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Les festivals de l’été –
PARSIFAL à Bayreuth : sexe, cobalt & rock’n’roll

par Aurélie Mazenq 1 septembre 2025
par Aurélie Mazenq 1 septembre 2025

© Enrico Nawrath

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Bayreuth, Parsifal, 24 août 2025

Le Festival de Bayreuth reprend pour la troisième fois la production controversée de Parsifal signée Jay Scheib, lancée en 2023 sous la direction artistique de Katharina Wagner. Cette interprétation futuriste, ancrée dans un univers post-apocalyptique est marquée par l’exploitation minière et la pollution écologique. Elle intègre la réalité augmentée, une innovation audacieuse… mais qui ne prend pas.

Parsifal en « réalité augmentée »

Cette production depuis son lancement intègre la réalité augmentée (AR) grâce a des lunettes mises à disposition des spectateurs élus et payant (surcoût de 80 €). Si l’AR vise à immerger le public dans un environnement sans gravité, elle oscille souvent entre fascination visuelle et distraction intrusive, coupant parfois le lien nécessaire avec la scène. Les lunettes AR, distribuées à une partie du public, superposent des images numériques (cygnes volants, crânes bondissants, déchets flottants, jardin fleuri…) au plateau réel, mais leur poids, leur chaleur et leur effet assombrissant rompent l’expérience pour beaucoup.
Enfin, le dispositif plafonne à 300 paires environ, quand il était prévu le double dès 2024 et un déploiement total à la fin du cycle. Cela donne aussi l’impression d’un spectacle à deux vitesses, car l’auditoire n’assiste pas au même spectacle : quoi qu’on pense du dispositif, cela pose aussi question…

Un domaine du Graal désenchanté

L’action s’ouvre sur un immense monolithe métallique dressé au pied d’un bassin. Les chevaliers du Graal sont des ouvriers extracteurs de minerais, ils évoluent dans un paysage minimaliste teinté d’âpreté contemporaine. Une projection vidéo en direct (cameraman sur scène) montre Gurnemanz en étreinte avec une double muette de Kundry. L’étreinte ira jusqu’au baiser avant que Gurnemanz ne se ressaisisse, le rendant ainsi plus humain, plus faillible et lui-même en proie à la tentation : Parsifal est aussi l’opéra de la tentation. La vraie Kundry est affublée de cheveux mi-noir mi-blanc comme pour mieux marquer son ambivalence lors de cet acte. À nouveau la vidéo en gros plan est utilisée pour le suturage très graphique de la plaie d’Amfortas. Lors de la cérémonie s’élève un énorme cercle métallique rayonnant de néons. Est-ce une couronne d’épines, un phare nous éclairant et nous guidant, le foyer-château du Graal ?
La révélation du Graal fait place à un cristal de cobalt bleu, sur lequel Amfortas fait couler son sang permettant ainsi de régénérer sa communauté. Il faut donc chercher, creuser, s’autodétruire pour espérer survivre tout en s’empoisonnant : le monde court à sa perte d’une manière inéluctable. Ce premier acte manque clairement de poésie, privilégiant l’effet visuel sur la gravité spirituelle. À l’inverse les références au sexe, à la tentation ne manquent pas. Elles sont même omniprésentes : l’étreinte et le baiser de Gurnemanz, sa main tremblante qu’il doit retenir, le monolithe, le cercle montant et descendant, la plaie du Roi en gros plan sans équivoque… Le sexe est partout,  osons le dire.

Le jardin enchanté, du kitsch psychédélique à l’effondrement

L’antre de Klingsor est un bunker-discothèque où tout est rose (les murs, les néons, la fumée…). L’ouverture de son repaire nous rappelle strictement la forme géométrique du Graal, mais encore et toujours l’hymen, le sexe féminin.
Klingsor apparaît en antagoniste efféminé avec costume rose, talons roses, déhanchements provocateurs et stimulations sexuelles. Lui, l’homme châtré, se caressant sur la lance sacrée…lance en forme de goupille de grenade. Elle ne tardera pas à lui exploser au visage ! Une interprétation queer, loin des ténèbres habituelles, mais sans sombrer dans la caricature grâce à la juste interprétation de Jordan Shanahan.
Les Filles-Fleurs et le décors sont kitsch à souhait, couleurs criardes et fluos omniprésents. Tout comme reste présentes les références sexuelles, partout sur les murs pour qui veut bien les voir.Tout est travaillé, dans le décor, pour faire beau et clinquant. À l’exception du matelas, sale et sordide, qui servira a recueillir le baiser révélateur. Certainement celui du péché originel.
Kundry, maléfique séductrice aux cheveux noirs, recevra la lance dans son flanc avant que Parsifal ne s’en empare, perturbant en peu plus la cohérence et la lecture de cette dernière scène…
Cet acte, plus dynamique, nous livre érotisme et violence, mais verse trop dans le kitsch, diluant la sensualité au profit d’effets choc parfois gratuits, comme les corps dépecés ou décapités ou l’utilisation de la vidéo beaucoup moins pertinente qu’à l’acte premier.

Vendredi Saint, en route vers une rédemption écologique

Le décor bascule de nouveau sur le site minier. Cette fois-ci comme abandonné malgré la présence d’une énorme excavatrice. Des déchets plastiques autour d’un bassin jaunâtre, certainement toxique, symbolisant la blessure comme métaphore environnementale : les ressources, en plus de nous empoisonner, sont a présent épuisées.
Gurnemanz réveille Kundry, vieillie mais apaisée aussi, comme en témoigne sa chevelure blanche. Pas de surprise non plus à voir arriver Parsifal, non pas en armure, mais en sweat à capuche.
Les ouvriers-choristes, aussi agressifs que fatigués, s’en prennent à Amfortas et Gurnemanz avec une rare violence. Après avoir guéri la plaie avec la lance, Parsifal brise le Graal/Cobalt au sol, dans un geste très désinvolte qui rappelle le « fol » qu’il est, tout en mettant fin à un culte qu’il juge dépassé.
Une fois n’est pas coutume, Kundry survit, et finit main dans la main avec Parsifal dans le bassin jaunâtre…
Et comme tout le monde est sauvé – et pour boucler la boucle –, Gurnemanz retrouve sa double de Kundry muette : ils finiront ensemble, car désormais tout est possible !

Et la musique ?

On ne présente plus le Parsifal d’Andreas Schager, qu’il chante depuis près de quinze ans, spécifiquement à Bayreuth ces derniers années où il est en devenu dépositaire sinon titulaire. Il est un héraut idéal dans la production de J. Scheib. Car tout assagi qu’il est, il n’en demeure pas moins vaillant et généreux. Il ne faiblira à aucun moment. Il était Tristan la veille dans une représentation non moins généreuse… Il sera Tristan à nouveau le lendemain et Parsifal le surlendemain pour clore le festival. On peut s’interroger sur ce calendrier à marche forcée : à force de prouesses, ne risque-t-on pas de diluer l’essence même de la performance et d’en faire une mécanique d’endurance ?…
Georg Zeppenfeld n’est pas un Gurnemanz, il est Gurnemanz. A fortiori ici, sur la colline sacrée : il est le « chouchou » de Bayreuth et c’est ô combien mérité. Ligne de chant d’une rare intelligence, diction parfaite et cisèlement de chaque mot à bon escient. Sans oublier une maîtrise totale du parlé-chanté. La voix est posée, clairement projetée : il nous livre un acte III d’une grande classe.
La mezzo-soprano lettonne Elīna Garanca  incarne à nouveau Kundry, à la suite d’Ekaterina Gubanova. Elle déclarait en interview il y a quelque temps : « « Chanter un jour Kundry ou Brangäne à Bayreuth serait comme un rêve absolu devenu réalité… » Présence scénique indéniable, d’abord mystérieuse et effacée au I, puis charmeuse et corruptrice au II. Ses aigus dans l’acte II et dans la scène de la séduction font preuve d’une pureté incisive, marquant l’audience et les esprits. On aurait malgré tout souhaité une pointe de relief supplémentaire dans son interprétation globale, plus de sauvagerie, d’abandon émotionnel et de piquant !
Quelle chance que d’écouter Michael Volle ! Nouvel arrivant dans le cast cette année, il nous offre une puissante et émouvante  interprétation d’Amfortas, tant par la noblesse de son chant que son intelligence du texte. Il est bien plus en forme ce soir que lors la retransmission radio de juillet où il paraissait quelque peu fatigué. Ses « Erbarmen » du 1er acte sont déchirants d’humanité. À l’instar de Zeppenfeld, son acte III sera sublime. Un triomphe.
Son pendant maléfique, Klingsor, est Jordan Shanahan (également Kurwenal dans Tristan et Fritz dans Les Maîtres cette année). Timbre sonore, lyrique, lui aussi doté d’une diction impeccable. Moins noire et moins sombre que celle du Klingsor habituel, sa voix est chaude et son phrasé idéal. Ajoutons à cela une aisance et un talent de comédien dans une performance brève mais pas dénuée d’audace : talons hauts roses, déhanchements, simulations sexuelles… Le baryton Hawaïen est sans conteste un coup de cœur dans les spectacles proposés cette année : présence scénique, excellent sens du jeu… et déjà, dans la voix, un Wotan en puissance (qu’il sera d’ailleurs la saison prochaine à Cologne). Un grand chanteur wagnérien à venir et peut-être un futur habitué des lieux…
Le Titurel de Tobias Kehrer fait preuve de puissance et de présence également car à la faveur de la découverte du Graal, on le verra largement rajeunir et retrouver force et vigueur. Une transformation scénique assez inhabituelle.
L’interprétation des filles fleurs est solide. On retiendra les prestations singulières de Victoria Randem et Marie-Henriette Reinhold (cette dernière particulièrement brillante dans l’Altsolo concluant le 1er acte).

Les chœurs , préparé avec précision par Thomas Eitler de Lint, frôlent l’extase mystique, insufflant une profondeur contemplative à l’ensemble. Ils se montrent plus homogènes et convaincants que pour Les Maitres.

À la baguette, Pablo Heras-Casado, qui reprendra le Ring post-cent cinquantenaire, signe une direction saluée avec enthousiasme. Trois ans après avoir pris les rênes de ce Parsifal, il impose une lecture claire et équilibrée, attentive à ses chanteurs. Si son Rheingold parisien avait divisé, cette prestation dissipe bien des doutes. Pourtant, malgré une maîtrise indéniable, on regrette un léger manque de singularité : tantôt trop rapide, tantôt trop lente, la direction peine à trouver une couleur propre. Le plaisir reste intact, mais l’on attend de ce chef une empreinte plus personnelle pour marquer durablement les esprits.

Musicalement, la production brille par une distribution d’exception et une direction équilibrée de Pablo Heras-Casado, mais la mise en scène, inspirée des ravages environnementaux, peine à transcender la technologie AR pour toucher à l’essence même de Parsifal. Un spectacle ambitieux, qui honore Bayreuth et sa directrice par son audace, mais il est encore trop tôt pour que la réalité augmentée se transforme en valeur ajoutée.

Les artistes

Amfortas : Michael Volle
Titurel : Tobias Kehrer
Gurnemanz : Georg Zeppenfeld
Parsifal : Andreas Schager
Klingsor : Jordan Shanahan
Kundry : Elīna Garanča
Chevalier du Graal 1 : Daniel Jenz
Chevalier du Graal 2 : Tijl Faveyts
Ecuyer 1 : Lavinia Dames
Ecuyer 2 : Margaret Plummer
Ecuyer 3 : Gideon Poppe
Ecuyer 4 : Matthew Newlin
Les Filles Fleurs : Evelin Novak, Catalina Bertucci, Margaret Plummer, Victoria Randem, Lavinia Dames, Marie Henriette Reinhold

Altsolo : Marie Henriette Reinhold

Direction musicale : Pablo Heras-Casado
Chef de choeur : Thomas Eitler-de Lint

Mise en scène : Jay Scheib
Décors : Mimi Lien
Costumes : Meentje Nielsen
Lumières : Rainer Casper
Vidéo : Joshua Higgason
Dramaturgie : Marlene Schleicher

Le programme

Parsifal

Festival scénique sacré en trois actes de Richard Wagner, créé le 26 juillet 1882 à Bayreuth.
Festival de Bayreuth, représentation du dimanche 24 août 2025

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Jay ScheibJordan ShanahanPablo Heras-CasadoGeorg ZeppenfeldMichael VolleElina GarancaAndreas Schager
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Aurélie Mazenq

Tombée depuis seulement quelques années dans la potion magique de l'art lyrique, Aurélie n'a, depuis lors, de cesse de rattraper le temps perdu en sillonnant les plaques-tournantes de l'Europe opératique... à la recherche des grandes voix de demain tout en se consolant par une collection impressionnante de vinyles de ne pas avoir pu entendre celles d'hier voire d'avant-hier...

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