Tosca, Opéra Bastille, 23 novembre 2025
Curieusement, cette représentation marque les débuts parisiens de Roberto Alagna dans le rôle de Mario Cavaradossi
Ce sixième cycle de représentations de Tosca dans la production de Pierre Audi se veut un hommage au metteur en scène disparu en mai dernier. Ayant été proposée tous les deux ans depuis sa création de l’automne 2014, elle ne demande pas à ce que l’on s’attarde outre mesure sur une conception bien connue du public, devenue depuis un classique de la maison. Nous en avions d’ailleurs déjà rendu compte en juin 2021, lors de la réouverture de l’après-covid.
Penchons-nous donc sur une distribution qui marque notamment les débuts de Roberto Alagna dans le rôle de Mario Cavaradossi à l’Opéra de Paris. Curieusement, bien que notre ténor national ait abordé le personnage dans les plus grands théâtres de la planète, il ne l’avait jamais chanté sur la première scène lyrique hexagonale. Programmé pour mai 2021, il avait dû y renoncer pour cause de pandémie. C’est désormais chose faite !!! Après presque quarante ans de carrière, l’interprète affiche une allure de jeune premier et une santé vocale à toute épreuve. C’est ainsi que, dès son air de présentation, il fait état d’un phrasé d’exception et d’un accent lumineux. Et si la projection peut par moments paraître quelque peu appuyée, elle est certaine et sans hésitations, singulièrement dans un crescendo enivrant vers le haut du registre. À l’acte II, son cri de victoire, au legato magistral, ne saurait taire le drame qui se dessine à ses dépens. Son dernier hymne à la vie, dans l’épilogue, dépeint sa passion dans une palette chromatique très variée, soutenue par un contrôle du souffle unique. La claque des fans est toujours là, prête à l’ovationner à tout moment. Est-ce vraiment nécessaire ? La prestation de ce grand chanteur n’a nullement besoin de démonstrations outrancières pour s’affirmer : elle s’impose d’elle-même…
Solaire dans le duo de Sant’Andrea della Valle, il donne la réplique à une Saioa Hernández qui, en septembre 2022, avait ici même triomphé dans le rôle de la cantatrice jalouse. Hantée par le souvenir de Montserrat Caballé, la soprano espagnole se réfère constamment au modèle de son illustre devancière, plus par le jeu scénique et par la mimique que par l’interprétation vocale, malgré un timbre qui, sans être ingrat, n’atteint pas la même souplesse. Légèrement voilée à son apparition, son intonation s’affirme très rapidement par l’ampleur du volume qui vient pallier une articulation pas toujours à son zénith et une présence scénique assez gauche au démarrage. En dépit d’une puissance considérable, la prière de l’acte II se distingue par une légèreté et une candeur singulières qui siéent davantage à la femme pieuse qu’à la diva. Les dernières retrouvailles avec son amant se résolvent surtout dans la volupté étincelante de l’aigu, en contrepoids du velours des modulations de son Cavaradossi, pour une interprétation résolument plus convaincante que sa récente Aida sur ces mêmes planches.
Déjà son partenaire en 2022, Alexei Markov incarne un Scarpia mielleux et insinuant à souhait. Dès ses premières notes, son soin de la ligne et de l’élocution donne corps à un baron très élégant, peut-être même trop élégant pour un tortionnaire. Le défi avec Tosca tourne aussitôt à l’affrontement et le « Te Deum », extrêmement intense et inquiétant à la fois, se caractérise par la justesse du propos. La noirceur du personnage prend tout son relief dans l’arioso de l’acte II, tout particulièrement par la variation des teintes et la maîtrise des transitions. La grande scène du conflit qui l’oppose à l’héroïne étant dès lors un pur moment de théâtre.
Angelotti idiomatique, Amin Ahangaran crée, de par son beau grave, un joli contraste avec l’éclat du Mario de Roberto Alagna. Sacristain de tradition, André Heyboer est caricatural à satiété, comme cela convient au rôle. Malgré quelques limites dans la partie haute du registre, Carlo Bosi est un Spoletta toujours bien campé. Une mention particulière pour le berger très juste d’Aloys Bardelot-Sibold et pour le chœur de la Maîtrise de Fontainebleau.
Oskana Lyniv dirige avec compétence l’Orchestre de l’Opéra national de Paris sans jamais mettre en difficulté les chanteurs. Beau dialogue entre les vents et les cordes dans l’andante sostenuto d’introduction à l’acte III.
Accueil enthousiaste du public pour les trois interprètes principaux et pour l’ensemble de la production.
Floria Tosca : Saioa Hernández
Mario Cavaradossi : Roberto Alagna
Il Barone Scarpia : Alexei Markov
Cesare Angelotti : Amin Ahangaran
Il Sagrestano : André Heyboer
Spoletta : Carlo Bosi
Sciarrone ; Florent Mbia
Un carceriere : Bernard Arrieta
Un pastore : Aloys Bardelot-Sibold
Orchestre et Chœurs de l’Opéra national de Paris/Maîtrise de Fontainebleau, dir. Oskana Lyniv, Ching-Lien Wu et Astryd Cottet
Mise en scène : Pierre Audi
Décors : Christof Hetzer
Costumes : Robby Duiveman
Lumières : Jean Kalman
Dramaturgie : Klaus Bertisch
Tosca
Melodramma en trois actes de Giacomo Puccini, livret de Giuseppe Giacosa et Luigi Illica d’après Victorien Sardou, créé au Teatro Costanzi de Rome le 14 janvier 1900.
Paris, Opéra Bastille, représentation du dimanche 23 novembre 2025.

