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Les festivals de l’été –
Pygmalion de Rameau prend ses quartiers au château d’Ancy-le-Franc

par Nicolas Le Clerre 26 juillet 2025
par Nicolas Le Clerre 26 juillet 2025

© Fannie Vernaz - festival Musicancy

© Fannie Vernaz - festival Musicancy

© Fannie Vernaz - festival Musicancy

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Au cœur d’une programmation qui faisait un peu moins de place à la voix que ses éditions précédentes, le festival Musicancy affichait ce 17 juillet Pygmalion de Jean-Philippe Rameau dans l’écrin de la cour du château d’Ancy-le-Franc. À l’instar du héros éponyme et d’Olivier Fortin qui dirige l’ensemble Masques, le public bourguignon est « tombé en amour » de ce petit bijou musical.

Un amour de 30 ans

Alors que la plupart des festivals d’été concentrent sur quelques jours l’ensemble de leur programmation, Musicancy fait le pari du temps long et étale sur près de quatre mois – de mai à septembre – ses rendez-vous musicaux. La vertu de ce calendrier est de transformer chaque concert en retrouvailles festives et il suffit pour s’en convaincre d’observer le public converger vers l’esplanade du château 45 minutes avant le début de la représentation : dans un sympathique brouhaha pas snob pour deux sous, on s’embrasse comme du bon pain, on se donne l’accolade, on échange sur la chaleur qui baigne ce coin de Tonnerrois depuis le début de la semaine et on garde des chaises pour les amis retardataires qui risquent de manquer la clé d’écoute d’avant concert !

Il faut reconnaitre à Fannie Vernaz et à tous les bénévoles du festival le talent d’avoir su faire de Musicancy ce moment privilégié où, dans un lieu d’exception, les artistes et la musique se donnent à partager en toute simplicité à l’image d’Olivier Fortin qui vient à la rencontre du public en t-shirt et bermuda, chaussé de spartiates, pour l’entretenir de la place de Pygmalion dans la production lyrique de Jean-Philippe Rameau.

Avec l’enthousiasme des gens passionnés, une pointe d’accent québécois émaillant la chaleur de son discours, le jeune chef bourguignon d’origines canadiennes (qui peut sérieusement croire que sa silhouette adolescente est celle d’un quinquagénaire ?) partage avec les festivaliers sa passion pour l’univers ramiste, le génie rythmique de sa musique et son envie, vieille de 30 ans, de monter Pygmalion.

Pour la première participation de l’ensemble Masques au festival Musicancy, ce désir peut devenir réalité même si les temps de répétition ont été excessivement contraints. Moins d’une semaine pour tout mettre en place relève de la gageure mais après une première représentation à l’abbaye de Cluny – et la veille de redonner le même programme à la basilique Notre-Dame de Beaune – toutes les conditions étaient réunies pour faire de cette soirée ancéacquaise un des temps forts de la 22e édition du festival Musicancy.

Jean-Philippe Rameau en sa cour

La partition de Pygmalion n’excédant pas une heure de musique, Olivier Fortin et l’ensemble Masques ouvrent le concert par une suite d’orchestre extraite de la tragédie lyrique Hippolyte et Aricie. Rondeaux, gavottes et ritournelles n’ont pas leur pareil pour « chauffer » les instrumentistes, exciter la curiosité des spectateurs et faire la démonstration des affinités des musiciens avec la subtile grammaire ramiste.

Dès l’ouverture, les pupitres des cordes conduits par le Sophie Gent sonnent avec un éclat qui est la marque des meilleures formations baroques. D’une précision millimétrée, les violons de l’ensemble Masques ont le soyeux indispensable à l’exécution de la musique française du XVIIIe siècle et caressent l’oreille du public par leur élégance de bon ton. Dans les passages plus emportés – le Tonnerre de Rameau n’a pas à rougir de la comparaison avec les tempêtes orchestrales composées plus tardivement par Gluck, Rossini et Verdi – ils gardent la même homogénéité sans rien perdre de leur précision.

La suite d’Hippolyte et Aricie permet aussi à chacun des pupitres de briller à tour de rôle : la virtuosité des flûtes éclabousse l’interprétation des deux gavottes vives, le basson ponctue la Ritournelle de sa brillante pulsation et les hautbois de Jasu Moisio et Rodrigo Gutiérrez connaissent leur minute de gloire dans les rigaudons qui transfigurent de simples danses paysannes en grands divertissements de Cour.

Le public s’étant familiarisé avec l’orchestre de Rameau, la seconde partie du concert est consacrée à Pygmalion et confirme la science ramiste de la composition pour les voix. Cet acte de ballet – considérablement plus modeste que les tragédies lyriques auxquelles le compositeur s’est aussi essayé – ne requiert pas un grand nombre de voix mais chacune doit être rigoureusement en place pour donner sa cohérence à l’ensemble.

Cyril Auvity connait son Pygmalion sur le bout des doigts en même temps qu’il est le dépositaire d’une partie de l’enseignement de William Christie avec qui il a débuté au début des années 2000. Fort de cette riche expérience, le ténor français survole la représentation grâce à un timbre limpide, un trille solide et une prononciation du français rigoureusement châtiée. Son chant palpite de l’amour du sculpteur pour la statue qu’il a façonnée et il parvient à incarner son chant au point qu’on en oublie très rapidement la frustration de n’assister qu’à une version de concert de ce bijou ramiste.

Habituée à coopérer avec Olivier Fortin et les Masques, Hannah Ely fait ici une première incursion dans le répertoire baroque français et ajoute à son arc une corde déjà bien aiguisée. Dans le rôle de la statue, la soprano britannique donne à entendre un timbre charnu immédiatement séduisant. Rompue au style français, elle déclame Rameau avec naturel mais sans se départir d’une pointe d’accent anglais qui lui fait prononcer certaines voyelles de manière un peu trop fermée. Cette réserve émise, on reste ébahi par la pureté de l’aigu émis sur la phrase « C’est que je vous adore » qui conclut la troisième scène.

Marie-Frédérique Girod est une artiste polymorphe, à la fois danseuse, musicienne et chanteuse. Le court rôle de Céphise – amoureuse éconduite de Pygmalion – lui permet d’imposer d’emblée une véritable nature et de montrer un réel engagement dramatique pour incarner son personnage. Vocalement, le portrait est solide et s’appuie sur un timbre clair, bien projeté, idéalement calibré pour l’espace clos de la cour du château d’Ancy-le-Franc.

Depuis un concert entendu à Froville l’an passé, on savait Judith van Wanroij particulièrement familière avec l’esthétique ramiste. Le personnage de l’Amour le confirme et convient comme un gant à son timbre éminemment lyrique et à l’élégance de sa silhouette gainée d’un fourreau noir pailleté d’une suprême élégance. Fine musicienne, la soprano néerlandaise est capable de souples vocalises, de liaisons idiomatiques et d’un jeu de scène enthousiaste.

Marie Pouchelon, Davy Cornillot et Josquin Gest assurent les brèves parties du chœur avec professionnalisme. Leurs voix sont encore un peu vertes mais déjà prometteuses ; pour consolider la projection de leurs instruments en devenir, il leur faut continuer à travailler et capitaliser sur leurs coopérations à des projets artistiques comme ce Pygmalion.

Au clavecin, Olivier Fortin est le grand ordonnateur de ce petit bijou musical qui trouve, dans la cour du château d’Ancy-le-Franc, l’écrin aux justes dimensions. D’un calme olympien, du seul regard, il corrige l’allant d’un tempo ou impose une nuance que saisissent immédiatement ses troupes de l’ensemble Masques. Cette placidité convient idéalement à la musique de Rameau qu’il est toujours inutile de brusquer par une direction trop hâtive.

Sur le podium dressé au fond de la cour du château, Pygmalion est donné dans une version semi-scénique dont les tableaux ont été réglés par Thomas Condemine : un grand voile de tulle gris, quelques chaises et l’implication dramatique des solistes réussissent le miracle de donner à imaginer ce que pourrait être une production de cet acte de ballets avec décors et costumes.

À l’issue de la représentation, les 150 spectateurs dont la curiosité avait été piquée par la présence à l’affiche de Musicancy de cette pépite ramiste confirment leur enthousiasme en réservant des applaudissements nourris à tous les artistes ! Le plaisir d’avoir tous communié en musique est tel que beaucoup cherchent à le prolonger et s’attardent au-delà du spectacle, curieux de goûter les crus du domaine Pierre Paillot tandis qu’en parfaite hôtesse Fannie Vernaz circule parmi le public en proposant des gougères bourguignonnes et des cubes de jambon persillé…

La part vocale du festival Musicancy s’achevant cette année sur ce Pygmalion, Première Loge n’aura pas l’occasion de se rendre à Ancy-le-Franc pour les deux derniers concerts de cette 22e édition mais recommande néanmoins, dimanche 14 septembre, d’aller prêter l’oreille au jeune prodige violoniste Théotime Langlois de Swarte qui devrait renouveler dans la cour du château le petit miracle de son récent enregistrement des Quatre saisons de Vivaldi pour le label Harmonia mundi. Quant à ceux de nos lecteurs qui seraient curieux de réentendre Olivier Fortin et l’ensemble Masques dans leur ultime reprise de Pygmalion, ils devront se rendre à Utrecht le 4 septembre.

Les artistes

Pygmalion : Cyril Auvity
La Statue : Hannah Ely
L’Amour : Judith van Wanroij
Céphise : Marie-Frédérique Girod
Chœur : Marie Pouchelon, Davy Cornillot, Josquin Gest
Ensemble Masques
Direction musicale : Olivier Fortin
Mise en espace : Thomas Condemine

Le programme

Jean-Philippe Rameau (1683-1764)

Hippolyte et Aricie – tragédie en musique, version de 1742
Suite d’orchestre
Ouverture – Entrée des habitants de la forêt
Air en rondeau pour Les Amours – Gavotte vive I & II
Premier Air – Tonnerre – Deuxième Air des furies
Ritournelle – 1er et 2e Rigaudons – Symphonie

Pygmalion – Acte de ballet sur un livret de Sylvain Ballot de Sauvot, créé à l’Académie royale de musique de Paris le 27 août 1748

Château d’Ancy-le-Franc, concert du jeudi 17 juillet 2025.

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Olivier FortinHannah ElyMarie-Frédérique GirodCyril AuvityJudith van Wanroij
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Nicolas Le Clerre

C’est un Barbier de Séville donné à l’Opéra National de Lorraine qui décida de la passion de Nicolas Le Clerre pour l’art lyrique, alors qu’il était élève en khâgne à Nancy. Son goût du beau chant le conduisit depuis à fréquenter les maisons d'Opéra en Région et à Paris, le San Carlo de Naples, la Semperoper de Dresde ou encore le Metropolitan Opera de New-York. Collectionneur compulsif de disques, admirateur idolâtre de l’art de Maria Callas, Nicolas Le Clerre est par ailleurs professeur d’Histoire-Géographie, Président de la Société philomathique de Verdun, membre de l'Académie nationale de Metz et Conservateur des Antiquités et Objets d'Art de la Meuse.

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