À la une
À Rouen, SEMIRAMIDE au pays des vampires
Job, le procès de Dieu : création d’un opéra engagé et...
Festival du Haut-Limousin « Par les soirs bleus d’été »
La traviata à Tours : Violetta, prenez soin de vous !
Brèves de juin –
Découvrez la saison 25-26 de l’Opéra Orchestre national Montpellier Occitanie
Il barbiere di Siviglia revient à l’Opéra Bastille dans la...
Dernière saison d’Alain Surrans à ANGERS-NANTES OPERA
Se préparer à SEMIRAMIDE – Opéra de Rouen, 10-14 juin...
À Bruxelles, nouvel échec pour la thérapie de Don José ;...
  • Accueil
  • À Voir
  • Avant-concerts
  • Vu pour vous
  • Artistes
  • Œuvres
  • Médiathèque
  • Humeurs
Première Loge

Pour ne rien manquer de l'actualité lyrique, restons en contact !

Vu pour vous

Eugène Onéguine par Barrie Kosky : un spectacle incandescent !

par Stéphane Lelièvre 13 août 2020
par Stéphane Lelièvre 13 août 2020
0 commentaires 2FacebookTwitterPinterestEmail
1,3K

La Komische Oper de Berlin a trouvé, sous l’impulsion de son directeur Barrie Kosky, un dynamisme exceptionnel. Comme notre Opéra Comique, le théâtre berlinois remet judicieusement à l’honneur certains titres allemands trop longtemps délaissés (voir, par exemple, la critique de Frühlingsstürme de Weinberger par Laurent Bury), sans se refuser pour autant quelques excursions hors du répertoire national. Ainsi cet Eugène Onéguine a-t-il triomphé sur la scène du théâtre berlinois en 2016 (il a été repris au festival d’Edimbourg l’été dernier et sera programmé à Zurich en avril 2021).

Musicalement, la soirée est une réussite. On le doit avant tout au chef Henrik Nánási, conduisant les destins d’Eugène et Tatiana au drame final d’une main de maître, sans laisser fléchir la tension dramatique tout en délivrant une interprétation pleine de poésie des belles pages lyriques qui donnent à l’œuvre sa respiration. Les chœurs font preuve d’une implication sans faille, vocalement mais aussi scéniquement, chaque choriste proposant un jeu d’acteur individualisé. Les solistes sont globalement à la hauteur de leur tâche. On peut rêver d’un Monsieur Triquet (Christoph Späth) à l’émission plus stable, d’un Grémine (Alexey Antonov) au timbre plus rond, d’un Lenski (Aleš Briscein ) au lyrisme plus affirmé. Mais tous sont parfaitement crédibles dans leur rôle. Aleš Briscein, notamment, fait alterner, vocalement et scéniquement, fraîcheur, maladresse, et accès de violence, proposant un portrait du poète particulièrement convaincant. Karolina Gumos est une Olga séduisante, tandis que Margarita Nekrasova campe une Nourrice très touchante. Le baryton Günter Papendell (Onéguine) traduit à merveille, dans son chant comme dans son jeu, l’évolution du personnage, superficiel et arrogant au premier acte, complètement perdu et désemparé au finale. Le chant d’Asmik Grigorian (la fille de feu Gegam Grigorian), enfin, bouleverse par un jeu de couleurs très variées qui lui permettent de traduire avec le même talent la retenue de Tariana, l’émoi amoureux, l’effusion lyrique.

Séparer l’interprétation musicale de l’interprétation scénique n’a cependant guère de sens dans un spectacle dont l’émotion qu’il suscite repose sur la parfaite fusion de ces deux éléments. La mise en scène, remarquable, de Barrie Kosky est en effet en permanence au service de la musique dont elle semble plus d’une fois révéler le sens profond. Ce spectacle apporte la preuve, s’il en était besoin, que les stations spatiales, les EHPAD, les bordels, les banques,  les camps de réfugiés, les plateaux de cinéma dans lesquels une tradition – pour ne pas dire une routine – vieille d’au moins 30 ans maintenant place systématiquement l’action de n’importe quel opéra ne sont que le cosmétique de la mise en scène, ne sauraient se substituer à une véritable lecture – et que pour faire du neuf, de l’inédit, rien ne vaut peut-être un retour à l’œuvre elle-même, aux messages qu’elle délivre, à l’émotion qu’elle distille. L’introduction de l’opéra n’est pas jouée à la fin du premier acte, Lenski ne réapparaît pas au dernier acte pour chanter l’air de Grémine, Onéguine ne dit pas les paroles de la Nourrice ; il n’est pas vêtu en GI ni Lenski en employé de banque ; personne ne vient écrire en lettre rouges sang sur un mur les noms des protagonistes ou des slogans anti-capitalistes. Kosky respecte l’œuvre, infiniment, dans son esprit et dans sa lettre (seules entorses on ne peut plus minimes : quelques silences un peu longs, et le second « Ubit ! » – « Mort ! » – prononcé par Onéguine et non Zaretski). Et pourtant, ou pour cette raison, l’opéra de Tchaïkovsky atteint ici une incandescence stupéfiante et bouleverse le spectateur comme rarement. L’intelligence de la lecture éclate à chaque instant : Kosky ne plaque sur l’œuvre aucun message qui lui soit étranger, ne cherche aucunement à raconter autre chose que ce que disent la musique et le livret. Mais sa vision agit comme un catalyseur qui précipite les affects des personnages, leurs sentiments, leurs pulsions en les mettant au jour avec une clarté, une évidence exceptionnelles.

La tragédie de Pouchkine et Tchaïkovski en acquiert une urgence et une vérité psychologique d’autant plus fortes qu’elle est servie par une troupe d’artistes totalement crédibles et investis comme rarement sur une scène d’opéra. Pour toutes celles et ceux qui auront vu le visage encore presque adolescent, voire enfantin, de Tatiana, s’ouvrir à l’amour, se crisper sous l’effet de la déception puis de la détresse, ou celui de cet Onéguine ravagé, brûlé par la passion, le désir, l’angoisse et le désespoir lors du duo final, les héros de Tchaïkovsky et Pouchkine auront, pour très longtemps, les traits d’Asmik Grigorian et Günter Papendell, deux acteurs-chanteurs exceptionnels, littéralement habités par leur personnage. Nombreuses sont les scènes qui hantent le spectateur à la fin du spectacle :  la vison de Tatiana restée seule assise sur une chaise, infiniment triste, après la scène avec M. Triquet ; la scène de la provocation en duel, au dramatisme quasi insoutenable ; la mort de Lenski, qui se passe hors scène, Tatiana attendant anxieusement l’issue des événements, Onéguine revenant la chemise baignée de sang – ce qui laisse imaginer que le poète est mort dans les bras de son ami… Et surtout ce duo final, bouleversant au-delà de toute expression, l’orage d’été qui semblait menacer depuis le premier acte éclatant enfin, noyant Tatiana et Eugène sous le déluge des larmes que la bienséance leur interdit de verser…

Les théâtres français s’honoreraient d’inviter cette production exceptionnelle. On ne sort pas indemne de ce spectacle…

Les artistes

Yevgeny Onegin : Günter Papendell
Lensky : Aleš Briscein
Capitaine : Carsten Lau
Triquet : Christoph Späth
Zaretski : Yakov Strizhak
Prince Gremin : Alexey Antonov
Tatyana : Asmik Grigorian
Olga : Karolina Gumos
Larina : Christiane Oertel
Filippyevna : Margarita Nekrasova

Chœurs et orchestre de la Komische Oper de Berlin, dir. Henrik Nánási

Mise en scène : Barrie Kosky

 

Le programme

Eugène Onéguine

Opéra en trois actes et 7 tableaux de Piotr Ilitch Tchaïkovski,  livret de Constantin Chilovsky et du compositeur,  d’après Alexandre Pouchkine.

Production de la Komische Oper de Berlin (2016)

image_printImprimer
Barrie KoskyOpéra Comique de BerlinTchaikovskyAsmik Grigorian
0 commentaires 2 FacebookTwitterPinterestEmail
Stéphane Lelièvre

Stéphane Lelièvre est maître de conférences en littérature comparée, responsable de l’équipe « Littérature et Musique » du Centre de Recherche en Littérature Comparée de la Faculté des Lettres de Sorbonne-Université. Il a publié plusieurs ouvrages et articles dans des revues comparatistes ou musicologiques et collabore fréquemment avec divers opéras pour la rédaction de programmes de salle (Opéra national de Paris, Opéra-Comique, Opéra national du Rhin,...) Il est co-fondateur et rédacteur en chef de Première Loge.

Laisser un commentaire Annuler la réponse

Sauvegarder mes informations pour la prochaine fois.

This site uses Akismet to reduce spam. Learn how your comment data is processed.

post précédent
WEINBERGER, Frühlingsstürme – Levez-vous, orages désirés !
prochain post
La Fenice propose le rarissime Songe de Scipion de Mozart

Vous allez aussi aimer...

À Rouen, SEMIRAMIDE au pays des vampires

14 juin 2025

Job, le procès de Dieu : création d’un opéra...

14 juin 2025

Festival du Haut-Limousin « Par les soirs bleus d’été »

13 juin 2025

La traviata à Tours : Violetta, prenez soin de...

13 juin 2025

Brèves de juin –

13 juin 2025

Il barbiere di Siviglia revient à l’Opéra Bastille...

12 juin 2025

À Bruxelles, nouvel échec pour la thérapie de...

9 juin 2025

Retour triomphal de Pretty Yende au Théâtre des...

9 juin 2025

Núria Rial et l’Accademia del Piacere donnent le...

9 juin 2025

Le REQUIEM de Donizetti à Saint-Denis, ou l’hommage...

6 juin 2025

En bref

  • Brèves de mai –

    30 mai 2025
  • Les brèves de mars –

    14 mars 2025
  • Les brèves de février

    25 février 2025
  • Sauvons l’Avant-Scène Opéra !

    18 février 2025
  • L’Avant-Scène Opéra, c’est fini…

    7 février 2025

Humeurs

  • Les années 2020 : sombre époque pour les arts, la culture, l’humanisme…

    5 mars 2025

Édito

  • Les années 2020 : sombre époque pour les arts, la culture, l’humanisme…

    5 mars 2025

La vidéo du mois

PODCASTS

PREMIÈRE LOGE, l’art lyrique dans un fauteuil · Adriana Gonzàlez & Iñaki Encina Oyón – Mélodies Dussaut & Covatti

Suivez-nous…

Suivez-nous…

Commentaires récents

  • cecile PABA ROLLAND dans Il trovatore à Marseille : Le chant de l’Extrémo
  • Stéphane Lelièvre dans À Bruxelles, nouvel échec pour la thérapie de Don José ; nouveau succès pour la Carmen de Tcherniakov !
  • Alessandro dans À Bruxelles, nouvel échec pour la thérapie de Don José ; nouveau succès pour la Carmen de Tcherniakov !
  • antonio meneghello dans GEORGE GAGNIDZE : « Mi accosto a Verdi con la massima venerazione e rispetto… »
  • Giancarlo Arnaboldi dans Berliner Philharmoniker: memorabile Madama Butterfly di Kirill Petrenko, Eleonora Buratto e Jonathan Tetelman

Première loge

Facebook Twitter Linkedin Youtube Email Soundcloud

Keep me signed in until I sign out

Forgot your password?

Login/Register

Keep me signed in until I sign out

Forgot your password?

Rechercher

Archives

  • Facebook
  • Twitter
  • Youtube
  • Email
Première Loge
  • Accueil
  • À Voir
  • Avant-concerts
  • Vu pour vous
  • Artistes
  • Œuvres
  • Médiathèque
  • Humeurs

A découvrirx

À Rouen, SEMIRAMIDE au pays des...

14 juin 2025

Job, le procès de Dieu : création...

14 juin 2025

Festival du Haut-Limousin « Par les soirs bleus...

13 juin 2025