À la une
Diva ma non troppo : le public du festival de Froville...
Dans le labyrinthe des opéras de RIMSKI-KORSAKOV
À Rouen, SEMIRAMIDE au pays des vampires
Job, le procès de Dieu : création d’un opéra engagé et...
Festival du Haut-Limousin « Par les soirs bleus d’été »
La traviata à Tours : Violetta, prenez soin de vous !
Brèves de juin –
Découvrez la saison 25-26 de l’Opéra Orchestre national Montpellier Occitanie
Il barbiere di Siviglia revient à l’Opéra Bastille dans la...
Dernière saison d’Alain Surrans à ANGERS-NANTES OPERA
  • Accueil
  • À Voir
  • Avant-concerts
  • Vu pour vous
  • Artistes
  • Œuvres
  • Médiathèque
  • Humeurs
Première Loge

Pour ne rien manquer de l'actualité lyrique, restons en contact !

ProductionCompte renduVu pour vous

Création mondiale à la Monnaie de Bruxelles : CASSANDRA de Bernard Foccroulle

par Stéphane Lelièvre 11 septembre 2023
par Stéphane Lelièvre 11 septembre 2023

© Karl Forster

© Karl Forster

© Karl Forster

© Karl Forster

© Karl Forster

© Karl Forster

3 commentaires 7FacebookTwitterPinterestEmail
2,K

La Monnaie ouvre sa nouvelle saison avec une création mondiale : Cassandra, un opéra à l’actualité brûlante… accueilli très favorablement par le public.

Dans un souci très légitime de se faire l’écho de nobles causes (lutte contre le réchauffement climatique, contre le patriarcat, dénonciation du sort réservé aux migrants, des régimes dictatoriaux,…) nombre de metteurs et metteuses en scène plaquent sur les œuvres du répertoire un discours qui n’a très souvent qu’un rapport pour le moins assez lointain avec les messages délivrés par les librettistes et les compositeurs. Au point qu’on a plus d’une fois été tenté de les inciter à s’associer à un librettiste et à un compositeur afin de créer eux-mêmes une œuvre propre à servir la cause qui leur tient à cœur plutôt que de déformer, voire de dénaturer tel ou tel opéra. C’est aujourd’hui chose faite avec Cassandra, opéra en treize scènes et un prologue de Bernard Foccroulle et Matthew Jocelyn, rappelant les dangers pesant sur la planète suite au réchauffement climatique et dénonçant l’irresponsabilité de celles et ceux qui nous gouvernent et d’une partie de la population, refusant de reconnaître le caractère urgentissime du problème et/ou de prendre les mesures qui s’imposent.

C’est là un sujet qui, au-delà – ou en raison – de son importance pourrait donner lieu à un discours excessif, voire caricatural : rien de tel dans l’intelligent livret de Matthew Jocelyn, qui expose la problématique avec finesse et nuances – ce qui n’ôte rien à la force des arguments, bien au contraire ! – et prend en compte tous les aspects du problème, de l’inquiétante fonte des glaces aux pôles à l’hésitation de la jeune génération à donner la vie dans un monde où l’avenir paraît si incertain. La diversité des moyens d’action possibles pour convaincre et faire bouger les lignes est elle aussi envisagée : faut-il se montrer complaisant envers le public en lui proposant des shows sur le sujet, voire en le faisant rire, attitude adoptée dans un premier temps par l’héroïne Sandra ? Vaut-il mieux, comme le fait son fiancé Blake, choisir l’activisme, quitte à ce qu’il soit empreint d’une certaine violence ? Quant aux discours des « opposants », ils sont évoqués dans toute leur diversité, de l’irresponsabilité de celles et ceux qui continuent à faire passer la notion de profit immédiat avant tout, aux propos violents, stupides (et criants de vérité !) de climatosceptiques bornés et dangereux. La mise en parallèle de la destruction de deux mondes (destruction de Troie au XIIe siècle avant notre ère, destruction de notre planète aujourd’hui) se montre par ailleurs particulièrement convaincante et confère au livret une dimension éminemment tragique, notamment dans l’incrédulité répétée à laquelle se heurtent Cassandra et Sandra. Notons enfin que l’allusion à la disparition annoncée des glaces recouvrant l’île Alexandre 1er (située à l’ouest de la péninsule Antarctique) constitue un argument pour le moins convaincant pour le mélomane qui se sentirait peu concerné par le problème du réchauffement climatique, les différentes régions de cette île (hauts plateaux, glaciers, champs de neige…) portant les noms de Mahler, Puccini, Debussy, Wagner, Bach… Or peut-on imaginer vivre dans un monde sans Bach, s’interroge Sandra ? Une question relayée par la douloureuse réminiscence, à la toute fin de l’œuvre, du chœur de la Cantate BWV 26 : « Ach wie flüchtig, ach wie nichtig / ist der Menschen Leben ! » (« Ah ! Comme la vie humaine est éphémère et vaine ! »)…

Le parcours personnel de Bernard Foccroulle ne pouvait que le conduire à la composition d’un opéra : outre le fait qu’il a déjà, à plusieurs reprises, manifesté son intérêt pour la composition d’œuvres vocales, faut-il rappeler qu’il a été, de 2007 à 2018, directeur du Festival d’Aix-en-Provence après avoir dirigé, de 1992 à 2007, la Monnaie de Bruxelles – qui lui a d’ailleurs réservé un accueil des plus chaleureux au rideau final ? Sur ce livret bien construit ne refusant, fort heureusement, ni la notion de progression dramatique, ni celle de personnages (héros, adjuvants, opposants), se déploie une musique qui, au-delà de son originalité et de sa modernité, s’inscrit dans la tradition du genre lyrique, avec une belle variété de tableaux et d’ambiances : amusant repas de famille où tout le monde parle sans vraiment s’écouter, étonnante scène de la « bibliothèque des morts » où apparaissent Hécube, Priam et Cassandre, touchante « berceuse » chantée par Naomi (la sœur de Sandra), pour son futur bébé, une mélodie simple et naïve bifurquant brutalement vers l’étrangeté et l’effrayant lorsque la jeune femme reprend conscience, comme malgré elle, de la tragédie qui se joue autour d’elle,… La musique, tout en restant exigeante (en raison notamment d’un rythme narratif volontairement assez lent) ne se fait jamais hermétique et, fort heureusement, ne ferme pas la porte à l’émotion ni à une forme de lyrisme.

Visuellement, le spectacle proposé par Marie-Eve Signeyrole est séduisant et convaincant. Certaines images ne sont peut-être pas absolument nécessaires (Cassandra relevant ses jupes et s’accroupissant pour uriner), mais globalement la mise en scène sert parfaitement le propos des auteurs, avec un usage modéré et parfaitement justifié de la vidéo, une direction d’acteurs travaillée et certains tableaux visuellement très forts : l’effondrement du décor du premier tableau sur lequel est jeté un petit cheval de bois, image dérisoire du cheval ayant conduit Troie à sa perte – que l’on retrouvera sous la forme d’un inquiétant carrousel pendant la berceuse chantée par Mina ; le retour récurrent des images d’abeilles et d’alvéoles dans les éléments du décor, symbolisant tout le mal que l’homme et la femme font à leur planète et aux créatures qui l’habitent, la saisissante confrontation entre Sandra et Cassandra à la fin de l’ouvrage…

Musicalement, l’œuvre est parfaitement servie par une excellente équipe d’interprètes pleinement impliqués dans le projet, d’où se détachent notamment le mezzo cuivré de Katarina Bradiċ (Cassandra), le soprano fluide et musical de Jessica Niles (Sandra), la Naomi tantôt drôle, tantôt pitoyable de Sarah Defrise, le Blake très convaincant de Paul Appleby, l’Apollon très présent vocalement et scéniquement de Joshua Hopkins, ou encore les touchants Susan Bicley (Hécube et Victoria)  et Gidon Saks,  ce dernier se montrant particulièrement émouvant dans la scène où Priam découvre avec tristesse l’image que la postérité aura retenue de lui… Succès unanime, partagé avec les forces de la Monnaie placées sous l’impeccable direction de Kazushi Ono.

Les artistes

Cassandra : Katarina Bradiċ
Sandra : Jessica Niles
Hecuba / Victoria : Susan Bickley
Naomi : Sarah Defris
Blake : Paul Appleby
Apollo / Angry Audience Member : Joshua Hopkins
Priam / Alexander : Gidon Saks
Stage Manager / Marjorie : Sandrine Mairesse
Conference Présenter : Lisa Willems

Orchestre symphonique et chœurs de la Monnaie (Chef des chœurs : Emmanuel Trenque), dir. Kazushi Ono
Mise en scène et vidéo : Marie-Eve Signeyrole
Décors : Fabien Teigné
Costumes : YASHI
Éclairages : Philippe Berthomé
Dramaturgie : Louis Geisler
Collaboration vidéo : ARTIS DZĒRVE

Le programme

Cassandra

Opéra en treize scènes et un prologue de Bernard Foccroulle, livret de Matthew Jocelyn, créé le 10 septembre 2023 à la Monnaie de Bruxelles
Bruxelles, Théâtre de la Monnaie, représentation du dimanche 10 septembre 2023 (création)

image_printImprimer
Marie-Eve SigneyroleJoshua HopkinsPaul ApplebyKazushi OnoKatarina BradicJessica Niles
3 commentaires 7 FacebookTwitterPinterestEmail
Stéphane Lelièvre

Stéphane Lelièvre est maître de conférences en littérature comparée, responsable de l’équipe « Littérature et Musique » du Centre de Recherche en Littérature Comparée de la Faculté des Lettres de Sorbonne-Université. Il a publié plusieurs ouvrages et articles dans des revues comparatistes ou musicologiques et collabore fréquemment avec divers opéras pour la rédaction de programmes de salle (Opéra national de Paris, Opéra-Comique, Opéra national du Rhin,...) Il est co-fondateur et rédacteur en chef de Première Loge.

3 commentaires

Henry 12 septembre 2023 - 17 h 14 min

Merci pour ce commentaire remarquablement élaboré.

Répondre
Stéphane Lelièvre 12 septembre 2023 - 17 h 54 min

Merci à vous cher Henry !

Répondre
Marc Dumont 18 septembre 2023 - 10 h 09 min

Et c’est à voir gratuitement ici ! https://www.youtube.com/watch?v=kFBpbJawCjg

Répondre

Laisser un commentaire Annuler la réponse

Sauvegarder mes informations pour la prochaine fois.

This site uses Akismet to reduce spam. Learn how your comment data is processed.

post précédent
Il Teatro Carlo Felice di Genova apre la Stagione 2023-2024
prochain post
SUOR ANGELICA / RIGOR MORTIS
Du Ciel à l’Enfer : soirée sulpicienne et gothique à Lisbonne

Vous allez aussi aimer...

Diva ma non troppo : le public du festival...

14 juin 2025

À Rouen, SEMIRAMIDE au pays des vampires

14 juin 2025

Job, le procès de Dieu : création d’un opéra...

14 juin 2025

Festival du Haut-Limousin « Par les soirs bleus d’été »

13 juin 2025

La traviata à Tours : Violetta, prenez soin de...

13 juin 2025

Brèves de juin –

13 juin 2025

Il barbiere di Siviglia revient à l’Opéra Bastille...

12 juin 2025

À Bruxelles, nouvel échec pour la thérapie de...

9 juin 2025

Retour triomphal de Pretty Yende au Théâtre des...

9 juin 2025

Núria Rial et l’Accademia del Piacere donnent le...

9 juin 2025

En bref

  • Brèves de mai –

    30 mai 2025
  • Les brèves de mars –

    14 mars 2025
  • Les brèves de février

    25 février 2025
  • Sauvons l’Avant-Scène Opéra !

    18 février 2025
  • L’Avant-Scène Opéra, c’est fini…

    7 février 2025

Humeurs

  • Les années 2020 : sombre époque pour les arts, la culture, l’humanisme…

    5 mars 2025

Édito

  • Les années 2020 : sombre époque pour les arts, la culture, l’humanisme…

    5 mars 2025

La vidéo du mois

PODCASTS

PREMIÈRE LOGE, l’art lyrique dans un fauteuil · Adriana Gonzàlez & Iñaki Encina Oyón – Mélodies Dussaut & Covatti

Suivez-nous…

Suivez-nous…

Commentaires récents

  • cecile PABA ROLLAND dans Il trovatore à Marseille : Le chant de l’Extrémo
  • Stéphane Lelièvre dans À Bruxelles, nouvel échec pour la thérapie de Don José ; nouveau succès pour la Carmen de Tcherniakov !
  • Alessandro dans À Bruxelles, nouvel échec pour la thérapie de Don José ; nouveau succès pour la Carmen de Tcherniakov !
  • antonio meneghello dans GEORGE GAGNIDZE : « Mi accosto a Verdi con la massima venerazione e rispetto… »
  • Giancarlo Arnaboldi dans Berliner Philharmoniker: memorabile Madama Butterfly di Kirill Petrenko, Eleonora Buratto e Jonathan Tetelman

Première loge

Facebook Twitter Linkedin Youtube Email Soundcloud

Keep me signed in until I sign out

Forgot your password?

Login/Register

Keep me signed in until I sign out

Forgot your password?

Rechercher

Archives

  • Facebook
  • Twitter
  • Youtube
  • Email
Première Loge
  • Accueil
  • À Voir
  • Avant-concerts
  • Vu pour vous
  • Artistes
  • Œuvres
  • Médiathèque
  • Humeurs

A découvrirx

Diva ma non troppo : le public...

14 juin 2025

À Rouen, SEMIRAMIDE au pays des...

14 juin 2025

Job, le procès de Dieu : création...

14 juin 2025