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Lorsque le Festival d’Aix-en-Provence atterrit au Châtelet : un Così fan tutte du troisième type… ou du troisième âge

par Camillo Faverzani 8 février 2024
par Camillo Faverzani 8 février 2024
Théâtre du Châtelet © Thomas Amouroux
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1,6K

Così fan tutte, Théâtre du Châtelet, mardi 6 février 2024

Une maison « un peu mystérieuse » et des chanteurs « qui ne pensaient pas retrouver leur partition »…

Une production "à programme"

Donnée en juillet dernier au Festival d’Aix-en-Provence, coproducteur, la mise en scène de Così fan tutte conçue par Dmitri Tcherniakov est l’exemple type de spectacle à programme : au lieu de partir de l’œuvre afin de bâtir une narration scénique, elle part d’un concept et adapte le titre à ses besoins. Le réalisateur russe ne s’en cache d’ailleurs pas, son propos étant bien explicité dans le programme de salle : nous nous trouvons donc « dans une maison un peu mystérieuse » où ont lieu des « séances d’échangisme ». Don Alfonso et Despina en sont les propriétaires et deux couples « âgés de cinquante ans » s’y rendent en tant que clients. La scénographie du même Tcherniakov prévoit alors un grand espace assez cossu, aux allures très contemporaines, composé d’un séjour avec cheminée en fonte, une table et des chaises confortables pour les dîners. Deux grandes baies vitrées cachent des chambres à coucher où trônent des lits matrimoniaux. Les deux aubergistes se chamaillent pendant l’ouverture pour enfin s’embrasser avant l’arrivée des hôtes. Les paris entre les hommes se font d’ailleurs en présence des femmes. Don Alfonso s’adonne régulièrement à des éclats de rire assez convulsifs. Bien que le metteur en scène dise avoir renoncé aux « travestissements traditionnels », il a cependant recours à des masques dorés afin de représenter l’arrivée des nobles albanais – même s’ils doivent vite tomber. Lors de la supposée tentative d’empoisonnement des deux soupirants, on se demande pourquoi Despina, censée être déguisée en médecin, pointe un fusil, alors qu’elle doit toujours recourir à ces mains, en guise d’aimant salutaire, afin de les ramener à la vie. L’arme se révèle alors n’être qu’un jouet de clown d’où ressort une ombrelle quand on tire enfin. Quitte à être véritablement chargée à l’issue de l’opéra, et c’est Don Alfonso qui en sera la victime, peut-être expiatoire.

Le problème dans tout cela étant qu’il aurait fallu ajuster aussi les vers du livret car le texte de Da Ponte voit s’affronter des jeunes gens utilisant leur propre vocabulaire, maintenant en constant décalage avec ce que l’on voit. Le finale I est vraisemblablement le moment le plus défaillant de l’opération, les paroles des prétendus mourants étant en nette contradiction avec l’attitude des femmes. C’est sans doute l’effet recherché par le réalisateur mais cela reste quand même assez gratuit… Ainsi nous avons du mal à suivre Dorabella et Fiordiligi choisissant respectivement « quel brunettino » et l’autre « biondino », puisque tout le monde a les cheveux poivre et sel. La seule remarque de Don Alfonso pouvant encore fonctionner reste les « cornacchie spennacchiate » menant à l’épilogue, sauf que dans la pièce il s’agit d’un second degré. Dans de telles conditions, conserver le livret dans son intégralité rend l’opéra encore plus méconnaissable…

D’ailleurs, Dmitri Tcherniakov l’admet lui-même ; il a dû franchir trois écueils en abordant Così fan tutte : la bouffonnerie, le nombre de personnages réduits à six (passons…) et l’identification à des normes sociales qui ne sont plus crédibles de nos jours. Comme si ce n’était pas le propre du théâtre de savoir faire voyager le spectateur à travers les âges et les coutumes… Qu’en est-il de l’illusion comique, voire d’une certaine fonction thérapeutique de la scène ? À force de renoncer à la drôlerie, nos quinquagénaires n’en sont finalement que plus écornés, grotesques, sinon pathétiques… Là aussi, effet escompté ?

L’âge des chanteurs s’aligne sur celui des personnages… de Dmitri Tcherniakov

Quant à la distribution, elle s’aligne à son tour sur le parti pris de la production : l’âge des chanteurs correspond donc à celui des personnages, pas ceux de Mozart-Da Ponte, bien sûr, mais ceux de Tcherniakov. Des artistes ayant « déjà chanté ces rôles dans le passé » qui ont relevé ce « défi inédit […] d’ouvrir à nouveau ces partitions ». Des artistes qui, pour certains, « ne pensaient pas les retrouver un jour ». Sans doute aurait-il mieux valu qu’ils s’en abstiennent ? Malheureusement, ils sonnent tous inexorablement peu idiomatiques, non seulement sur le plan de la langue, ce qui ne serait finalement qu’un moindre mal dans cette configuration. L’absence d’idiomatisme est aussi scénique et tout simplement mozartienne… Campant des personnages le plus souvent antipathiques, la dramaturgie ne vient nullement combler leurs défaillances vocales.

Ce que nous en retenons dans l’ensemble, c’est un manque généralisé d’entrain et d’éclat, conjugué à de soucis de justesse récurrents. On peut certes ressentir une certaine progression dans le courant de la représentation, mais cela nous étonne tout de même un peu, ne s’agissant pas d’un soir de première. Par ailleurs, tous ces interprètes étaient déjà à l’affiche à Aix-en-Provence, l’été dernier, sauf Patricia Petibon. Ainsi, si le premier duo des sœurs (« Ah, guarda, sorella ») est un supplice, Claudia Mahnke et Agneta Eichenholz retrouvent quelques belles vocalises dès le quintette des adieux (« Di scrivermi ogni giorno ») et une belle ligne dans le terzettino avec Alfonso. Elles révèlent des limites évidentes dans les moments les plus attendus, un vibrato trop accentué et une agilità trop atteinte pour la première (« Smanie implacabili»), des cris venant au secours de la seconde dans un « Come scoglio immoto resta» qui tombe complètement à plat. À l’acte II, le duo « Prenderò quel brunettino» est plus harmonieux, de même que l’air de Fiordiligi (« Per pietà, ben mio, perdona») à la ligne vite brisée, néanmoins. Le second air de Dorabella, quant à lui, est coupé.

Côté hommes, Russell Braun sonne quelque peu fade dans son premier air (« Non siate ritrosi») et, malgré un savoir-faire certain, Rainer Trost peine dans l’aigu et paraît plutôt engorgé dans « Un’aura amorosa». En meilleur forme dans leur duo de l’acte II (« Secondate, aurette amiche»), ils donnent un rendu vaillant de leurs airs et atteignent presque le bonheur, le premier avec Dorabella (« Il core vi dono»), le second grâce à la bonne entente qui s’installe avec sa Fiordiligi (« Tra gli amplessi in pochi istanti »). Les quatre se retrouvant dans une scène de faux mariage (« Come par che qui prometta») très intense de par son expressivité.

Nous sommes habitués à ce que Don Alfonso soit dévolu à des basses vieillissantes, en fin de carrière. Le plus jeune de tous nos acolytes, Georg Nigl ne dément nullement cette tradition. Haché, son air de l’acte I (« Vorrei dir, e cor non ho») est très laborieux, tandis que, dans l’andante du II (« Tutti accusan le donne, ed io le scuso»), il va jusqu’à émettre des sons aspirés complètement abusifs, le rendant visiblement irrécupérable. Malgré une certaine verve, la Despina de Patricia Petibon révèle de sérieuses limites dans le haut du registre dès son premier air (« In uomini, in soldati »), se refugiant dans le cri dans le second (« Una donna a quindici anni »), alors que sa parodie du notaire est inaudible.

Une version historiquement informée

Christophe Rousset retrouve le chef-d’œuvre de Mozart et prend la suite de Thomas Hengelbrock, à la baguette à Aix-en-Provence. Il dirige dans « une version historiquement informée », censée être « moins percutante et stridente », plus équilibrée donc, sauf que l’ouverture sonne quelque peu brouillonne et bruyante et que les vents sont souvent à la peine, au point de susciter l’inquiétude des musiciens de l’orchestre eux-mêmes, si j’en crois la réaction de leur mimique. Relevons quand même des moments plus heureux, comme dans l’accompagnement du terzettino de l’acte I (« Soave sia il vento»). Belles interventions du Chœur Stella Maris, dirigé par Olivier Bardot.

Un public clairsemé, qui paraît s’ennuyer ferme pendant toute la représentation – rarissimes applaudissements à scène ouverte –, couvre quelques huées sporadiques au rideau final et acclame des interprètes qui semblent se réjouir d’un tel accueil. Après le Châtelet, cette production devrait revenir à la scène à Baden-Baden et à Luxembourg. Peut-être des ajustements seraient-ils souhaitables.

Les artistes

Fiordiligi : Agneta Eichenholz
Dorabella : Claudia Mahnke
Despina : Patricia Petibon
Ferrando : Rainer Trost
Guglielmo : Russel Braun
Don Alfonso : Georg Nigl

Les Talents Lyriques, Chœur Stella Maris

dir. Christophe Rousset et Olivier Bardot

Mise en scène, scénographie : Dmitri Tcherniakov

Costumes : Elena Zaytseva

Lumières : Gleb Filshinsky

Chorégraphie : Andrew George

Le programme

Così fan tutte

Dramma giocoso en deux actes de Wolfgang Amadeus Mozart, livret de Lorenzo Da Ponte, créé au Burgtheater de Vienne le 26 janvier 1790.

Paris, Théâtre du Châtelet, mardi 6 février 2024

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Christophe RoussetGeorg NiglPatricia PetibonRainer TrostDmitri TcherniakovAgneta EichenholzClaudia MahnkeRussel Braun
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Camillo Faverzani

Professeur de littérature italienne à l’Université Paris 8, il anime le séminaire de recherche « L’Opéra narrateur » et dirige la collection « Sediziose voci. Studi sul melodramma » aux éditions LIM-Libreria musicale italiana de Lucques (Italie). Il est l’auteur de plusieurs essais sur l’histoire de l’opéra. Il collabore également avec des revues et des maisons d’opéra (« L’Avant-scène Opéra », Opéra National de Paris).

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