À la une
Les cadeaux de Parpignol pour les fêtes de Noël
Ça s’est passé il y a 100 ans : création du...
Stiffelio triomphe à Plaisance et commence son voyage en terres...
Stiffelio trionfa a Piacenza e inizia il suo viaggio nelle...
LEONARDO SINI
Les brèves de décembre –
Partenope : Morricone, au-delà du cinéma, dans un opéra-oratorio pour...
Se préparer à Un ballo in maschera, Opéra de Paris...
PAATA BURCHULADZE : trois mois déjà…
Naples, Medea : de Cherubini à Lars von Trier
Il aurait 100 ans aujourd’hui : André Turp
  • Accueil
  • À Voir
  • Avant-concerts
  • Vu pour vous
  • Artistes
  • Œuvres
  • Médiathèque
  • Humeurs
Première Loge

Pour ne rien manquer de l'actualité lyrique, restons en contact !

Compte renduVu pour vousConcert

Sondra Radvanovsky, le belcanto halluciné

par Patrice Gay 28 février 2022
par Patrice Gay 28 février 2022
© L. Romano
0 commentaires 3FacebookTwitterPinterestEmail
2,K

Le San Carlo de Naples offre à Sondra Radvanovsky la possibilité d'interpréter les pages majeures de trois chefs-d'œuvre de Donizetti (Anna Bolena, Maria Stuarda, Roberto Devereux) : un répertoire où, plus encore que dans Verdi ou Puccini, la soprano canadienne règne (quasi) sans rivales...

Une performance

Il est frappant de constater qu’un concert sobrement mis en espace ait une force dramatique supérieure à de lourdes et couteuses mises en scène. La soprano canadienne Sondra Radvanovsky donnait deux concerts au Teatro San Carlo, au moment où la scène napolitaine programmait une série de représentations d’Aida. La comparaison ne plaide guère en faveur de la production de Mauro Bolognini. Le titre choisi, Tre Regine, en référence aux héroïnes des opéras de Donizetti, Anna Bolena, Maria Stuarda et Elisabetta, n’est pas usurpé, tant le spectateur croit assister à la représentation d’une seule et même œuvre qui réunirait les trois reines dans un crescendo belcantiste de plus en plus halluciné. Le spectacle culmine avec une Reine Vierge spectrale vêtue d’une étrange robe blanche à paniers dessinée par Paloma Picasso.

© L. Romano

Évoquer le talent tant dramatique que vocal de Sondra Radvanovsky paraît bien faible. Loin d’une virtuosité facile, la soprano canadienne parvient à une puissance d’incarnation impressionnante et semble faire vivre trois facettes d’une même personnalité. La performance – qui n’a rien du récital – est d’autant plus remarquable lorsque l’on songe à ce qui sépare une Anna Bolena, encore proche de Lucia, d’une Elisabetta.

Chacun des finales de la trilogie Tudor de Donizetti est précédé de l’ouverture de l’œuvre. Le chef lombard Riccardo Frizza, qui excelle dans le répertoire romantique et dirige le festival Donizetti de Bergame, tire de l’orchestre du Teatro San Carlo toutes les nuances nécessaires pour créer une atmosphère qui associe la douceur de la déploration à la violence des passions et des visions royales. 

Il souligne par ailleurs les dialogues entre les protagonistes, notamment dans le finale de Maria Stuarda. Les solistes sont d’une grande homogénéité. Distinguons la mezzo Caterina Piva, membre de l’Académie du Teatro alla Scala, qui fait ses débuts au San Carlo et qui incarne une très convaincante nourrice dans Maria Stuarda. Les chœurs du San Carlo, préparés par José Luis Basso, sont absolument superbes de délicatesse et contribuent grandement au pathétique alors que les victimes expiatoires que sont Anna Bolena, puis Maria Stuarda, entrent en scène.

© L. Romano

Anna, Maria, Elisabetta

Le voyage qui nous est proposé débute avec le finale d’Anna Bolena. Tout commence avec le chœur de femmes dont le grand raffinement vocal met en scène le malheur de la souveraine et installe un climat de déploration. Sondra Radvanovsky campe alors une Anna Bolena proche de Lucia dans le cantabile Al dolce guidami. Son timbre profond, sa projection et son agilité vocale incarnent immédiatement une souveraine déchue fort agitée et tourmentée. Ces caractéristiques ne cesseront d’être mobilisées et déclinées tout au long de la soirée. Passant aisément d’un registre à un autre, Sondra Radvanovsky est cependant, il faut le redire, au-delà de toute virtuosité. Un grimaçant Tacete… cessate prépare la cabalette finale Coppia iniqua où la soprano canadienne, saisissante, semble désigner d’un doigt accusateur deux ombres parmi le public. 
Alors que Donizetti enseigne au Conservatoire de Naples, Maria Stuarda est créé au San Carlo sous le titre de Buondelmonte. Roberto Devereux connaîtra de même une création napolitaine.

L’ambiance est différente de la scène précédente : le chœur (Vedeste? – Vedemmo…), désignant le billot et la hache, est plus solennel et majestueux, mais ce qui frappe, c’est le dialogue instauré entre la vittima et ses proches et nous ne sommes pas loin d’une sorte de polyphonie. L’échange entre la vittima regia et Anna Kennedy, sa nourrice, mêle et oppose deux voix certes fort différentes, mais qui s’équilibrent : la voix chaude et profonde de Sondra Radvanovsky n’écrase nullement ses partenaires et le spectacle n’en est que plus intense dans une sorte d’anti-lyrisme qui débouche sur la mort glorieuse, voire sanctifiée (Ah ! se un giorno da queste ritorte) d’une héroïne traitée en criminelle par l’inflexible Guglielmo Cecil (le baryton Sergio Vitale).

Le finale de Roberto Devereux constitue le sommet de cette représentation. Il semble offrir la fusion entre le lyrisme d’Anna Bolena et la théâtralité de Maria Stuarda. C’est une reine hallucinée, déjà morte, qui oscille entre jalousie et douleur, qu’incarne Sondra Radvanovsky. La vision sanglante commence avec l’effrayante cabalette Quel sangue versato. La souveraine, dans un mouvement accusateur, paraît faire de Sara et de Nottingham un autre coppia iniqua. Mais lorsque le chœur répond qu’une reine ne vit pas pour elle-même (chi regna, lo sai, non vive per sé), l’opéra s’achève alors par l’un des moments les plus impressionnants de la scène romantique. La soprano canadienne, martelant les syllabes, se mue véritablement en une héroïne prisonnière de ses visions. Sondra Radvanovsky – Elisabetta, face à elle-même, face à son amour, face à l’Histoire, a définitivement choisi cette autre scène… celle dont un Gérard de Nerval, ou Donizetti lui-même, ne reviendront pas.  

© L. Romano
Les artistes

Anna Bolena, Maria Stuarda, Elisabetta I  : Sondra Radvanovsky
Sir Hervey, Lord Cecil : Edoardo Milletti
Lord Rochefort, Giorgio Talbot : Antonio Di Matteo
Riccardo Percy, Roberto : Giulio Pellligra
Smeton : Martina Belli
Anna Kennedy, Sara : Caterina Piva
Guglielmo Cecil, Il Duca di Nottingham : Sergio Vitale

Orchestre et chœur du Teatro di San Carlo, dir Riccardo Frizza

Le programme

ANNA BOLENA (1830)
Livret de Felice Romani
Ouverture
Finale

 MARIA STUARDA (1835)
Livret de Giuseppe Bardari
Ouverture
Acte II, Scène 3

 ROBERTO DEVEREUX (1838)
Livret de Salvadore Cammarano
Ouverture
Acte III, Scène 2

Concert du 22 février 2022, Teatro San Carlo (Naples)

image_printImprimer
Teatro San CarloSondra Radvanovskydonizetti
0 commentaires 3 FacebookTwitterPinterestEmail
Patrice Gay

Patrice Gay est agrégé de Lettres modernes. Après des études de Lettres à l’Université de Clermont-Ferrand, il enseigne en collège, puis en lycée. Il est aujourd’hui professeur de culture générale en classe préparatoire économique à Versailles. Passionné d’opéra, il a conduit de nombreux projets pédagogiques autour d’un spectacle lyrique (Châtelet, Opéra national de Paris, TCE) avec des élèves de lycée (seconde et première) et également avec des étudiants de CPGE technologique.

Laisser un commentaire Annuler la réponse

Sauvegarder mes informations pour la prochaine fois.

This site uses Akismet to reduce spam. Learn how your comment data is processed.

post précédent
Famille, je vous hais ! Iphigénie convoque les Atrides à l’opéra de Rouen
prochain post
Édito de mars : REQUIEM DE GUERRE

Vous allez aussi aimer...

Ça s’est passé il y a 100 ans :...

24 décembre 2025

Stiffelio triomphe à Plaisance et commence son voyage...

23 décembre 2025

Stiffelio trionfa a Piacenza e inizia il suo...

23 décembre 2025

Partenope : Morricone, au-delà du cinéma, dans un...

23 décembre 2025

Naples, Medea : de Cherubini à Lars von Trier

21 décembre 2025

La Chauve-Souris à Liège : Johann Strauss fête ses...

20 décembre 2025

Elena Stikhina et Adam Smith : nouvelle distribution pour...

20 décembre 2025

Ut Pictura Musica : la Bohème synesthésique de...

19 décembre 2025

Les Contes d’Hoffmann à Lyon : fantastique Michieletto

19 décembre 2025

Un Américain à Paris : Genève succombe au charme...

17 décembre 2025

Humeurs

  • PAATA BURCHULADZE : trois mois déjà…

    21 décembre 2025

En bref

  • Les brèves de décembre –

    23 décembre 2025
  • Les brèves de novembre –

    20 novembre 2025

La vidéo du mois

Édito


  • Édito d’octobre –
    « O, mia musica, si bella e perduta… » : quand le cas Venezi révèle un malaise plus profond concernant les arts et la musique en Italie

    2 octobre 2025

PODCASTS

PREMIÈRE LOGE, l’art lyrique dans un fauteuil · Adriana Gonzàlez & Iñaki Encina Oyón – Mélodies Dussaut & Covatti

Suivez-nous…

Suivez-nous…

Commentaires récents

  • Renza dans Stiffelio trionfa a Piacenza e inizia il suo viaggio nelle terre verdiane
  • Curial dans Les Noces de Figaro à Garnier : un opéra déconstruit
  • Guermantes dans PAATA BURCHULADZE : trois mois déjà…
  • Cacoton dans FORTUNIO, Messager (1907) – dossier
  • Jean Leprince dans CD –  Tenebris d’Alexandre de Villeneuve. Un passionnant programme d’un compositeur sorti des ténèbres

Première loge

Facebook Twitter Linkedin Youtube Email Soundcloud

Keep me signed in until I sign out

Forgot your password?

Login/Register

Keep me signed in until I sign out

Forgot your password?

Rechercher

Archives

  • Facebook
  • Twitter
  • Youtube
  • Email
Première Loge
  • Accueil
  • À Voir
  • Avant-concerts
  • Vu pour vous
  • Artistes
  • Œuvres
  • Médiathèque
  • Humeurs

A découvrirx

Ça s’est passé il y a...

24 décembre 2025

Stiffelio triomphe à Plaisance et commence...

23 décembre 2025

Stiffelio trionfa a Piacenza e inizia...

23 décembre 2025