Rigoletto, Opéra Bastille, 21 mai 2025
Retour sur l’interprétation de George Gagnidze
Le soir du 10 mai dernier, à la première de cette seconde série de représentations du chef-d’œuvre verdien, George Gagnidze, qui interprète Rigoletto, avait fait annoncer, avant la reprise de l’acte II, qu’il était souffrant mais qu’il souhaitait néanmoins mener à bout la représentation. Nous avons eu la chance de le réentendre dans des conditions optimales et il nous semble donc opportun de lui rendre entièrement justice. Ne revenons alors pas sur le reste de la distribution, dans l’ensemble égale à elle-même. Focalisons-nous pendant un instant sur le héros.
Dès l’introduction, la projection de l’interprète est franche, son timbre s’assombrissant à souhait dans le duettino avec Sparafucile, comme il se doit. La méditation qui s’ensuit se distingue par un phrasé de haut vol, avant de s’épanouir dans l’aigu, en guise de démenti de la folie du pressentiment qui déjà le taraude. Expressif dans le premier duo avec sa fille, il connaît toutes les nuances de l’inquiétude, lorsqu’il s’en remet aux bons soins de Giovanna, notamment dans la réitération de la strette (« Veglia, o donna, questo fiore »). Extrêmement articulé, son cri de désespoir ne sera que plus déchirant au finale I, après avoir constaté la mystification dont il a été la cible.
À l’acte II, l’invective à l’adresse des courtisans donne libre cours à l’éclat de la menace, sans cependant renoncer à la variation des teintes dès que le personnage évoque la malheureuse, puis dans la supplique, enfin quand il chasse ses acolytes. Ses retrouvailles avec la jeune fille, désormais abusée, se singularisent par un savant dosage entre défi et consolation, la vendetta de l’allegro étant d’abord murmurée, avant de s’éclore dans toute son indignation.
Le ton se faisant à nouveau combattif lors du quatuor mené par le duc (« Bella figlia dell’amore »), le désarroi du père doublement berné se nourrit d’un art exemplaire du declamato, malgré une légère baisse de spontanéité à la découverte du corps mourant de la victime.
Dmitry Korchak campe un duc de plus en plus vaillant, sans les minimes hésitations que nous avions relevées le 10 mai. Slávka Zamečníková est toujours aux anges. Tandis qu’Andrea Battistoni confirme sa maestria à la baguette : quel sublime martellement obsédant des cordes à la reprise de « Caro nome che il mio cor », à l’entrée des comploteurs…
Pour l’information, contrairement à ce qui avait été indiqué dans le flyer de la distribution de la première – et à ce que nous avions ici même renseigné –, c’est bien Alessandro Di Stefano, et non Ching-Lien Wu, qui dirige le chœur, excellent à tout moment.
Ovation bien méritée de la part du public.
Rigoletto : George Gagnidze
Gilda : Slávka Zamečníková
Il Duca di Mantova : Dmitry Korchak
Sparafucile : Alexander Tsymbalyuk
Maddalena : Justina Gringytė
Il Conte di Monterone : Daniel Giulianini
Giovanna : Seray Pinar
Marullo : Florent Mbia
Matteo Borsa : Manase Latu
Il Conte di Ceprano : Amin Ahangaran
La Contessa : Teona Todua
Paggio della Duchessa : Sofia Anisimova
Double de Rigoletto : Henri Bernard Guizirian
Orchestre et Chœurs de l’Opéra national de Paris, dir. Andrea Battistoni et Alessandro Di Stefano
Mise en scène : Claus Guth
Décors et costumes : Christian Schmidt
Lumières : Olaf Winter
Vidéo : Andi A. Müller
Chorégraphie : Teresa Rotemberg
Dramaturgie : Konrad Kuhn
Rigoletto
Melodramma en trois actes de Giuseppe Verdi, livret de Francesco Maria Piave, créé au Teatro La Fenice de Venise le 11 mars 1851.
Opéra national de Paris Bastille, représentation du mercredi 21 mai 2025.