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Les festivals de l’été –
DELLA GLORIA D’OTELLO… : Électrisante version de concert du chef-d’œuvre de Verdi au Grand Théâtre de Provence

par Hervé Casini 22 juillet 2023
par Hervé Casini 22 juillet 2023

© Vincent Beaume

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Quarante-huit heures après un Prophète d’anthologie, la programmation tant attendue d’Otello – affichant complet, depuis plusieurs mois – qui, à l’origine, devait voir les débuts au festival d’art lyrique du ténor allemand Jonas Kaufmann, voit le triomphe annoncé du Iago glaçant de Ludovic Tézier et de la Desdemona vibrante de Maria Agresta…

Retour glorieux sur une soirée qui aura également permis à beaucoup de découvrir l’impressionnant matériau vocal d’Arsen Soghomonyan, Maure électrisant qui fait mieux que seulement sauver la représentation.

Otello, un opéra de chef, de chœurs et d’actions

Dès les premières mesures, Michele Mariotti plonge le spectateur dans le fracas d’une tempête dont on avait rarement entendu, sur scène du moins, de telles forces telluriques ! Avec le chef d’orchestre italien, récemment nommé directeur musical de l’Opéra de Rome, on sait d’emblée que la soirée sera placée sous le signe d’un drame shakespearien qui saura certes laisser la place, lorsqu’il le faut, aux rares moments de douceur ineffable de la partition (duo d’amour de la fin du premier acte, chœur des femmes et enfants accompagnant Desdemona au début de l’acte II et, bien évidemment, air du saule et Ave Maria du dernier acte) mais qui gardera avant tout pour cap de ne guère laisser au spectateur de moments de répit puisque l’histoire que nous racontent Verdi et Boito, son génial librettiste, est « pleine de bruit et de fureur » ! Ainsi, la vision orchestrale que donne à voir Mariotti de l’avant-dernier opéra du maître de Busseto vise à montrer des personnages évoluant dans un environnement hostile – le port de Chypre à la fin du xve siècle n’a rien d’une villégiature ! – et souvent dépassés par un fatum inexorable et la nécessité d’un drame qui se joue et qui, dans cette lecture du chef italien, n’a pas de temps à perdre. Âmes trop versées dans l’introspection des personnages, passez votre chemin ! L’orchestre dresse ici, tout au long des quatre actes de l’ouvrage – avec ce savant mélange d’énergie sauvage et de douceur – des portraits pleinement lisibles qui obéissent à la nécessité absolue de permettre au spectateur de repartir chez lui en ayant eu la possibilité, le temps d’une version de concert, de prendre avec lui – voire sur lui-même – un peu du drame de chacun des personnages de cette histoire faite quasi-exclusivement de rapports violents. Dans cette optique, on doit saluer sans réserve l’orchestre et le chœur du Teatro San Carlo de Naples (parfaitement préparé par José Luis Basso) qui, tous deux, magnifient le beau vocable d’authentiques formations de théâtre : loin de devoir être prise à la légère – voire d’être employée péjorativement – cette notion va constituer la pierre angulaire du triomphe absolu de cette soirée puisque, pendant près de 2h30, la phalange parthénopéenne épouse parfaitement cette vision quasi-cinématographique et presque toujours tragique que le maestro a de l’ouvrage, depuis la pulsation rythmique des introductions orchestrales des actes II à IV particulièrement anxiogènes – on reste suspendu aux intervalles conjoints et au contrepoint des violons au début de l’acte III – jusqu’au climax du concertato final du même acte, que l’on aura, là encore, rarement entendu en filiation musicale si proche de la scène du triomphe d’Aïda. Tout est ici réuni pour que la tension dramatique soit mise au service de l’action continue : diminuendi, brutales accélérations, crescendi conduisant au développement grandiose d’un ensemble d’une impressionnante mais toujours rigoureuse cohésion : sans doute le plus beau moment de la soirée car, à côté des pupitres de soprani particulièrement sollicités ici – quelle puissance dans l’élévation vers l’aigu chez ces dames ! -, il est indispensable de préciser que l’on entend la totalité des solistes – d’Otello à Roderigo – emboitant le pas aux premières phrases de Desdemona – « A terra !… si…nel livido fango… » – et ne nous faisant rien perdre de la polyphonie qui progressivement s’installe.

Loin de se contenter d’une esthétique parfaitement mise en place sur le plan de ses forces orchestrales et chorales, le maestrissimo Mariotti, s’appuyant en outre sur d’efficaces jeux de lumière et une authentique dramaturgie coordonnés par Romain Gilbert [1] – déjà remarqué pour la soirée du Prophète – permet aux protagonistes de la tragédie d’exprimer, dans une version de concert dont les pupitres sont, pour une fois, totalement absents, toute la force de leur personnage. L’approche est suffisamment originale pour être soulignée et permet d’évaluer également la dimension scénique des interprètes.

Otello, un opéra de grands artistes

Sans devoir répéter ici ce que d’autres ont déjà écrit, rendons nous directement à l’évidence : cette soirée demeurera dans notre mémoire comme l’une des plus belles soirées d’Otello à laquelle nous ayons assisté jusqu’à ce jour. Plusieurs données permettent d’illustrer ce point de vue : tout d’abord, la remarquable qualité de l’ensemble des rôles de composition réunis. Du Montano de Gioavanni Impagliazzo au Roderigo de Carlo Bosi, en passant par le Lodovico d’Alessio Cacciamani, nous tenons là des artistes tous bien chantants, à la projection impeccable. Entendu il y a quelques mois à Rome dans Il Tabarro où elle incarnait la Frugola, la mezzo-soprano albanaise Enkelejda Shkoza incarne une Emilia à la puissance vocale confirmée et à l’émotion palpable au moment où, au dernier acte, Desdemona lui lance son adieu déchirant. Très convaincant enfin, tant du point de vue scénique – en particulier dans sa scène d’ivresse – que vocal, Giovanni Sala (Cassio) est loin d’être un débutant et dispose d’un panel de rôles – chantés avec les plus grands chefs dans les plus grands théâtres – correspondants à une émission foncièrement lirico leggero (Ottavio, Ferrando, Fenton, Rinuccio…) qui ravit nos oreilles.

Abordé à Vienne en 2021, le rôle de Iago est aujourd’hui l’un de ceux qui correspond le plus à la maturité vocale de Ludovic Tézier. Osons l’écrire : la manière dont le baryton marseillais aborde, avec une sorte d’éloquence naturelle, dès son entrée en scène, le personnage pivot de l’intrigue, justifie la volonté verdienne d’appeler, un moment, son ouvrage « Iago ». Promenant tout au long du drame sa forte présence charismatique, sans doute renforcée par les quelques conseils scéniques suggérés par Romain Gilbert, Ludovic Tézier nous dévoile la vision d’un Iago au mouvement de cou trahissant le comportement d’un psychopathe totalement assumé, la plupart du temps caractérisé par un sourire inquiétant qui deviendra rire sans retenue, mais toujours glaçant, à la fin du « Credo » mais aussi du « Ecco il leone ! » à la fin de l’acte III. Vocalement, tout est ici dosé, ciselé, mûrement réfléchi et donne pourtant constamment la sensation de l’aisance, de l’aigu venant couronner le « Credo » à la descente abyssale dans les entrailles de l’hydre, symbole de la jalousie qu’il distille dans le cœur d’Otello : « È un’idra fosca, livida, cieca, col suo veleno sè stessa attosca. » Fort de sa fréquentation des rôles du bel canto romantique (La Favorite) et des premiers Verdi (Ernani, Il Trovatore), ce Iago chante bel canto jusque dans son duo final de l’acte II « Era la notte » qui, comme écrit dans la partition, commence : « sotto voce, parlato » pour atteindre une sombre grandeur, sauvage certes mais jamais grandiloquente.

On pourrait utiliser les mêmes termes pour qualifier le chant spianato de Maria Agresta, à l’équilibre vocal se refusant à tout effet si ce n’est ceux prévus par la partition. En écoutant, dès ses premières phrases du duo de l’acte I, la voix de la soprano campanienne s’élever vers des courbes irrésistiblement sensuelles, toujours en gardant à l’esprit l’importance du legato, le public retient son souffle, celui-là même dont il faut que l’interprète de Desdemona donne des gages significatifs dans les sublimes phrases du duo de l’acte III lorsqu’ atterrée, elle oblige son conjoint à regarder couler ses larmes. Il nous faut l’écrire : le chant de Maria Agresta, du début du concertato du troisième acte jusqu’au « prega » angelicato de son « Ave Maria » nous plonge dans le ravissement. Quelle belle amorce sur le mi-bémol débutant cette prière puis quelle superbe élévation à partir du la bémol attaqué sur le mot « Gesù » ! Devant un public qui, pour l’occasion, la découvre à Aix, l’un des plus beaux moments entendus chez cette artiste de très grand niveau.

Face à la force d’émotions dégagées par ces deux chanteurs-acteurs, il fallait un Maure de Venise de très haut calibre et c’est une évidence dès l’ « Esultate ! » éclatant de santé vocale du ténor arménien Arsen Soghomonyan. Déjà hallucinant Hermann de La Dame de Pique à Baden, habitué du rôle d’Otello, Arsen Soghomonyan dévoile d’emblé, devant un public médusé, une force de frappe vocale absolument hallucinante qui nous conduit sans accident sur les cîmes parfois paroxystiques de la et de si régulièrement tenus (« Amore e gelosia vadan dispersi insieme ! » à l’acte II et bien sûr « Oh gioia !! » au moment de la venue de Cassio à l’acte III ). Mais c’est également par sa maîtrise de la messa di voce depuis le duo d’amour du premier acte – parfaitement partagé avec sa Desdemona – jusqu’à une prière de l’acte III (« Dio ! mi potevi ») à la tonalité de mi bémol bouleversante que le chanteur nous impressionne peut-être le plus. N’hésitant pas, au moment du serment de vengeance avec Iago, à mettre un genou à terre, Arsen Soghomonyan est un interprète convaincant dont le regard perdu dans le dérèglement total de ses sentiments – pendant toute la fin de l’acte III en particulier – nous poursuit longtemps après la fin de la représentation. Au moment de son adieu final face à une épouse déjà morte (« un bacio…un bacio ancora…ah !…un altro bacio » ), Romain Gilbert a eu l’émouvante idée de faire revenir Desdemona, restée jusque là dans la pénombre, pour déposer sur les lèvres d’Otello ce baiser tant attendu, tel l’ange de la mort. Saisissante image pour une soirée qui, elle aussi, aura côtoyé les sphères célestes.

[1] bizarrement non crédité dans le programme de salle, le jeune metteur en scène français, sera prochainement à suivre avec beaucoup d’intérêt pour ses mises en scène de Carmen (Rouen, du 22/09 au 3/10) et de La Gioconda (Naples, du 10 au 17/04/2024).

Les artistes

Otello : Arsen Soghomonyan
Desdemona : Maria Agresta
Iago : Ludovic Tézier
Cassio : Giovanni Sala
Emilia : Enkelejda Shkoza
Roderigo : Carlo Bosi
Lodovico : Alessio Cacciamani
Montano : Gioavanni Impagliazzo

Lumières : Romain Gilbert
Chœur du Teatro San Carlo , dir. José Luis Basso
Orchestre du Teatro San Carlo, dir. Michele Mariotti

Le programme

Otello

Drame lyrique en quatre actes de Guiseppe Verdi, livret d’Arrigo Boito, créé à la Scala de Milan le 5 février 1887.
Grand Théâtre de Provence, Aix-en-Provence, représentation du lundi 17 juillet 2023.

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Ludovic TézierMichele MariottiMaria AgrestaArsen Soghomonyan
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Hervé Casini

Hervé Casini est diplômé de l’Institut d’Etudes Politiques d’Aix-en-Provence, docteur en littérature française à Aix-Marseille Université et Secrétaire Général du Museon Arlaten (Musée d’ethnographie provençale). Collaborateur de diverses revues (Revue Marseille, Opérette-Théâtre Musical, Résonances Lyriques…), il anime un séminaire consacré au « Voyage lyrique à travers l’Europe (XIXe-XXe siècle) à l’Université d’Aix-Marseille et est régulièrement amené à collaborer avec des théâtres et associations lyriques dans le cadre de conférences et colloques.

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