À la une
Se préparer à FLORA MIRABILIS – Opéra national de Grèce,...
Les brèves d’août –
Les festivals de l’été –À Bregenz, un FREISCHÜTZ version Fantasy...
LES DOSSIERS DE PREMIÈRE LOGE
OPERAFEST 2025 – LISBONNE & OEIRAS : Amours interdites !
Les festivals de l’été –Salzbourg : Schönberg – Webern –...
Les festivals de l’été –Vérone : reprise de la mise en...
Saison cinématographique 25/26 du Metropolitan Opera
Triplice anniversario all’Arena di Verona, con CARMEN di Georges Bizet...
À Prague, une MANON LESCAUT seule, perdue, abandonnée de tous...
  • Accueil
  • À Voir
  • Avant-concerts
  • Vu pour vous
  • Artistes
  • Œuvres
  • Médiathèque
  • Humeurs
Première Loge

Pour ne rien manquer de l'actualité lyrique, restons en contact !

ProductionCompte renduVu pour vous

Anvers : Portes ouvertes sur Jenůfa

par Pierre Brévignon 8 juin 2024
par Pierre Brévignon 8 juin 2024

© OBV-Annemie Augustijns

© OBV-Annemie Augustijns

© OBV-Annemie Augustijns

© OBV-Annemie Augustijns

© OBV-Annemie Augustijns

© OBV-Annemie Augustijns

© OBV-Annemie Augustijns

0 commentaires 4FacebookTwitterPinterestEmail
1,2K

Au siècle dernier, Robert Carsen offrait une vision décantée du chef-d’œuvre de Janáček. Un quart de siècle plus tard, nous parle-t-elle toujours avec la même éloquence ?  

Retour en terres  flamandes d’une production qui avait fait date fin 1999, au Vlaamse Opera de Gand : la première incursion du Canadien Robert Carsen dans l’univers de Janáček, compositeur auquel sa carrière l’associerait avec la même régularité que Britten et Puccini. On retrouve avec bonheur ce qui avait fait la force de cette lecture princeps : une poésie âpre, dépouillée, à l’image d’un décor réduit à sa plus simple expression – une série de portes plus ou moins ajourées, déplacées au gré des scènes par les choristes sur un plan incliné couvert de terre, métonymique du contexte rural de l’intrigue. Du moulin dans la montagne où se déroule l’action, nulle trace, hormis la cadence scandée par le xylophone pendant l’Ouverture.

C’est que Carsen, au fond, semble s’intéresser moins au cadre extérieur de l’histoire – la campagne morave de la fin du XIXe siècle – qu’aux cloisonnements intérieurs de l’âme humaine, traduits ici par l’évolution du décor : seule et angoissée au début de l’œuvre, incertaine de l’amour que lui porte le bellâtre Steva, Jenůfa est cernée de tous les côtés par des portes aux vitres desquelles les villageois l’observent, l’épient ; deux heures plus tard, l’apothéose finale voit le plateau débarrassé de ses huisseries et balayé par une pluie purificatrice, offrant enfin à la jeune femme – violentée, abandonnée, meurtrie par la mort de son enfant et l’aveu du crime de sa belle-mère – et à son époux Laca – en quête de rédemption après l’avoir défigurée – l’infini d’une terre vierge sur laquelle bâtir leur nouvelle vie.

Il est souvent question, à propos de cette œuvre, du poids moral que fait peser une communauté villageoise étriquée sur Jenůfa. Cette vision, si elle semble dans un premier temps adoptée par la mise en scène avec ces villageois-espions, s’émousse au fil des tableaux. Jenůfa n’est ni Peter Grimes, ni Katja Kabanova. Plus qu’un affrontement entre Jenůfa et la communauté, c’est à l’intransigeance morale de la redoutable Kostelnicka, sa belle-mère et sacristine du village, que la jeune femme se heurte. Jusqu’à ce que la figure autoritaire implose, révélant sa folie meurtrière et, par contraste, la grandeur d’âme de sa belle-fille (titre original de l’œuvre, qui met bien à égalité d’importance les deux femmes).

Si cette production du chef-d’œuvre de Janáček convainc toujours, vingt-cinq ans après la première, c’est peut-être surtout par la direction d’acteurs de Carsen : soin apporté aux incarnations de chaque personnage, qu’ils occupent le devant de la scène ou les arrière-plans, mouvements réglés au cordeau dans des espaces circonscrits aux dimensions changeantes, tantôt laissés vides, tantôt hantés par des silhouettes furtives, tantôt envahis par une foule dansante et chantante… D’un bout à l’autre de l’opéra, le naturel des interactions n’est jamais pris en défaut, prestations vocales et prestations dramatiques évoluant au même niveau de qualité.

À côté de seconds rôles d’une belle présence scénique, le quatuor de protagonistes emporte l’enthousiasme. Ladislav Erg et Jamez McCorkle fonctionnent en parfaits reflets inversés, le premier campant un Steva au timbre grêle, dont la morgue se craquelle peu à peu en lâcheté, le second prêtant à Laca sa carrure de colosse bourru et ses graves projetés avec une puissance qui n’exclut jamais la fragilité. La mezzo viennoise Natascha Petrinsky qu’on avait découverte en Geschwitz sulfureuse chez Warlikowski incarne une Kostelnicka sur le fil du rasoir, au hiératisme fascinant puis terrifiant, jusqu’à ce que le pardon de sa belle-fille la transfigure enfin pour lui donner, paradoxalement, accès à son humanité la plus nue. Quant à Agneta Eichenholz, qu’on avait laissée en Fiordiligi échangiste chez Tcherniakov, elle révèle en Jenůfa une force et une poésie peu communes, tout en se gardant de toute emphase expressionniste – notamment dans ce monologue somnambulique de l’acte II où, en dialogue avec le violon solo, la soprano suédoise trouve de poignants accents enfantins.

Le chœur parfaitement à l’aise dans les tournures folkloriques déployées par Janáček et l’orchestre décalquant si minutieusement la prosodie tchèque des lignes de chant sont les deux derniers triomphateurs de cette émouvante soirée de retrouvailles. Adepte de tempi notoirement plus lents et d’opulence musicale quasi straussienne, le chef Alejo Pérez n’hésite jamais à lâcher les chevaux de son orchestre, quitte à parfois faire obstacle au chant – mais la beauté de cette musique est telle qu’on le lui pardonne aisément.

Depuis cette production, nombreux sont les metteurs en scène à avoir proposé des lectures de Jenůfa plus audacieuses, plus questionnantes ou plus foisonnantes (voir les incroyables tableaux vivants brossés en 2014 par le Letton Alvis Hermanis à la Monnaie). Si le travail de Carsen peut sembler, un quart de siècle plus tard, moins généreux visuellement, il n’en garde pas moins une importance historique majeure dans le canon de l’opéra janáčekien.

Les artistes

Jenůfa Buryja : Agneta Eichenholz
Kostelnička Buryjovka : Natascha Petrinsky
Laca Klemeň : Jamez McCorkle
Števa Buryja : Ladislav Elgr
Stařenka Buryjovka : Maria Riccarda Wesseling
Stárek : David Stout
Le maire du village : Reuben Mbonambi
La femme du maire : Karen Vermeiren
Karolka : Zofia Hanna

Opera Ballet Vlaanderen, Koor Opera Vlaanderen, Symfonisch Orkest Opera Ballet Vlaanderen, dir. Alejo Pérez
Mise en scène : Robert Carsen
Dramaturgie : Ian Burton
Décors, costumes : Patrick Kinmonth
Lumières : Peter van Praet

Le programme

Jenůfa

Opéra en trois actes de Leoš Janáček, livret du compositeur, adapté de la pièce Její pastorkyňa de Gabriela Preissová, créé au Théâtre national de Brno le 21 janvier 1904.
Opéra d’Anvers, représentation du mercredi 5 juin 2024

image_printImprimer
Robert CarsenNatascha PetrinskyLadislav ElgrAlejo PérezAgneta EichenholzJamez McCorkle
0 commentaires 4 FacebookTwitterPinterestEmail
Pierre Brévignon

Pierre Brévignon jongle avec les mots et les notes, tour à tour dans les programmes de l'Opéra de Paris, de la Cité de la Musique, du Théâtre du Châtelet, dans les livrets de CD, dans les salles de conférence de la Philharmonie, au sein de l'Association Capricorn (www.samuelbarber.fr) ou dans les livres qu'il consacre à sa passion : la première biographie française de Samuel Barber ("Samuel Barber, un nostalgique entre deux mondes", éditions Hermann, 2012), le "Dictionnaire superflu de la musique classique" (avec Olivier Philipponnat, Castor Astral, 2015) et "Le Groupe des Six, une histoire des années folles" (Actes Sud, 2020).

Laisser un commentaire Annuler la réponse

Sauvegarder mes informations pour la prochaine fois.

This site uses Akismet to reduce spam. Learn how your comment data is processed.

post précédent
LES GRANDES VOIX : une prestigieuse saison 24-25
prochain post
L’Opéra de Lille referme sa saison anniversaire avec La Chauve-Souris mise en scène par Laurent Pelly

Vous allez aussi aimer...

Les festivals de l’été –À Bregenz, un FREISCHÜTZ...

17 août 2025

Les festivals de l’été –Salzbourg : Schönberg –...

16 août 2025

Les festivals de l’été –Vérone : reprise de la...

16 août 2025

Triplice anniversario all’Arena di Verona, con CARMEN di...

16 août 2025

À Prague, une MANON LESCAUT seule, perdue, abandonnée...

15 août 2025

Les festivals de l’été –Salzbourg : GIULIO CESARE,...

15 août 2025

Les festivals de l’été –NABUCCO pour célébrer un...

13 août 2025

Les festivals de l’été –Salzbourg : Hotel Metamorfosis,...

13 août 2025

Les festivals de l’été –Innsbruck : première représentation moderne...

11 août 2025

Les festivals de l’été –Salzbourg : MARIA STUARDA, pas...

10 août 2025

Annonces

OPERAFEST LISBOA & OEIRAS 2025

En bref

  • Les brèves d’août –

    18 août 2025
  • Les brèves de juillet –

    17 juillet 2025

Humeurs

  • Édito de mars –
    Les années 2020 : sombre époque pour les arts, la culture, l’humanisme…

    5 mars 2025

La vidéo du mois

Édito

  • Édito de mars –
    Les années 2020 : sombre époque pour les arts, la culture, l’humanisme…

    5 mars 2025

PODCASTS

PREMIÈRE LOGE, l’art lyrique dans un fauteuil · Adriana Gonzàlez & Iñaki Encina Oyón – Mélodies Dussaut & Covatti

Suivez-nous…

Suivez-nous…

Commentaires récents

  • Roberto Menozzi dans Triplice anniversario all’Arena di Verona, con CARMEN di Georges Bizet nella leggendaria produzione di Franco Zeffirelli
  • Luciano barilli dans Les festivals de l’été –
    Vérone : reprise de la mise en scène légendaire de CARMEN par Franco Zeffirelli
  • Stéphane Lelièvre dans LINDA DI CHAMOUNIX, Donizetti (1842) – dossier
  • Philippe BAZERIES dans LINDA DI CHAMOUNIX, Donizetti (1842) – dossier
  • meyer dans « Déesse d’or, entends nos voix ! »
    LÉO DELIBES au-delà de Lakmé

Première loge

Facebook Twitter Linkedin Youtube Email Soundcloud

Keep me signed in until I sign out

Forgot your password?

Login/Register

Keep me signed in until I sign out

Forgot your password?

Rechercher

Archives

  • Facebook
  • Twitter
  • Youtube
  • Email
Première Loge
  • Accueil
  • À Voir
  • Avant-concerts
  • Vu pour vous
  • Artistes
  • Œuvres
  • Médiathèque
  • Humeurs

A découvrirx

Les festivals de l’été –À Bregenz,...

17 août 2025

Les festivals de l’été –Salzbourg :...

16 août 2025

Les festivals de l’été –Vérone : reprise...

16 août 2025