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Roberto Tagliavini, la plus classe des basses

par Stéphane Lelièvre 17 septembre 2019
par Stéphane Lelièvre 17 septembre 2019
© Victor Santiago
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Une Carmen en avril dernier, un Stabat mater de Rossini en mai, un Ernani très prochainement à Lyon, Paris (TCE) et Vichy (respectivement les 6, 8 et 10 novembre) : Roberto Tagliavini est très présent en France ces temps-ci, pour le plus grand plaisir des amateurs de chant noble, sobre et racé.
Rencontre avec un gentleman dont l’immense talent n’a d’égal que la gentillesse.

Roberto Tagliavini, Escamillo, Opéra de Paris

Le printemps dernier, vous avez chanté pour la seconde fois Escamillo dans la mise en scène de Calixto Bieito…
Oui et c’est un grand plaisir ! J’aime d’autant plus travailler à l’Opéra Bastille que je commence à bien connaître la maison, j’y ai chanté plusieurs fois. Je retrouve toujours une équipe très agréable et très professionnelle, je sais comment les gens travaillent et eux commencent à me connaître également : j’ai un peu l’impression d’être à la maison – ou dans une deuxième maison !

Escamillo à l’Opéra Bastille

La mise en scène de Bieito, même si elle fut créée il y a 20 ans, garde un côté sulfureux… Et elle est extrêmement « physique » pour les interprètes ! Est-il difficile d’entrer dans la conception d’un metteur en scène qui bouscule les visions pré-établies qu’on peut avoir de l’œuvre ?
Je suis habitué aux toreros un peu « décalés » ! Il y a quelques années, j’ai fait à Anvers un Escamillo qui arrivait en scène avec un pitbull tenu en laisse, et ce n’était pas facile de conserver intacte la ligne de chant en essayant de maîtriser le chien qui voulait courir ici ou là sur le plateau ! Jusqu’à présent, je n’ai eu que de bonnes expériences avec les metteurs en scène (je ne sais pas s’ils diraient la même chose de moi ! J’espère…) : j’ai toujours travaillé avec des personnes avec qui on peut discuter, qui écoutent également quelle est ma conception du rôle. En fait, lorsqu’il s’agit d’une prise de rôle et que l’on arrive l’esprit vierge, je n’ai guère de difficulté à m’adapter à une conception même si elle est très particulière – à condition toutefois que cela ne mette pas en péril ma façon de chanter. C’est bien plus difficile lorsque j’ai déjà interprété le personnage et que je dois me déshabituer  d’une image du personnage que j’ai construite.

Votre Escamillo n’avait rien du torero hâbleur, debout sur la table, qui en fait des tonnes pour séduire Carmen… et le public ! Il est sobre, élégantissime…
Je suis content que vous disiez que mon Escamillo est sobre car c’est très exactement l’image que j’ai voulu donner ! D’abord parce qu’elle correspond bien à ma nature – je suis quelqu’un de plutôt discret – mais aussi parce que le metteur en scène le voit également comme cela : Escamillo passe son temps à risquer sa vie ; quand il n’est pas en train de combattre le taureau, Calixto Bieito le voit plutôt calme et posé…

Des deux composantes dont est fait l’opéra – le théâtre et la musique –, quelle doit être selon vous la part de l’une et de l’autre ? Y en a-t-il une qui prime ?
Ce qui compte pour moi, c’est que l’aspect théâtral découle de la musique, n’ajoute rien de superflu par rapport à ce que dit la musique. Je cherche, par exemple, à obtenir une gestuelle qui soit à la fois naturelle et très sobre. Je ne crois pas que dans l’attitude, les  gestes, il faille nécessairement en faire plus que ce que l’on ferait dans la vie quotidienne. Je n’aime pas tout ce qui est trop expressionniste, démonstratif, et je cherche le plus souvent à « enlever », à simplifier, à épurer, plutôt qu’à ajouter. Il m’arrive d’ailleurs de retravailler un rôle en ce sens. Ainsi la première fois que j’ai chanté les quatre diables des Contes d’Hoffmann dans la mise en scène de Robert Carsen à l’Opéra Bastille, il y avait plusieurs choses que je n’aimais pas dans mon jeu scénique et j’ai essayé de le modifier pour apparaître plus simple, plus sobre, plus convaincant. L’idéal pour moi, c’est de trouver et de donner à voir l’essence du personnage au-delà de son aspect extérieur.

Vous tenez ici curieusement les mêmes propos que l’actrice Isabelle Huppert, pour laquelle « jouer, c’est soustraire, et non ajouter » ! (Interview donnée à Télérama, 15/05/2009, NDR). Est-ce ce soin que vous apportez à l’incarnation des personnages qui vous fait soigner à ce point votre diction, et en particulier votre français qui est très pur ?
Peut-être, mais je dois dire de toute façon que c’est pour moi un grand plaisir de chanter en français, même si plusieurs de mes collègues trouvent cela plutôt difficile. Pour ma part, le chant français permet à ma voix de se placer comme naturellement, je ne saurais pas vraiment expliquer pourquoi. Mon répertoire se partage d’ailleurs essentiellement entre des œuvres italiennes et françaises. J’ai déjà chanté le Méphisto de La Damnation, Nourabad des Pêcheurs de perles, Escamillo de Carmen, Frère Laurent de Roméo et Juliette, les quatre diables des Contes d’Hoffmann et le Comte Des Grieux dans Manon, et j’espère bien ajouter prochainement d’autres rôles français à mon répertoire !

Dapertutto à l’Opéra Bastille

Y a-t-il des chanteurs que vous aimez écouter et dont peut-être vous vous inspirez ?
Oui, bien sûr, des chanteurs d’aujourd’hui ou d’autrefois. Samuel Ramey par exemple, Michele Pertusi, pour qui j’ai une très grande admiration, mais aussi José van Dam, Jules Bastin… En fait je ne cherche pas spécialement à imiter. Je repère plutôt ce qui me séduit dans telle ou telle interprétation, puis j’essaie de faire miens ces différents éléments, en les adaptant à ma voix et à ma personnalité.

Van Dam et Bastin, je comprends mieux le soin que vous apportez à votre diction et la qualité de votre français ! Après cette série de Carmen à l’Opéra de Paris, il y a eu le Stabat Mater de Rossini à la Philharmonie, Luisa Miller à Salzbourg, Le Trouvère à Madrid, il y aura bientôt Ernani et Manon de nouveau en France, Nabucco et La Cenerentola à Vienne, La Bohème à Munich ; vous avez déjà chanté sur toutes les scènes du monde les plus importantes, la Scala, le Met, Londres bientôt… C’est très impressionnant pour une carrière qui est encore toute jeune !
Certes mais c’est aussi peut-être pour moi une façon de rattraper un certain retard, car je suis entré plutôt tard dans la profession ! Rien ne me prédestinait en particulier au chant, si ce n’est peut-être l’amour de mon père pour l’opéra. Mais en tant que jeune adulte, j’avais choisi des voies toutes différentes : je travaillais en tant que géomètre (notez que je construisais, entre autres, des fauteuils pour des salles de théâtre, j’avais donc quand même déjà un pied dans le monde du spectacle !), et je menais parallèlement des études liées à la protection de l’environnement. Le déclic a eu lieu par hasard : tombé malade, j’ai dû rester à la maison plusieurs jours et j’en ai profité pour écouter un disque de Turandot que possédait mon père. J’ai été littéralement fasciné, je me suis vite mis à chanter tous les rôles (même Liù et Turandot !). Mon père m’a entendu et trouvant que j’avais une belle voix, il m’a demandé de chanter devant un ami à lui qui connaissait très bien le chant (il faisait partie du Circolo Parma Lirica), lequel m’a fait chanter devant Carlo Bergonzi ! Le grand ténor a estimé que j’avais des moyens intéressants, et m’a encouragé à prendre des leçons de chant sans pour autant quitter tout de suite mon travail, le monde de l’opéra étant un milieu particulièrement difficile… Puis j’ai eu la chance de travailler pour un patron extrêmement compréhensif qui a tout fait pour que je puisse continuer à pratiquer la musique : il m’a accordé les congés dont j’avais besoin pour prendre des cours, passer des concours, des auditions, etc. Enfin, j’ai décidé de franchir le cap et de devenir professionnel, mais j’avais déjà 28 ans.

Et aujourd’hui, comment qualifieriez-vous votre voix ?
Avec Escamillo, je me confronte à la partie haute de ma tessiture ! Le rôle est ainsi écrit que les basses y sont parfois à la peine dans l’aigu, et les barytons dans les graves.

Vous y êtes pourtant parfaitement à l’aise ! Et vous faites même un remarquable diminuendo sur l’aigu de « Si tu m’aimes » dans le duo final avec Carmen…
Peut-être, mais lorsque je chante ce rôle, il me faut un temps d’adaptation, tout comme il me faut un temps d’adaptation si je renoue ensuite avec des rôles plus graves !

Vous êtes également à l’aise avec les colorature… et l’on sent dans votre chant, même dans le répertoire français, un technique toute belcantiste, par exemple dans le legato que vous soignez particulièrement…
Oui, je chante beaucoup de Rossini (je n’ai jamais chanté Mosè, j’adorerais…), mais aussi Bellini, Donizetti. J’aime beaucoup Verdi, mais je n’en chante pour l’instant que quelques rôles, plutôt ceux, d’ailleurs, qui sont d’école belcantiste : Attila, Zaccaria dans Nabucco, Silva dans Ernani que je chanterai l’an prochain. J’ai également chanté Pagano dans I Lombardi, un rôle difficile mais qui m’intéresse beaucoup… On m’a déjà proposé Philippe II, que j’ai refusé pour l’instant, je pense que je n’étais pas prêt : si je chante un rôle, je veux être sûr de le faire au mieux, afin qu’on me le repropose ! Mais j’adore bien sûr Philippe II et la prise de rôle viendra sans doute bientôt…

Attlia à Vérone

Cela sera fort intéressant d’avoir un Philippe qui, conformément à la vérité historique, ne soit pas un vieillard, et cela donnera sans doute une nouvelle couleur très intéressante à la rivalité amoureuse qui l’oppose à son fils… Merci infiniment Roberto Tagliavini, nous vous attendons avec beaucoup d’impatience dans Ernani et Manon !

Questions Quizzz...

Le rôle que, même dans vos rêves les plus fous, vous adoreriez chanter ?
Parfois j’aimerais être baryton pour pouvoir chanter certains barytons verdiens ! Sinon, outre Philippe II, Boris Godounov bien sûr. Philippe II et Boris, ce sont des rôles qui couronnent la carrière d’une basse. Et puis un Italien a déjà montré qu’il pouvait être un grand Boris : je pense à Ferruccio Furlanetto…

Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans le métier ?
Me sentir citoyen du monde. Pouvoir visiter dans le cadre de mon travail les lieux mêmes où se déroule l’action de certaines œuvres que j’interprète ! Me plonger dans plusieurs cultures différentes. Et puis paradoxalement, cela renforce également, d’une certaine façon, mon attachement à ma région d’origine… (NDR : Parme et l’Émilie-Romagne).

Ce qui vous plaît le moins ?
La solitude. Être trop peu souvent auprès de ma femme et de ma petite fille de 4 ans, ne pas la voir grandir, ne pas être là pour tous ses anniversaires ou les anniversaires de ses amis.

Qu’auriez-vous pu faire si vous n’aviez pas chanté ?
J’aurais sans doute continué ma carrière de géomètre, ou bien j’aurais continué mes études liées à la protection de l’environnement.

Une activité favorite quand vous ne chantez pas ?
J’aime bien jouer au tennis, y compris quand je chante d’ailleurs : je me renseigne toujours pour savoir s’il y a un club pas trop loin où je puisse m’entraîner ! J’adore aussi me balader, tout simplement. La dernière fois que suis venu à Paris, il m’est arrivé d’aller de Bastille à la Villette  à pied, puis de revenir, tout simplement pour profiter de la ville.

Un livre ou un film que vous appréciez particulièrement.
Le film, ce serait Le Cercle des poètes disparus de Peter Weir.
Le livre : Il sergente nella neve (Le Sergent dans la neige), de Mario Rigoni Stern. J’en avais lu quelques extraits dans mon livre de lecture lorsque j’étais à l’école, et j’avais demandé à ma mère de m’acheter l’ouvrage. Le livre évoque la guerre et les effroyables conditions de vie des soldats. Le devoir de mémoire est important pour moi. Nous oublions souvent comment vivaient les jeunes qui ont eu le malheur de naître durant ces années terribles…

Interview réalisée par Stéphane Lelièvre en septembre 2019

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Stéphane Lelièvre

Stéphane Lelièvre est maître de conférences en littérature comparée, responsable de l’équipe « Littérature et Musique » du Centre de Recherche en Littérature Comparée de la Faculté des Lettres de Sorbonne-Université. Il a publié plusieurs ouvrages et articles dans des revues comparatistes ou musicologiques et collabore fréquemment avec divers opéras pour la rédaction de programmes de salle (Opéra national de Paris, Opéra-Comique, Opéra national du Rhin,...) Il est co-fondateur et rédacteur en chef de Première Loge.

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