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Rome – Lohengrin, l’œuf et l’argent : la magie selon Michieletto

par Renato Verga 7 décembre 2025
par Renato Verga 7 décembre 2025

© Paolo Vanoni

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Lohengrin, Opéra de Rome, vendredi 5 décembre 2025.

La nouvelle production romaine de Lohengrin, dirigée par Mariotti et mise en scène par Michieletto, oppose la luminosité du protagoniste aux ombres d’Ortrud ; elle est servie par une lecture musicale privilégiant la transparence et un fort symbolisme scénique, fondé sur la couleur argentée et sur la notion de doute, visualisée par la métaphore de l’œuf. La distribution est quelque peu inégale, mais le chœur s’avère excellent. Un spectacle visuellement et théâtralement puissant, qui fera date.

Opéra féerique à la fin tragique, sollicitant également l’esthétique du drame historique : ainsi Carl Dahlhaus définit-il Lohengrin. Opéra romantique, selon l’auteur, qui puise ses racines dans la légende du chevalier au cygne Loherangrin esquissée par Wolfram von Eschenbach dans son poème Parzival et que Wagner recompose en lui donnant une aura merveilleuse, opposant à la magie blanche du protagoniste la magie noire d’Ortrud. Mais il y a plus encore : Wagner achève le processus d’« historicisation » que la légende avait subie entre Moyen Âge et Renaissance, en situant l’action au Xe siècle, à l’époque d’Henri l’Oiseleur et des guerres de Hongrie.
On doit ensuite au génie théâtral du compositeur la création d’Ortrud, personnage inexistant dans les sources médiévales et pourtant incontournable sur scène. C’est elle l’artisane de la transformation de Gottfried en cygne ; elle qui pousse Telramund à accuser Elsa ; elle enfin qui, après le mariage, inocule le poison du doute à l’épouse. Avec Ortrud se cristallise également l’axe thématique du paganisme et du christianisme, en parfaite harmonie avec le caractère de grand-opéra – ce que Lohengrin est en partie.

Rome n’est certes pas une ville wagnérienne, puisqu’il aura fallu cinquante ans pour que Lohengrin soit de nouveau à l’affiche – et pour la première fois dans sa version originale allemande ! Mais l’Opéra inaugure aujourd’hui sa saison avec un double début wagnérien : celui du directeur musical Michele Mariotti au pupitre et celui de Damiano Michieletto à la mise en scène.
Dès les premières notes du Prélude, Mariotti nous immerge avec une grande sensibilité dans la dimension transcendante et métaphysique du monde de Lohengrin grâce à une direction légère  et transparente, malgré quelques petites hésitations initiales des cordes. Sa lecture dessine avec une belle intensité poétique cet univers suspendu, lumineux, liquide, qui s’oppose aux timbres sombres et dissonants d’Ortrud et de Telramund et à la pompe militaire des fanfares.
Lohengrin est une œuvre charnière, encore liée aux premiers travaux de Wagner (Rienzi, Holländer, Tannhäuser), mais déjà tournée vers la révolution dramaturgique de Tristan, Meistersinger, du Ring et de Parsifal. Mariotti exalte cet équilibre, valorisant les grands monologues et la richesse mélodique, maintenant un dialogue subtil entre cordes et bois et guidant avec vigueur les cuivres dans leurs glorieuses affirmations. Il n’est pas anodin que le directeur ait choisi des chanteurs à la vocalité non wagnérienne mais plutôt italienne, presque belcantiste. Emblématique est le cas de Dmitrij Korčak, lui aussi débutant wagnérien et ténor d’élection rossinienne, bellinienne, donizettienne. Le très beau timbre et le phrasé élégant s’inscrivent parfaitement dans la tradition des Lohengrin lyriques et mesurés – les Kaufmann, les Cutler, voire le timbre diaphane de Vogt – désormais éloignés de l’héroïsme du Heldentenor. Korčak se place ainsi en pleine syntonie avec la ligne interprétative la plus moderne et avec le caractère « italien » de l’œuvre (voyez également l’interprétation du rôle-titre par Michael Spyres, en mars 2024, à Strasbourg). Le ténor entretient par ailleurs un lien réel avec Michieletto : Korčak fut le protagoniste de l’un des premiers succès du metteur en scène, Il dissoluto punito au Festival Mozart de La Corogne en 2006 (dans l’opéra de Ramón Carnicer, Don Giovanni Tenorio a une voix de ténor).
Le reste de la distribution apparaît plus disparate : l’Elsa de Jennifer Holloway est psychologiquement bien dessinée, mais vocalement, le timbre est loin d’être séduisant ; bien meilleure est l’Ortrud d’Ekaterina Gubanova, voix sombre et autoritaire qui dessine le personnage avec un parfait contrôle. Presque insupportable, en revanche, la rudesse du Telramund de Tómas Tómasson – déjà ainsi à la Scala il y a douze ans et inchangé depuis. Les faibles moyens vocaux de l’Heinrich de Clive Bayley ne convainquent pas non plus. Excellent, en revanche, Andrei Bondarenko en Héraut ; et le chœur, parmi les meilleurs d’Italie, préparé par Ciro Visco, est splendide.

Mais revenons au Prélude pour évoquer la vision scénique de Damiano Michieletto. À l’ouverture du rideau apparaît une femme devant l’étang où son petit frère s’est noyé – étang qui se révèle être ici une baignoire. La femme retire de l’eau un tee-shirt bleu et un short rouge, qu’elle étend ensuite sur une chaise. Et cet enfant, que l’on croit mort, réapparaîtra au dernier tableau  précisément avec ces vêtements.
La scène est dominée par un haut mur de bois incurvé, espace humain mais aussi salle de tribunal dans le premier acte. Ingénieuse est l’idée qui permet de résoudre l’affrontement entre Lohengrin et Telramund : d’en haut descend un monolithe d’argent dont coule le métal en fusion. Telramund en ressort horriblement brûlé, tandis que Lohengrin en émerge revêtu d’une armure étincelante : une différence essentielle entre les deux personnages rendue avec des moyens d’une ingéniosité raffinée.
Le centre symbolique de la mise en scène de Michieletto est l’œuf : emblème alchimique, métaphore du doute, initialement fermé, comme une vérité impénétrable. Au deuxième acte, Telramund recouvre d’une substance noire un grand œuf argenté conservé dans une vitrine. Lorsque l’œuf s’ouvre, cette même poix contaminera Elsa jusqu’à lui faire perdre la vue, comme il arrive au peuple de Brabant, déjà assiégé par une « forêt » d’œufs descendus du ciel comme une projection matérielle du doute collectif.
Une danse d’anneaux lumineux accompagne la nuit de noces, qui culmine avec la question fatale. Au mot « Montsalvat », les parois de bois se recouvrent d’un tissu argenté – encore l’argent ! – qui prépare le dénouement : le cercueil avec le cygne et le retour du jeune Gottfried, enfin couronné.
Secondé par les dispositifs artistiques créés par Paolo Fantin (les qualifier de simple « scénographie » serait vraiment réducteur !), le jeu de lumières génial d’Alessandro Carletti et les costumes des années quarante signés Carla Teti – magnifique, son Ortrud en tailleur et voilette noirs ! – le Lohengrin de Michieletto est assurément un spectacle à ne pas manquer. Ceux qui ne pourront y assister in situ pourront le retrouver sur RaiPlay.
En 2026 seront célébrés les cinquante ans de la production historique du Ring de Chéreau à Bayreuth. À sa manière, cette incursion wagnérienne de Michieletto apparaît elle aussi comme un événement d’ampleur, appelé à faire date.

Per leggere questo articolo nella sua versione originale in italiano, cliccare sulla bandiera!

Les artistes

Heinrich der Vogler : Clive Bayley
Lohengrin :  Dmitry Korchak
Elsa von Brabant : Jennifer Holloway
Friedrich von Telramund : Tómas Tómasson
Ortrud : Ekaterina Gubanova
Der Heerrufer des Königs : Andrei Bondarenko
Vier Brabantische Edle : Alejo Álvarez Castillo, Dayu Xu, Guangwei Yao, Jiacheng Fan
Vier Edelknaben : Mariko Iizuka, Cristina Tarantino, Silvia Pasini, Caterina D’Angelo

Chœur et orchestre du Teatro dell’Opera di Roma, dir. Michele Mariotti (chef de chœur Ciro  Visco)

Mise en scène : Damiano Michieletto
Décors : Paolo Fantin           
Costumes : Carla Teti                              
Lumières : Alessandro Carletti               
Dramaturgie : Mattia Palma

Le programme

Lohengrin

Opéra romantique en trois actes de Richard Wagner, livret du compositeur, créé au Großes Fürstliches Hoftheater de Weimar le 28 août 1850.

Représentation du vendredi 5 décembre 2025, Opéra de Rome.
Coproduction avec le Palau les Arts Reina Sofía di Valencia et le Teatro La Fenice di Venezia

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Jennifer HollowayMichele MariottiDamiano MichielettoDmitry KorchakEkaterina Gubanova
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Renato Verga

Diplômé en Physique de l'Université de Turin, Renato Verga a toujours eu une passion immodérée pour la musique et le théâtre. En 2014, il lance un blog (operaincasa.com) pour recueillir ses critiques de DVD d'opéra, de spectacles vus partout dans le monde, de concerts, de livres sur la musique. Renato partage l'idée que la mise en scène est une partie constitutive de l'opéra lui-même et doit donc comporter de nécessaires transformations pour s'adapter à notre contemporanéité.

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