À la une
Rome : Le Journal d’un disparu / La Voix humaine
Ça s’est passé il y a 100 ans : création...
Se préparer au REQUIEM de Verdi / TEREZIN –Grand Amphithéâtre...
CRISE À LA FENICE : L’OPÉRA ITALIEN SOUS TENSION POLITIQUE
Les brèves d’octobre –
Quand la musique s’envole mais que la scène trébuche :...
La Chauve-Souris à Vienne –In memoriam KS Harald Serafin
Vienne : Une Nuit à VeniseJoyeux anniversaire, Johann !
À la Fenice, un Wozzeck d’autrefois, traduit en italien, anachronique…...
Il aurait 100 ans aujourd’hui : Luciano Berio
  • Accueil
  • À Voir
  • Avant-concerts
  • Vu pour vous
  • Artistes
  • Œuvres
  • Médiathèque
  • Humeurs
Première Loge

Pour ne rien manquer de l'actualité lyrique, restons en contact !

Compte renduVu pour vousConcert

Il Trionfo del Tempo e del Disinganno à Beaune

par Nicolas Darbon 3 août 2021
par Nicolas Darbon 3 août 2021
Pietro Liberi, "Tempo essere superare mediante Verità"
0 commentaires 1FacebookTwitterPinterestEmail
2,2K

L’Accademia Bizantina, Ana Maria Labin, Emmanuelle de Negri et Valerio Contaldo : des sommets d’expressivité et de virtuosité

Les conditions sont réunies pour une soirée réussie : douceur nocturne, surtitrage intelligent, service d’accueil avenant. L’oratorio d’Haendel donné le 31 juillet 2021 dans la basilique Notre-Dame clôt en beauté le 39e Festival d’opéra baroque et romantique de Beaune.

 

Une œuvre subtile et puissante

Si l’on ne s’ennuie pas pendant les deux heures et demie du concert, c’est grâce à la musique variée, contrastée, subtile, puissante d’Haendel et par l’interprétation en tout point transcendante. Elles donnent vie à un texte plutôt statique : que le mécène, le cardinal Benedetto Pamphilj, soit aussi le librettiste permet de comprendre son côté verbeux et la morale désespérément raisonnable. Les ressources contrapuntiques et mélodiques s’expliquent par le fait que le jeune compositeur allemand de 22 ans (en 1707), vient tout juste de s’installer à Rome. Il y découvre la vitalité des chanteurs et des orchestres italiens, et passe maître de l’oratorio profane en vogue, l’opéra étant interdit dans la cité papale.

De même que le héros du Choix d’Hercule (1751) hésite entre le Plaisir et la Vertu, succombant à cette dernière, de même la Beauté hésite ici entre le Plaisir et la Vérité (le « disiganno »), entre l’illusion et la non-illusion, thème on ne peut plus baroque. La Beauté, fidèle au Plaisir – représentant la passion, les deux étant placées à gauche du chef – est sermonnée par le Temps et la Vérité – incarnations de la raison, voix graves placées à droite du chef. Et pour finir, dans cet oratorio « moral », la Beauté succombe à la Vérité.

Une magnifique distribution

Le Plaisir est confié à la soprano lyrique Emmanuelle de Negri. Il commence par jurer à la Beauté que, si elle la suit, elle restera la même, jeune et resplendissante. Negri possède une voix agile, allant jusqu’à l’hypervirtuosité sur « vanita » lors de son duo avec la Beauté, ou à la fin de l’oratorio, sur « vento », en accord exact avec les cordes virevoltantes. Vigoureuse, elle est à son meilleur dans les passages énergiques, intenses, bien servis par sa parfaite diction. Sa voix lumineuse et homogène s’affermit peu à peu et les traits chantés sont de plus en plus ciselés. Negri est capable de nuances raffinées tel le suave passage central de « Questa è la reggia mia » qui se termine quasi crié. Cela dit, l’énergie mise par Negri peut aussi être en contradiction avec le texte, comme quand elle demande à la Beauté « Ferme tes jolis yeux », qui pourrait être plus câlin. Quant aux aigus, ils sont bien posés, mais parfois trop plats.

Elle forme un joli couple avec Ana Maria Labin, soprano lyrique, qui, malgré une diction moins nette (par exemple dans l’air « Una Schiera di piaceri »), éblouit par la rondeur, le velouté de son timbre, ses aigus magnifiquement amenés, tel celui, dramatique, à la fin du quatuor final, sur « voglio Tempo », sans parler de son aisance dans les traits virtuoses.

Valerio Contaldo, ténor robuste, prend le rôle du Temps ; il est parfait en tout point, de la couleur vocale agréable aux traits souplement envoyés ; sa diction impeccable permet de comprendre des textes plus sérieux, souvent recitativo, ou l’air « In tre parti divise ».

Légèrement moins dominatrice que ses trois compères, la contralto Delphine Galou réserve des lignes admirables, notamment à la fin, aux graves bien mis en relief, qui s’enchâssent avec le ténor.

Lors de la soirée, les regards presque amoureux du Plaisir envers la Beauté, de femme à femme, sont emprunts de regrets et de tristesse. « Laisse l’épine », demande le Plaisir, choisis « la rose » !… La prestation d’Emmanuelle de Negri dans « Lascia la spina »  – air célèbre qui provient d’Amira (1704) et réapparaîtra dans Rinaldo (1711) – est à couper le souffle.

Si à la fin la Beauté choisit pour finir de consacrer sa vie non plus à l’« ardeur » mais au « ministre du Ciel »… chacun y fera les analogies qui lui conviennent. De nos jours, cette fin en faveur du religieux et de l’ordre moral paraît tragique ; notre époque incite plutôt à « cueillir les roses de la vie » ; et le plaisir est reconnu comme le moteur d’un corps sain et régénéré.

Une Accademia Bizantina à son meilleur

Ottavio Dantone

L’Accademia Bizantina dirigée par Ottavio Dantone est à son meilleur. L’ouverture ménage des effets théâtraux, tels ces solos de hautbois bellement rendus par Elisabeth Baumer, instrument que l’on retrouvera en duo avec la Beauté sur l’air « Io sperai trovar nel vero ». Citons aussi les solos de la flûte dans un air du Disinganno ; et surtout celui du 1er violon Alessandro Tampieri à la toute fin de l’œuvre, en compagnie de la Beauté, à mourir de… plaisir. Une Sonata pour orgue scinde le 1er tableau, allègrement jouée au positif par Valeria Montanari. L’orchestre s’illustre dans les accompagnements dramatiques d’airs du ténor « I colossi dei sole » et « Quanto chuide la terra è il regno  moi », molto agitato.

Les artistes nous offrent un moment de vraie musique vivante, vibrante. Une grande complicité règne entre les musiciens ; une violoniste pleure à la fin, les yeux rivés sur la Beauté. Le public qui a rempli la basilique applaudit chaudement ; il sort en silence : qu’ajouter à tant d’émotion ?

Les artistes

Belleza   Ana Maria Labin, soprano
Piacere  Emmanuelle de Negri, soprano
Disinganno   Delphine Galou, contralto
Tempo   Valerio Contaldo, ténor

Orchestre Accademia Bizantina, dir. Ottavio Dantone

 

Le programme

Il Trionfo del Tempo e del Disinganno (Le Triomphe du Temps et de la Désillusion)

Oratorio moral en deux parties de Händel, livret du Cardinal Benedetto Pamphili, créé à Rome en 1707.

Concert du samedi 31 juillet 2021, festival de Beaune. 

image_printImprimer
0 commentaires 1 FacebookTwitterPinterestEmail
Nicolas Darbon

Nicolas Darbon est professeur des universités en musicologie. Avant sa carrière universitaire à l'Université d'Aix-Marseille, il est professeur de musique en collèges-lycées en Normandie et en Guyane. Spécialiste de la musique des XXe-XXIe siècles, il organise de nombreux colloques. Membre du laboratoire LESA, il coordonne le Groupe de recherche sur la musique (GRiiiM) et des projets avec l'Afrique. Parmi ses livres : Pour une approche systémique de l'opéra contemporain ou Penser les métissages sonores. Il contribue notamment à L'Avant-scène opéra et à l'Histoire de l'opéra français publié chez Fayard. Outre sa participation. à Première Loge, il a écrit des analyses des opéras de Clapisson, Ferneyhough, Jolas, Messiaen, Pesson, Rihm...

Laisser un commentaire Annuler la réponse

Sauvegarder mes informations pour la prochaine fois.

This site uses Akismet to reduce spam. Learn how your comment data is processed.

post précédent
Les festivals de l’été – Le Corum de Montpellier sous le charme de Sonya Yoncheva
prochain post
La creazione, Haydn en version italienne et en symboles à Martina Franca

Vous allez aussi aimer...

Rome : Le Journal d’un disparu / La Voix...

30 octobre 2025

Quand la musique s’envole mais que la scène...

27 octobre 2025

La Chauve-Souris à Vienne –In memoriam KS Harald...

27 octobre 2025

Vienne : Une Nuit à VeniseJoyeux anniversaire, Johann !

27 octobre 2025

À la Fenice, un Wozzeck d’autrefois, traduit en...

25 octobre 2025

Mozart des grands soirs : Luxembourg fait un triomphe...

22 octobre 2025

Le Voyage de Komitas à Palaiseau : un...

19 octobre 2025

Fuoco di gioia 2025 au Festival Verdi de...

18 octobre 2025

JULIE M. ou l’insoumission baroque à l’Opéra de...

18 octobre 2025

Fuoco di gioia 2025: a “Festival Verdi”, un...

18 octobre 2025

En bref

  • Les brèves d’octobre –

    27 octobre 2025
  • Les brèves de septembre –

    29 septembre 2025

Humeurs

  • Les années 2020 : sombre époque pour les arts, la culture, l’humanisme…

    5 mars 2025

La vidéo du mois

Édito


  • Édito d’octobre –
    « O, mia musica, si bella e perduta… » : quand le cas Venezi révèle un malaise plus profond concernant les arts et la musique en Italie

    2 octobre 2025

PODCASTS

PREMIÈRE LOGE, l’art lyrique dans un fauteuil · Adriana Gonzàlez & Iñaki Encina Oyón – Mélodies Dussaut & Covatti

Suivez-nous…

Suivez-nous…

Commentaires récents

  • Stéphane Lelièvre dans SCALA DE MILAN : découvrez la richissime saison 2025-2026 !
  • Lelievre Stephane dans SCALA DE MILAN : découvrez la richissime saison 2025-2026 !
  • Sandra Bonazzi dans « Polimnia : l’opéra pour tous », un projet en pleine expansion pour faire vivre et partager l’opéra !
  • Rémi Godard dans SCALA DE MILAN : découvrez la richissime saison 2025-2026 !
  • ugo dans CRISE À LA FENICE : L’OPÉRA ITALIEN SOUS TENSION POLITIQUE

Première loge

Facebook Twitter Linkedin Youtube Email Soundcloud

Keep me signed in until I sign out

Forgot your password?

Login/Register

Keep me signed in until I sign out

Forgot your password?

Rechercher

Archives

  • Facebook
  • Twitter
  • Youtube
  • Email
Première Loge
  • Accueil
  • À Voir
  • Avant-concerts
  • Vu pour vous
  • Artistes
  • Œuvres
  • Médiathèque
  • Humeurs

A découvrirx

Rome : Le Journal d’un disparu /...

30 octobre 2025

Quand la musique s’envole mais que...

27 octobre 2025

La Chauve-Souris à Vienne –In memoriam...

27 octobre 2025