À la une
Diva ma non troppo : le public du festival de Froville...
Dans le labyrinthe des opéras de RIMSKI-KORSAKOV
À Rouen, SEMIRAMIDE au pays des vampires
Job, le procès de Dieu : création d’un opéra engagé et...
Festival du Haut-Limousin « Par les soirs bleus d’été »
La traviata à Tours : Violetta, prenez soin de vous !
Brèves de juin –
Découvrez la saison 25-26 de l’Opéra Orchestre national Montpellier Occitanie
Il barbiere di Siviglia revient à l’Opéra Bastille dans la...
Dernière saison d’Alain Surrans à ANGERS-NANTES OPERA
  • Accueil
  • À Voir
  • Avant-concerts
  • Vu pour vous
  • Artistes
  • Œuvres
  • Médiathèque
  • Humeurs
Première Loge

Pour ne rien manquer de l'actualité lyrique, restons en contact !

AutresArtistes

Dans les rues de Martina Franca avec les artistes du festival

par Stéphane Lelièvre 12 juillet 2019
par Stéphane Lelièvre 12 juillet 2019
0 commentaires 1FacebookTwitterPinterestEmail
1,4K

Martina Franca déroule ses ruelles inondées de soleil dans la région des Pouilles, si riche en culture (Lecce, Mantera, Ostuni, Otrante,Tarente, Alberobello, Gallipoli ne sont pas loin) … et en plages magnifiques ! Depuis 1975 y a lieu le Festival de la Vallée d’Itria, qui fête cette année sa 75e édition. À cette occasion, Alberto Triola, le directeur du festival, le baryton Vittorio Prato – qui chante le Comte Robinson dans Il Matrimonio segreto – et le chef Michele Spotti – qui dirige ce même opéra – nous ont fait l’honneur et le plaisir d’une interview croisée, dans un petit café donnant directement sur le Palais Ducal dans la cour duquel sont représentés les opéras.

Nicola Manfroce (1791-1813), le compositeur d’Ecuba

Comme chaque année, le festival propose de (re)découvrir des œuvres peu connues.
Alberto Triola : C’est la spécificité de ce festival que de sortir des sentiers battus. Cette année, nous proposons notamment Il Matrimonio segreto, qui n’est guère plus joué en Italie qu’ailleurs en Europe ou dans le monde, Coscoletto d’Offenbach (c’est la création de l’œuvre en Italie), Orfeo de Porpora (en réalité un pasticcio comportant également des pages musicales signées Leonardo Vinci, Francesco Araia, ou Johann Adolf Hasse), ou encore Ecuba, une rareté absolue composée par Nicola Manfroce (1791-1813), un prodige mort à 23 ans seulement ! C’est l’impresario Barbaja qui a passé commande de cet opéra à Manfroce pour l’ouverture du San Carlo. C’était l’époque des campagnes napoléoniennes en Europe, et l’intérêt se portait sur l’esthétique et les thèmes 

classiques, d’où le choix du personnage d’Hécube pour cet opéra. L’objectif de Barbaja était de faire entendre au public un nouveau style d’opéra, plus proche de la tragédie lyrique que du bel canto classique. De fait, dans la partition, il n’y a guère de place pour la virtuosité ou l’hédonisme musical ! L’important pour Manfroce résidait plus dans la structure générale de l’œuvre, musicale et dramatique. L’orchestre y est un personnage à part entière. L’opéra s’achève d’ailleurs par une page purement orchestrale de trois minutes, décrivant le chute de Troie. C’est une œuvre étrange, vraiment unique dans le paysage musical de l’époque.

Comment choisissez-vous les distributions pour rendre justice à ces œuvres peu connues ?
Alberto Triola : Ces opéra sont défendus par certains chanteurs reconnus (Carmelia Remigio dans Hécube, Vittorio Prato dans Le Mariage secret), mais aussi par des interprètes (chanteurs, chefs) parfois encore peu connus mais très talentueux et qui ont toutes les chances de devenir les vedettes de demain. Pour la distribution de Coscoletto, nous avons ainsi choisi des élèves de l’Accademia del Belcanto « Rodolfo Celletti ».

Une distribution qui vous a causé quelques frayeurs concernant le rôle-titre !
Alberto Triola : 
Effectivement, la chanteuse initialement prévue en Coscoletto a dû renoncer à chanter deux jours avant la première. Heureusement, Michela Antenucci a accepté de la remplacer. N’ayant pas eu le temps d’apprendre parfaitement le rôle et la mise en scène, elle chante depuis la fosse d’orchestre et est remplacée sur scène par l’acteur Davide Gagliardini. Heureusement, cet acteur est aussi l’assistant metteur en scène du spectacle, il connaît donc bien l’œuvre, le livret, la musique et la mise en scène, ce qui a facilité les choses et lui permet notamment de faire un play back convaincant !

Vittorio Prato, Don Giovanni à Beijing

Vittorio Prato, parlez-nous de votre rôle dans Le Mariage secret et de la façn dont vous l’abordez. On imagine souvent un Comte Robinson plutôt âgé…
Vittorio Prato : C’est vrai, mais rien n’empêche d’en faire un aristocrate jeune, l’essentiel résidant dans le fait qu’il soit ruiné et vénal. C’est d’ailleurs ainsi qu’on peut expliquer son revirement final : après avoir clamé pendant tout l’opéra qu’il préférerait épouser la sœur cadette, il se décide

Francesco Benucci (vers 1745-1824), le créateur de Figaro et du Comte Robinson

pour l’aînée, peut-être, comme il le dit lui-même parce qu’il aime sincèrement la cadette et ne veut pas s’opposer aux sentiments qu’elle éprouve pour Paolino ;  mais aussi tout simplement… parce qu’elle est déjà mariée et qu’il obtiendra une dot plus importante en épousant Elisetta !

Vocalement, quelle est la spécificité de ce rôle ?
Vittorio Prato : L’écriture de Cimarosa présente les mêmes caractéristiques et demande les mêmes qualités que celles déployées dans Rossini et surtout Mozart. Mon rôle a été créé par Francesco Benucci qui fut le premier Figaro, et Dorotea Bussani, créatrice de Fidalma, fut également le premier Chérubin et la première Despina de Mozart !

Effectivement, on dit toujours que Le Mariage secret évoque ces deux compositeurs…
Michele Spotti : Difficile de ne pas penser aux Noces de Figaro et au duo Suzanne/Figaro en entendant celui entre Paolino et Carolina, au tout début de l’œuvre !

Idem pour l’arrivée du Comte à la fin du deuxième acte !
Michele Spotti : Exactement ! Nous nous sommes demandé, avec Vittorio, pourquoi cette œuvre n’était pas devenue une œuvre de répertoire. La raison tient peut-être à sa longueur. Il Matrimonio n’a pas la perfection formelle des grands Mozart. Il y a parfois des lenteurs, des morceaux peu utiles sur le plan dramatique, des redondances. Avec le maestro Pizzi, nous avons procédé à quelques coupures, de façon à obtenir, nous l’espérons du moins, une œuvre adaptée au public de 2019. La version que nous proposons dure 2h30.

Cenerentola n’est jamais très loin non plus…
Michele Spotti : Bien sûr… La rivalité entre les deux sœurs notamment rappelle celle entre Angelina, Clorinde et Thisbé !

Vittorio Prato : Et Geronimo n’est pas sans annoncer Don Magnifico, tout comme Robinson préfigure  Dandini, dans sa façon de tromper les gens. Lorsqu’il énumère à Elisetta ses défauts, supposés ou réels, afin qu’elle se détourne de lui, on pense au duo avec Magnifico dans lequel il avoue qu’il n’est pas le Prince mais n’est qu’un simple valet.

Michele Spotti : Au niveau de l’orchestre, les liens avec Rossini sont tout aussi évidents. La folie qui s’empare des personnages au finale de l’acte I est même plus difficile encore à réussir que celle qui frappe ceux de Cenerentola ou du Barbier, toujours dans les finales du premier acte. L’équilibre y est peut-être encore plus difficile à obtenir et à conserver ! Il y faut tout à la fois la brillance mozartienne et la précision mozartienne. Et en même temps, il y a plusieurs éléments qui préfigurent déjà une certaine forme de romantisme…

Vittorio Prato : Il faut garder à l’esprit le fait que Mozart, comme tant d’autres, a fait le « voyage en Italie » et s’est plus ou moins approprié les couleurs, le style, l’esthétique de la musique qu’il y avait entendue, à Naples notamment.

Michele Spotti, c’est votre première participation au festival de Martina Franca ?
Michele Spotti : Oui et j’en suis absolument ravi. Les conditions de travail et l’atmosphère qui y règne sont excellentes. Nous avons pu notamment répéter longtemps, c’était important pour moi : l’acoustique de la cour du palais ducal a cette particularité de rendre le son de l’orchestre un peu mat, et j’ai demandé aux musiciens (notamment aux cordes) d’être extrêmement incisifs, 

© D.R.

de travailler la brillance du son, bien plus qu’ils ne le font d’habitude, afin de ne rien perdre de la précision et de la clarté de l’écriture de Cimarosa. Ils ont beaucoup travaillé ce point et ont obtenu maintenant, me semble-t-il, un résultat pleinement satisfaisant !

Il Matrimonio segreto est un dramma giocoso. En France, on vous entend beaucoup également dans le répertoire bouffe : cette saison vous avez par exemple dirigé, entre autres œuvres, Don Pasquale ou Barbe-Bleue. Est-ce un choix ? Le hasard ?
Michele Spotti : C’est le hasard des propositions qui me sont faites, même si je suis très heureux de diriger ces œuvres ! Mon élément naturel serait plutôt Verdi, et je suis d’ailleurs très content qu’on m’ait confié Rigoletto pour la saison prochaine à Lyon. Je tiens également à diriger régulièrement le répertoire symphonique…

Vous dirigez régulièrement en France…
Michele Spotti : J’ai eu effectivement la chance d’avoir plusieurs propositions très intéressantes en France. Je vais beaucoup travailler à Hanovre dans les temps qui viennent, mais j’espère bien pouvoir continuer à faire régulièrement des concerts dans votre pays !

Alberto Triola, vous parlez de la jeune génération d’artistes qui se produisent à Martina Franca, mais Pier Luigi Pizzi est également présent cette année : il signe deux mises en scène, celle du Mariage secret et celle d’Hécube.
Alberto Triola : Cette rencontre de deux générations d’artistes est merveilleuse et très fructueuse.

Nous avons fait une photo de Pier Luigi Pizzi avec Michele Spotti, qui la symbolise parfaitement – et qui symbolise même l’esprit du festival.

La mise en scène de Pizzi pour Le Mariage secret est d’une fraîcheur et d’une jeunesse surprenantes !
Alberto Triola : Tout à fait ! Pier Luigi Pizzi a proposé une scénographie identique pour Il Matrimonio segreto et Ecuba. Pourtant, il propose deux mises en scène et deux spectacles en tout point différents !
Le décor et les costumes sont modernes… La mise en scène cependant respecte parfaitement les livrets et la musique des œuvres.

Vittorio Prato : Pier Luigi Pizzi a prévenu tout de suite qu’il ne souhaitait ni taffetas, ni robes à panier ! Pour me mettre dans les conditions de l’époque de Cimarosa, j’ai pu voir heureusement à la National Gallery, quelques semaines avant les représentations, la série des six tableaux de Hogarth : le  Mariage à la mode !

Michele Spotti : Les décors et costumes sont contemporains, mais la mise en scène est classique. On pourrait peut-être la qualifier de « néo-classique ». Mais classique ne signifie pas statique : tout est extrêmement vivant, animé, logique, et très agréable à l’œil. Travailler avec Pier Luigi Pizzi est non seulement très agréable, mais enrichissant : il me donne des conseils, non pas musicaux, mais théâtraux : il me fait part de son interprétation dramatique de telle page, et c’est à moi d’en trouver l’équivalent musical. C’est très beau de travailler ainsi, par un enrichissement et un respect mutuels.

William Hogarth, Le Mariage à la mode (Londre, National Gallery) ; Le Mariage secret selon Pier Luigi Pizzi

Le Festival de Martina Franca se distingue par ses choix musicologiques exigeants, qui transparaissent jusque dans le magnifique programme, contenant de nombreuses analyses passionnantes. Il y a cette année une unité thématique et une cohérence dans la programmation très fortes… En sera-t-il de même l’an prochain ?

Alberto Triola : Cette année, nous avons construit la programmation autour de Naples : Cimarosa est né à Aversa (dans le royaume de Naples),  Nicola Manfroce était actif à Naples,  Coscoletto se déroule au pied du Vésuve ! Quant aux oeuvres programmées pour l’édition 2020, on peut déjà en prendre connaissance sur le site du festival !

 

Interview réalisée par Stéphane Lelièvre en juillet 2019

image_printImprimer
Vittorio PratoMartina FrancaMichele SpottiLe Mariage Secret
0 commentaires 1 FacebookTwitterPinterestEmail
Stéphane Lelièvre

Stéphane Lelièvre est maître de conférences en littérature comparée, responsable de l’équipe « Littérature et Musique » du Centre de Recherche en Littérature Comparée de la Faculté des Lettres de Sorbonne-Université. Il a publié plusieurs ouvrages et articles dans des revues comparatistes ou musicologiques et collabore fréquemment avec divers opéras pour la rédaction de programmes de salle (Opéra national de Paris, Opéra-Comique, Opéra national du Rhin,...) Il est co-fondateur et rédacteur en chef de Première Loge.

Laisser un commentaire Annuler la réponse

Sauvegarder mes informations pour la prochaine fois.

This site uses Akismet to reduce spam. Learn how your comment data is processed.

post précédent
AVIGNON – Opéra
prochain post
Le festival de Martina Franca redonne vie au rare Coscoletto d’Offenbach

Vous allez aussi aimer...

Dans le labyrinthe des opéras de RIMSKI-KORSAKOV

14 juin 2025

GEORGE GAGNIDZE : « J’aborde Verdi avec vénération et...

5 juin 2025

GEORGE GAGNIDZE : « Mi accosto a Verdi con...

5 juin 2025

Il aurait 100 ans aujourd’hui : DIETRICH FISCHER-DIESKAU

28 mai 2025

Il aurait 100 ans aujourd’hui : JAMES KING

22 mai 2025

Ça s’est passé il y a 100 ANS :...

21 mai 2025

Elle aurait 100 ans aujourd’hui : PATRICE MUNSEL

14 mai 2025

Ça s’est passé il y a 200 ANS :...

7 mai 2025

In memoriam – ALBERTO MASTROMARINO

4 mai 2025

In memoriam – PIERRE AUDI (1957-2025)

4 mai 2025

En bref

  • Brèves de mai –

    30 mai 2025
  • Les brèves de mars –

    14 mars 2025
  • Les brèves de février

    25 février 2025
  • Sauvons l’Avant-Scène Opéra !

    18 février 2025
  • L’Avant-Scène Opéra, c’est fini…

    7 février 2025

Humeurs

  • Les années 2020 : sombre époque pour les arts, la culture, l’humanisme…

    5 mars 2025

Édito

  • Les années 2020 : sombre époque pour les arts, la culture, l’humanisme…

    5 mars 2025

La vidéo du mois

PODCASTS

PREMIÈRE LOGE, l’art lyrique dans un fauteuil · Adriana Gonzàlez & Iñaki Encina Oyón – Mélodies Dussaut & Covatti

Suivez-nous…

Suivez-nous…

Commentaires récents

  • cecile PABA ROLLAND dans Il trovatore à Marseille : Le chant de l’Extrémo
  • Stéphane Lelièvre dans À Bruxelles, nouvel échec pour la thérapie de Don José ; nouveau succès pour la Carmen de Tcherniakov !
  • Alessandro dans À Bruxelles, nouvel échec pour la thérapie de Don José ; nouveau succès pour la Carmen de Tcherniakov !
  • antonio meneghello dans GEORGE GAGNIDZE : « Mi accosto a Verdi con la massima venerazione e rispetto… »
  • Giancarlo Arnaboldi dans Berliner Philharmoniker: memorabile Madama Butterfly di Kirill Petrenko, Eleonora Buratto e Jonathan Tetelman

Première loge

Facebook Twitter Linkedin Youtube Email Soundcloud

Keep me signed in until I sign out

Forgot your password?

Login/Register

Keep me signed in until I sign out

Forgot your password?

Rechercher

Archives

  • Facebook
  • Twitter
  • Youtube
  • Email
Première Loge
  • Accueil
  • À Voir
  • Avant-concerts
  • Vu pour vous
  • Artistes
  • Œuvres
  • Médiathèque
  • Humeurs

A découvrirx

Dans le labyrinthe des opéras de...

14 juin 2025

GEORGE GAGNIDZE : « J’aborde Verdi avec...

5 juin 2025

GEORGE GAGNIDZE : « Mi accosto a...

5 juin 2025