’histoire  agitée d’Ernelinde dessine le portrait d’une femme amoureuse éprise de Sandomir, l’ennemi de son père Rodoald, et courtisée par Ricimer son rival victorieux. Cette héroïne tragique préfère choisir la mort aux côtés de celui qu’elle aime plutôt que de le sauver en devenant l’épouse de son vainqueur d’un moment qui finira, lui, par se suicider, vaincu in extremis par Rodoald. Happy end. Mais l’essentiel est ailleurs : dans une musique prenante, avec de nombreux aspects très Sturm und Drang, musique fluctuante au gré des passions et des innombrables retournements.

Les chœurs sont très présents et interviennent en vrai protagoniste. Les chantres du Centre de musique baroque de Versailles s’allient aux forces de Vox Nidrosiensis, le chœur de Trondheim – lieu de l’action de l’opéra et d’un Festival baroque initié depuis 2013 par Martin Wåhlberg ! D’un ton parfois un peu univoque dans les moments plus calmes, ils savent donner une puissance et un impact saisissants. Il faut dire que le livret impose une ambiance : « Jurez sur vos glaives sanglants », ou « Rappelons la mort et la guerre » et encore « Dieu des combats, dieu du carnage »…

La soprano Judith van Wanroij chanta Ernelinde avec une vraie présence dramatique dès son furieux duo d’entrée. Au fil de la soirée, sa voix n’a cessé de prendre une ampleur qui a pris des couleurs poétiques dans « Cher objet d’une tendre flamme », ou a donné un impact puissant à sa déchirante grande scène finale du deuxième acte, l’écriture instrumentale de Philidor étant alors d’une étrange modernité.

La distribution a aussi donné raison à la première édition de cette Ernelinde, qui portait le titre de Sandomir roi du Danemark, tant les rôles masculins sont omniprésents. Si la voix du baryton-basse Laurent Naouri reste sonore, projetée, il a semblé pourtant moins à l’aise que dans l’enregistrement. La rivalité vocale entre le Sandomir du ténor Reinoud Van Mechelen et le Ricimer du baryton Matthieu Lécroart a explosé dans le duo final du premier acte avec un assaut de vaillance ravageur. Car l’interprétation et le jeu de Matthieu Lécroart ont forcé l’enthousiasme tout au long de la soirée. Timbre sombre, prononciation parfaite, incarnation idoine en ont fait le noir héros de la soirée. L’autre vainqueur est Reinoud Van Mechelen, toujours aussi éclatant. Dès le début de l’œuvre, il s’impose triomphalement dans le très gluckiste « Ô toi chère âme de ma vie ». Après « Tyran cruel », son grand air de fureur ouvrant le troisième acte, « Viens tendre amour » est venu clore l’opéra en un festival de vocalises lumineuses.

Hors de ces quatre rôles principaux, trois autres voix interviennent de façon très musicale mais marginale, particulièrement pour le ténor Clément Debieuvre et plus encore pour le baryton Martin Barigault. Quant à la soprano Jehanne Amzal, sa place plus étoffée lui permet de chanter « plus de tristesse » avec un air mutin et du soleil dans sa voix.

Quant à l’Orkester Nord, il sonne encore un peu vert et manque parfois de cohésion, souffrant d’un problème récurrent d’accord. Le violoncelle du continuo était en deçà de la justesse et les cordes – violons et altos – ont posé plus d’une fois question. N’était-ce pas dû à la chaleur du lieu, qui a les effets néfastes que l’on sait sur les instruments ? Il est vraiment dommage que le chef n’ait pas pris le temps de réaccorder. D’autant que la direction de Martin Wåhlberg sait varier les climats et les couleurs, conduire avec fougue ou lyrisme, mettre en valeur ici deux flûtes dans tel passage instrumental, là déchainer les cors ou les percussions – même si les quatre bassons pourraient être davantage sollicités.

Ce chaînon manquant qu’est Ernelinde a donc connu une belle recréation française qui aurait eu toute sa place à l’Opéra Royal. Heureusement, l’enregistrement est là, particulièrement réussi, qui fait revivre cette œuvre visionnaire et passionnante.

[1] Édité par le Centre de Musique Baroque de Versailles dans le passionnant coffret de 20 CD Deux cents ans de musique à Versailles.

Les artistes

Ernelinde : Judith van Wanroij
Sandomir : Reinoud Van Mechelen
Ricimer : Matthieu Lécroart
Rodoald : Laurent Naouri
Une Norvégienne, la Grande-Prêtresse : Jehanne Amzal
Un Norvégien, Un Matelot, Édelbert : Clément Debieuvre
Un Officier de Ricimer et le Grand-Prêtre : Martin Barigault

Les chantres du Centre de musique baroque de Versailles, dir. Fabien Armengaud
Vox Nidrosiensis Orkester Nord, dir. Martin Wåhlberg

Le programme

Ernelinde, princesse de Norvège

Tragédie en musique d’André Danican-Philidor, livret d’Antoine Poinsinet, créée à Paris en 1767.
Version 1769.
Grande Salle des Croisades du Château de Versailles – concert du mardi 27 mai 2025.

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Marc Dumont

Passionné par l’Histoire et la Musique, Marc Dumont a présenté des centaines de concerts et animé de multiples émissions à Radio France de 1985 à 2014. Il se consacre à des conférences et animations, rédige actuellement un livre où Musiques et Histoire se croisent sans cesse, et propose des « Invitations aux Voyages », qui sont des rencontres autour de deux invités, en vidéo.

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