Liparit Avetisyan, ténor
Kaunas City Symphony Orchestra, dir. Constantine Orbelian
Beloved Arias
G. DONIZETTI
– L’elisir d’amore (II, 7), « Una furtiva lagrima » (Nemorino)
– Lucia di Lammermoor (II, II, 7), « Tombe degli avi miei / Fra poco a me ricovero » (Edgardo)
G. VERDI
– La traviata (II, 1), « Lunge da lei per me non v’ha diletto / De’ miei bollenti spiriti / Oh mio rimorso! Oh infamia! » (Alfredo)
– Rigoletto (II, 1), « Ella mi fu rapita! / Parmi veder le lagrime » (Duca di Mantova)
– Rigoletto (III, 2), « La donna è mobile » (Duca di Mantova)
G. PUCCINI
– La Bohème (I), « Che gelida manina! » (Rodolfo)
Ch. GOUNOD
– Faust (III, 4), « Quel trouble inconnu me pénètre ! / Salut ! demeure chaste et pure » (Faust)
J. MASSENET
– Manon (III, II, 3), « Je suis seul ! // Ah ! fuyez, douce image… » (Des Grieux)
P.I. TCHAÏKOVSKI
– Eugène Onéguine (II, 2), « Kuda, Kuda, vi udalilis » (Lenski)
– Iolanta (II, 6), « Net! Chary lask krasy » (Vaudémont)
SAYAT-NOVA
– Qamancha
1 CD Delos-Outhere Music, 2025. Enregistré au Kaunas State Philarmonic, en du 27 au 30 mai 2023. Notice de présentation en anglais. Durée totale : 56:03

Mes airs bien-aimés : un superbe album en forme de bilan de dix ans de carrière… et de carte de visite pour l’avenir !
Ce premier album solo de Liparit Avetisyan s’affiche aussi bien comme le bilan d’une dizaine d’années de carrière – même s’il a été enregistré il y a un peu plus de deux ans – que comme une carte de visite pour les prochains défis. Beloved Arias, airs bien-aimés, assurément, puisque tous les rôles choisis font partie des incarnations scéniques du ténor arménien, désormais la coqueluche des plus grandes salles internationales.
Conçu de manière très équilibrée, le programme puise ses extraits à la fois dans l’opéra italien, français et russe, à savoir les trois piliers du répertoire de cet excellent artiste. La part du lion est néanmoins réservée aux compositeurs transalpins dont sont interprétés cinq titres de trois auteurs pour un total de six plages sur dix, les deux autres domaines étant représentés par deux ouvrages chacun. À l’exception de la succession entre La traviata et Rigoletto, par ailleurs très proches dans leur conception, un ordre strictement chronologique détermine l’agencement des morceaux au sein des trois langues proposées.
Le fait que l’enregistrement commence par la romanza de Nemorino n’est sûrement pas un hasard, le programme s’étalant par la suite sur une soixantaine d’années, de Donizetti à Puccini, en passant par Verdi. Presque murmurées, abordées tout en douceur, les considérations du jeune amoureux accrochent aussitôt l’oreille par une morbidezza très prometteuse pour la suite du concert et se distinguent d’emblée par une élocution impressionnante et une courbe ascendante des plus séduisantes. L’aria d’Edgardo renouvelle la richesse du phrasé dans le récitatif, de même que la cantabile, très intense, s’épanouit dans un engagement dramatique grandement servi par la fréquentation de la scène.
Enjôleur dans son récitatif, Alfredo déploie un andante élégiaque, avant un allegro tout aussi aguichant, couronné par un aigu volontairement couvert. Très concerné, le récitatif presque crié du Duc de Mantoue alterne désespoir et résolution dans son propos de vengeance, devant nourrir un cantabile aux variations chromatiques époustouflantes, notamment dans les modulations piano. Comme déjà le finale de Lucia di Lammermoor, ce dernier n’est malheureusement pas suivi de sa cabalette. Nous retrouvons des intonations similaires dans la bravade de ce même personnage, presque trop élégante pour le contexte qui l’entoure. Le public français parisien se souviendra de cette caractérisation du héros dans les glorieuses représentations de Rigoletto à la Côte Saint-André en août 2022, puis à l’Opéra Bastille en décembre 2024.
Parfaitement articulée, la présentation de Rodolfo se singularise par un legato d’exception, malgré une tendance à ouvrir un peu trop les voyelles, pouvant légèrement perturber l’intimité du moment.
Côté français, si la diction se fait peut-être moins spontanée, effleurant par moments l’artifice, la cavatine de Faust ne sonne cependant pas moins radieuse, alors que le chant sfumato de Des Grieux relaie à son tour l’angoisse de l’abbé dans un andante sur le souffle.
Très intériorisé, l’air de Lenski conjugue la tristesse des adieux à la vie et la sensualité de l’évocation de son amour impérissable pour Olga. Bonheur que confirme la romance de Vaudémont, rayonnante de par la longueur de la ligne, tout particulièrement vers le haut du registre.
En guise de bis, l’hymne au kamânche de Sayat-Nova, poète, compositeur et prêtre arménien du XVIIIe siècle, troubadour à ses jours, clôt ce bel itinéraire sur un ton épique et passionné que soutient également la richesse de l’orchestration.
Constantine Orbelian dirige consciencieusement un Kaunas City Symphony Orchestra qui accomplit à la perfection sa tâche de seconder le chanteur.