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Les festivals de l’été –
Lisbonne – JULIE de Boesmans : cauchemar en cuisine

par Pierre Brévignon 9 septembre 2025
par Pierre Brévignon 9 septembre 2025

© Susana Paiva

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© Irmin Kerck

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À Lisbonne, un trio vocal en état de grâce défend avec ferveur la musique de Boesmans

Tout vient à point à qui sait attendre ! Deux décennies après sa création à la Monnaie de Bruxelles, le Julie de Philippe Boesmans rencontrait cet été le public portugais pour sa création nationale au centre Culturgest de Lisbonne, dans le cadre du dynamique OperaFest Lisboa. Rendez-vous tardif, donc – mais patience largement récompensée.

Pour son avant-dernière collaboration avec le couple de librettistes Luc Bondy-Marie-Louise Bischofsberger après Reigen (Schnitzler), Wintermächen (Shakespeare) et avant Yvonne, princesse de Bourgogne (Gombrowicz), le compositeur belge adapte ici Mademoiselle Julie de Strindberg, pièce emblématique du kammerdrama nordique de la fin du XIXe siècle. L’argument mêle combat des sexes, réflexion sur les assignations sociales et le poids des conventions morales : alors que la fête bat son plein dans le château du comte pendant la nuit de la Saint-Jean, sa fille Julie aguiche le serviteur Jean, fiancé à la femme de chambre Kristin. D’abord réticent, Jean entre peu à peu dans son jeu de séduction, entrevoyant une occasion d’élévation sociale. Ils passent la nuit ensemble et, au réveil, Jean tente de convaincre Julie de fuir et d’aller ouvrir avec lui un hôtel en Suisse. La fille du comte avoue alors qu’elle n’a aucune fortune, mais accepte de voler l’argent de son père pour financer leur fugue. Lorsque Kristin vient chercher son fiancé pour se rendre à l’église, elle comprend  ce qui se trame et le convainc de renoncer à ses projets. Résigné et dépité, Jean incite par vengeance Julie à mettre fin à ses jours…
Dans le décor dépouillé d’une cuisine tout en noir et blanc dont les aplats s’animent furtivement de fumée, la metteuse en scène Daniela Kerck orchestre ce petit théâtre de la cruauté avec beaucoup de sobriété – et d’efficacité. Dès le lever de rideau où, dans un silence troublé seulement par les scansions d’une grosse caisse semblable à un sinistre brigadier, Kristin fredonne a cappella une mélodie naïve en s’affairant à plier des nappes, une sensation de malaise est perceptible. L’entrée de Jean, veule et imbu de sa personne, puis l’irruption tourbillonnante de Julie lancent une machine infernale d’autant plus terrifiante que l’orchestre (chambriste) se garde bien de surligner le drame : la musique de Boesmans distille un lyrisme tout en clair-obscur qui rappelle par moment le Britten de l’English Opera Group. Attachant autant d’importance à accompagner les émotions des personnages qu’à faire entendre leurs paroles (texte chanté en allemand), elle procède par courtes cellules timbriques et ponctuation d’alliances sonores où la riche percussion fait merveille.

L’Ensemble Beyra emmené par Bruno Borralhinho traduit magnifiquement cette écriture à la fois pointilliste et généreuse, irisée et explosive que l’acoustique flatteuse de l’auditorium de Culturgest dote d’une amplitude surprenante.

Le trio vocal défend la partition avec la même éloquence. Prise de rôle convaincante pour la Française Julia Deit-Ferrand, qui confirme son affinité avec le répertoire contemporain (avant Boesmans, elle a chanté du Peter Eötvös, Daniel Andres ou Simon Steen-Andersen). La mezzo campe une Julie nuancée, enjôleuse d’abord puis en proie au tourment, à l’accablement et à la résignation. Sa voix offre un alliage idéal de puissance et de fragilité pour donner chair à ce personnage constamment au bord de vaciller. Face à elle, le baryton tchèque Michal Marhold incarne un Jean tout en animalité, qui domine et écrase les femmes (et les oiseaux) et ne se reconnaît qu’un prédateur dans la chaîne alimentaire : le comte, dont la seule évocation suffit à le renvoyer à son statut d’esclave. Son marivaudage délétère avec Julie fascine d’autant plus qu’une véritable alchimie unit les deux personnages. Dans le rôle de Kristin, la soprano portugaise Camila Mandillo enlève avec aisance les vocalises les plus acrobatiques de la partition, et impose sa puissance théâtrale. Avec elle, ce triangle amoureux que Strindberg décrivait comme un « drame naturaliste » prend une dimension infiniment poétique. Et lorsque, dans la scène finale, Julie tourne le dos au public pour affronter son destin, rasoir à la main, les scansions de la grosse caisse cessent d’être théâtrales pour sonner comme des battements de cœur.

Les artistes

Julie : Julia Deit-Ferrand
Jean : Michal Marhold
Kristin : Camila Mandillo

Ensemble Beyra / Ensemble Orquestral da Beira interior
Direction : Bruno Borralhinho

Mise en scène et scénographie: Daniela Kerck
Costumes : Hannah König
Lumières : Sérgio Moreira

Le programme

Julie

Opéra en un acte et 12 scènes de Philippe Boesmans (1935-2022) sur un livret de Luc Bondy et Marie-Louise Bischofsberger d’après la pièce Mademoiselle Julie d’Auguste Strindberg (1889).
Création au Théâtre royal de la Monnaie (Bruxelles) le 8 mars 2005.

Coproduction OperaFest Lisboa, ArtWay.

Représentation du vendredi 5 septembre 2025.

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Daniela KerckJulia Deit-FerrandMichal MarholdCamila MandilloBruno Borralhinho
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Pierre Brévignon

Pierre Brévignon jongle avec les mots et les notes, tour à tour dans les programmes de l'Opéra de Paris, de la Cité de la Musique, du Théâtre du Châtelet, dans les livrets de CD, dans les salles de conférence de la Philharmonie, au sein de l'Association Capricorn (www.samuelbarber.fr) ou dans les livres qu'il consacre à sa passion : la première biographie française de Samuel Barber ("Samuel Barber, un nostalgique entre deux mondes", éditions Hermann, 2012), le "Dictionnaire superflu de la musique classique" (avec Olivier Philipponnat, Castor Astral, 2015) et "Le Groupe des Six, une histoire des années folles" (Actes Sud, 2020).

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