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Les festivals de l’été –
À Innsbruck, l’IPHIGÉNIE de Traetta : entre baroque et opéra réformé

par Renato Verga 31 août 2025
par Renato Verga 31 août 2025
© Birgit Gufler
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Innsbrucker Festwochen der Alten Musik, Ifigenia in Tauride (Traetta), vendredi 29 août 2025.

les Innsbrucker Festwochen permettent de redécouvrir un opéra novateur de Traetta, superbement servi par les Talens lyriques et une très belle distribution vocale.

D'une Iphigénie l'autre

Après celle d’Antonio Caldara, les Semaines de musique ancienne présentent une autre Iphigénie, celle de Tommaso Traetta. Il y a deux ans, ici à Innsbruck, on avait pu écouter l’oratorio sacré Rex Salomon du compositeur de Bitonto. Nous découvrons maintenant un opera seria que Traetta a écrit pour honorer une commande de la cour des Habsbourg. L’Ifigenia in Tauride a en effet été proposée par l’inspecteur général des spectacles de Vienne, le comte Giacomo Durazzo, qui, en 1764, alors qu’il était ambassadeur impérial à Venise, avait acheté les manuscrits de Vivaldi qui se trouvent aujourd’hui dans le fonds Foà-Giordano de la Bibliothèque nationale de Turin. Le livret est signé Marco Coltellini, poète et éditeur dont l’imprimerie de Livourne avait publié la deuxième édition du Saggio sopra l’opera in musica d’Algarotti, texte fondamental des réformateurs de l’opéra du XVIIIe siècle à la tête desquels se trouvait Ranieri de’ Calzabigi.
C’est en effet ce dernier qui proposa le nom de Coltellini à Vienne et lui procura la commande du livret de l’opéra, dont le succès lui valut le titre de poète de la cour des Habsbourg. Coltellini écrira pour Mozart La finta semplice (1768) et sera également l’auteur de l’autre incursion de Traetta dans la tragédie grecque, avec Antigone (1772). Le drame d’Euripide est complexe – en effet, l’épisode de la Tauride a été moins souvent mis en musique que celui d’Aulis – mais Coltellini parvient à construire une intrigue très efficace, avec des récitatifs pressants qui reflètent le rythme naturel du discours – la proximité avec Gluck, pour lequel la musique est au service de la parole – est évidente, et une caractérisation précise des personnages.

Deuxième œuvre viennoise de Traetta après son Armida de 1761, Iphigénie en Tauride fut créée au petit théâtre de la cour de Schönbrunn le 4 octobre 1763 « pour célébrer les noms très heureux de leurs majestés impériales et royales », comme on peut le lire dans le livret imprimé, le 4 (Saint François d’Assise) et le 15 (Sainte Thérèse de Jésus) étant précisément les jours de fête de François Ier de Lorraine et de Marie-Thérèse d’Autriche.

Les cinq personnages d’Iphigénie en Tauride ont été interprétés par les stars de l’époque : Oreste était le contre-ténor castrat Gaetano Guadagni (l’Orphée de Gluck l’année précédente) ; Pilade, le soprano castrat Giovanni Toschi ; Iphigénie, la soprano Rosa Tartaglini Tibaldi ; Toante, son mari Giuseppe Tibaldi, ténor ; Dori, la soprano Maria Sartori. Dans son Iphigénie, Traetta fusionne les caractéristiques typiques de l’opéra français (chœurs et ballets) avec celles de l’opéra italien (airs avec da capo), mais les insère dans une structure dramaturgique très resserrée, avec des scènes très articulées où prédominent les récitatifs accompagnés (pas moins de 11, autant que les airs solistes) et les chœurs (pas moins de 13 !).

Un opéra novateur

Si le premier acte s’inscrit encore dans la tradition de l’opéra baroque, avec sa succession d’airs solistes, dans le deuxième acte, le chœur commence à jouer son propre rôle dramatique en intervenant directement dans l’action avec un effet surprenant. Nous avons donc d’abord une longue scène avec Dori et Pilade, qui cherche son ami Oreste, puis avec Oreste seul, rongé par le remords suite au matricide, lorsque les Euménides semblent d’abord lui chanter une berceuse accompagnée des doux arpèges des violons (« Dors, Oreste ! »), avant de dénoncer sa faute : « Elle te tourmente, elle te réveille | l’ombre triste, dédaigneuse, négligée, | d’une mère que tu as saignée ! » sur un crescendo scandé par les hautbois, les cors et les altos. Puis, sur les trémolos des croches des premiers violons, suivis par les instruments graves : « Écoute, ingrat, elle réclame vengeance, | elle montre sa poitrine, elle te fustige et te menace ; | elle te reproche de t’avoir donné la vie ». Une page d’une dramaturgie rarement représentée avec une telle évidence dans le théâtre musical jusqu’alors.

Traetta fut l’un des plus grands représentants de l’opéra napolitain du XVIIIe siècle, comme en témoigne par exemple la mélodie berçante de l’air d’Iphigénie dans le premier acte « So, che pietà de’ miseri ». Mais l’œuvre comporte également une nouvelle urgence dramaturgique qui la projette dans l’avenir. Cinquante-cinq années séparent cette Iphigénie de celle de Caldara, mais elles semblent en fait bien plus nombreuses : les conventions de l’opéra semblent ici soudainement dépassées, les ornements ne sont pas seulement un moyen de démontrer les capacités vocales de l’interprète, mais aussi une façon de définir le personnage de manière plus théâtrale, qu’il s’agisse du rôle du méchant Toante, dont la cruauté inhumaine est soulignée, ou du drame vécu par Iphigénie qui, dans l’air du deuxième acte « Che mai risolvere » déploie des coloratures nerveuses comme celles de la Reine de la Nuit de Mozart – une agilité pleinement justifiée par la situation dramatique.

Les Talens : quel talent !

Le Festival a bien fait d’appeler un Français pour rendre justice à cette œuvre qui marque la transition vers l’esthétique gluckienne. Christophe Rousset, qui a déjà enregistré l’Antigone de Traetta, à la tête des Talens Lyriques, imprime à la partition une impulsion rythmique telle que l’orchestre devient le véritable moteur de l’action, et non un simple accompagnateur : le rythme crée une tension qui ne faiblit pas et les tempi et volumes sonores sont toujours adaptés. La couleur éclatante des interventions instrumentales n’est qu’une qualité parmi d’autres de l’exécution des Talens lyriques (violon solo Gilone Gaubert), qui se distingue par la précision des attaques et la variété des intentions. Dans cet ensemble, on admire les belles sonorités des cordes et des huit instruments à vent présents (flûte baroque, flûte traversière, hautbois, cor anglais, deux bassons et deux cors), sans oublier la précieuse contribution de Valerie Montanari au clavecin dans les longs récitatifs. Le chœur NovoCanto, ensemble tyrolien composé de quatorze voix, n’est pas en reste. Dans ses nombreuses interventions chorales, il a l’occasion de démontrer ses qualités vocales, mises en évidence par exemple dans l’intervention citée des Furies qui tourmentent le pauvre Oreste, où les paroles tranchantes ressortent avec une grande efficacité.

Satisfactions vocales

De la distribution se distingue particulièrement Iphigénie, interprétée par Rocío Pérez, soprano espagnole à la brillante carrière, qui fait ici ses débuts aux Festwochen où elle a enthousiasmé le public par sa technique sûre et l’intensité expressive d’un rôle exigeant, car l’interprète doit incarner un personnage exprimant la variété de ses sentiments dans toutes les nuances du registre tragique : victime sacrificielle à Aulide, ici, en Tauride, elle devient elle-même le bourreau désigné pour immoler à la déesse Pallas Athéna tous les étrangers qui posent le pied sur le continent. Cette infinie série de victimes pourrait engendrer une interprétation monotone ; c’est au contraire une infinie variété expressive du personnage qui nous est ici dévoilée.
La réaction du public a été tout aussi enthousiaste pour Suzanne Jerosme, finaliste du Concours Cesti 2016, ici dans le rôle de Pylade. Même si le choix d’une voix féminine pour ce personnage est discutable – cela atténue en effet l’intensité/l’ambiguïté de la relation d’amitié masculine quasi homoérotique avec Oreste, soulignée non seulement par le librettiste Coltellini, mais aussi par ceux d’Iphigénie en Aulide de Gluck et également présente chez Euripide –, la chanteuse, dès son premier air, bouleversant (« Stelle irate, il caro amico »), fait preuve d’une maîtrise technique étonnante dans la rapidité des coloratures et la pleine projection vocale, qualités qui illuminent chacune de ses interventions suivantes, attendues avec émotion par le public.
La troisième soprano présente sur scène est la Danoise Karolina Bengtsson, qui incarne avec sobriété le personnage un peu moins complexe de Dori.
Également finaliste du Cesti 2018, le contre-ténor polonais Rafał Tomkiewicz possède une voix agréable, un beau legato et une grande expressivité, mais il ne convainc pas totalement dans le rôle tourmenté d’Oreste, sa diction ne permettant pas de rendre ses longs récitatifs suffisamment incisifs. Rien à redire en revanche pour Alasdair Kent, ténor australien pour qui les agilités ahurissantes du rôle de Toante n’offrent pas la moindre difficulté et qui, avec sa présence scénique désinvolte, définit efficacement l’arrogance du roi de Tauride.

Et visuellement ?

La mise en scène de Nicola Raab ne se distingue pas par sa beauté ou une ingéniosité particulières. La metteuse en scène propose une lecture psychologique de l’histoire en s’interrogeant sur l’avant et l’après des faits représentés, sur l’ambiguïté de la relation d’Iphigénie avec Thoante, qui l’a d’abord sauvée puis « contrainte » à devenir prêtresse, et sur l’intemporalité de l’histoire, soulignée par les costumes de Madeleine Boyd, qui appartiennent à différentes époques : la Grèce antique, la Renaissance (?), la modernité. Ce n’est pas nouveau, mais efficace pour effectuer les différents changements de décor : une structure scénographique rotative (de Boyd elle-même) permet de passer de la coque d’un navire avec les lettres ΑΘΗ (les initiales d’Athéna) peintes sur la surface corrodée, au vide du temple où est suspendue la statue de la déesse réalisée dans un léger filet métallique, ou l’intimité d’un espace sur deux étages recelant des toiles et d’autres objets anciens. La mise en scène suscite par ailleurs plusiuers interrogations laissées sans réponse, comme dans le finale où, au lieu d’embrasser enfin son frère retrouvé, Iphigénie s’en va seule en claquant la porte et en laissant les autres chanter la morale : « Et que tremblent les tyrans | devant un dieu vengeur ».

Une fois encore, la mission des Festwochen, qui consiste à faire découvrir les joyaux de notre passé musical, a été couronnée de succès et le public s’est montré très satisfait, applaudissant avec enthousiasme tous les artisans de cette initiative.

Per leggere la versione originale in italiano di questo articolo, cliccare sulla bandiera!

Les artistes

Ifigenia : Rocio Pérez
Oreste : Rafał Tomkiewicz
Toante : Alasdair Kent
Pilade : Suzanne Jerosme
Dori : Karolina Bengtsson
NovoCanto ; Les Talens Lyriques, dir. Christophe Rousset

Mise en scène : Nicola Raab
Décors et costumes : Madeleine Boyd

Le programme

Ifigenia in tauride

Tommaso Traetta : « Ifigenia in Tauride » Opéra en 3 actes de Tommaso Traetta, livret de Marco Coltellini, créé à Vienne en 1763.

Innsbruck, Tiroler Landestheater, représentation du 29 août 2025.

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Suzanne JerosmeAlaisdair KentRocio PérezChristophe Rousset
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Renato Verga

Diplômé en Physique de l'Université de Turin, Renato Verga a toujours eu une passion immodérée pour la musique et le théâtre. En 2014, il lance un blog (operaincasa.com) pour recueillir ses critiques de DVD d'opéra, de spectacles vus partout dans le monde, de concerts, de livres sur la musique. Renato partage l'idée que la mise en scène est une partie constitutive de l'opéra lui-même et doit donc comporter de nécessaires transformations pour s'adapter à notre contemporanéité.

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