À de très rares exceptions près (Le Coq d’or bien sûr, ou encore Le Conte du tsar Saltan, récemment remis à l’honneur à Bruxelles ou à l’Opéra du Rhin, les opéras de Rimski-Korsakov ne sont guère programmés sur les scènes françaises ou européennes… L’œuvre lyrique du compositeur russe, riche de quinze titres, comporte pourtant de vrais bijoux, sur lesquels Première Loge fait le point…
De l’École Navale de Saint-Pétersbourg au Groupe des Cinq
Nikolaï Andréïevitch Rimski-Korsakov (1844-1908), un nom chantant, presque exotique, pour nos oreilles françaises… Mais qui était-il ? Au-delà des reprises en concert de Shéhérazade, le connaissons-nous vraiment ?
Rimski-Korsakov est né dans une famille noble de riches propriétaires terriens. Son oncle était amiral, son frère aîné, officier de Marine. Tout jeune, Nikolaï se passionna pour les récits des navigateurs et il envisagea d’adopter la même carrière que son frère aîné. Il entra à l’École Navale de Saint-Pétersbourg, mais apprit très jeune à jouer du piano. Il fut très impressionné lorsqu’il entendit pour la première fois l’opéra La Vie pour le tzar de Glinka. Ce jeune capitaine au long cours, qui aimait la navigation à peu près autant que les critiques musicaux (ce qui n’est pas peu dire !), était fasciné par la mer, univers souvent abordé dans ses ouvrages, tant scéniques qu’orchestraux.
Pendant son temps passé en mer, Nikolaï écrivit sa Symphonie n°1 et la dédia à Mily Balakirev. Ce dernier créa en 1861 ce qui deviendrait le célèbre Groupe des Cinq ; il fut rejoint par César Cui, et surtout Alexandre Borodine et Modeste Moussorgski. De retour de son périple maritime, âgé seulement de 17 ans, Rimski-Korsakov en devint le plus jeune représentant. En réaction à la formation traditionnelle occidentale, dispensée dans les Conservatoires créés en 1862 par Anton Rubinstein (élève le plus célèbre : Piotr Tchaïkovski), les Cinq, quasi autodidactes, se fixèrent pour but d’élaborer un art spécifiquement russe, puisant aux sources des musiques populaires.
Néanmoins, conscient de ses lacunes techniques, Rimski-Korsakov entreprit par correspondance des études de contrepoint et de fugue sous le contrôle de Tchaïkovski, justement ! Rimski-Korsakov se présentait lui-même comme un « musicien du dimanche ». Il fut pourtant nommé professeur d’instrumentation et de composition au Conservatoire de Saint-Pétersbourg à vingt-six ans, alors que, de son propre aveu, il était tout juste digne d’être élève…
L’œuvre orchestrale de Rimski-Korsakov est régulièrement présente aux programmes des concerts, surtout sa trilogie Shéhérazade, Capriccio Espagnol et La Grande Pâque Russe, un peu moins Antar, la Sinfonietta, Sadko, la Fantaisie Serbe (éreintée par les critiques mais ardemment défendue par Tchaïkovski) ou Skazka.
Rimski « l’arrangeur »…
En France, ses opéras sont fort mal connus, rarement joués et enregistrés. De plus, sur ce domaine précis, l’action de « réviseur » et « correcteur » de Rimski-Korsakov envers les opéras de Dargomijski, Borodine et Moussorgski, bloque encore trop souvent les élans envers ses propres ouvrages scéniques. Pour ne prendre qu’un exemple, malgré sa mauvaise compréhension du génie de Moussorgski, Rimski-Korsakov contribua à inscrire Boris Godounov à la postérité. Dans son autobiographie Chronique de ma vie musicale (rééditée chez Fayard en 2008), il se justifie en ces termes :
« Je fus incroyablement content de mon arrangement et de mon orchestration de Boris Godounov, que j’entendais pour la première fois joué par un grand orchestre. Les farouches défenseurs de Moussorgski faisaient un peu la grimace, comme s’ils regrettaient quelque chose. Mais en réalisant une nouvelle version de Boris, je n’avais pas détruit son aspect initial, je n’avais pas recouvert à jamais les anciennes fresques. Si l’on vient un jour à la conclusion que l’original a plus de valeur que mon arrangement, on abandonnera ma version et on exécutera Boris d’après la partition originale. »
De son côté, dans la biographie Rimski-Korsakov, sa vie, son œuvre, (Flammarion/1958), Rostislav-Michel Hofmann précisait :
« Rimski-Korsakov a consacré, au total, cinq années pleines de sa vie à réviser les partitions de Moussorgski, et ce à titre totalement bénévole. Son unique dessein était de servir la mémoire de son ancien compagnon d’armes, en faisant jouer des œuvres qui n’étaient pas exécutées et ne l’auraient probablement jamais été sans l’intervention du « censeur » ; Boris Godounov avait disparu de l’affiche au bout de quelques représentations, et ç’avait été un faux succès. (…) Il s’agissait donc pour Rimski de « faire passer » la musique de Boris et, pour cela, de l’approcher tant soit peu de l’oreille de ses contemporains, trop pleines encore des sonorités de Meyerbeer, s’adaptant timidement à celles de Wagner et incapables de percevoir des beautés plus discrètes. »
Rimski-Korsakov était un personnage hors du commun, au point que dans son ouvrage La Rhapsodie. Verve et improvisation musicale, paru en 1955, le philosophe et musicologue Vladimir Jankélévitch lui consacra un essai fondamental, réédité en 1988 dans le recueil La Musique et les Heures. En voici une citation :
« Les éléments, les météores et les astres se sont donné rendez-vous dans les opéras de Rimski-Korsakov, et en première ligne la mer, qui relationne entre eux les continents du globe, le soleil qui est au Levant, la grande chimère orientale des navigateurs. »
Les quinze opéras de Rimski-Korsakov
Ce membre inspiré et fécond du Groupe des Cinq consolida les bases d’une musique authentiquement russe. Les générations suivantes, de Glazounov à Scriabine, de Prokofiev à Stravinski (qui fut son élève), sauraient s’en souvenir… Mais qu’en est-il de ses quinze opéras : La Pskovitaine ou Ivan le Terrible (1873), Vera Cheloga (1873 remaniée en 1898), La Nuit de Mai (1878/79), Snégourotchka (1882), Mlada (1890), La Nuit de Noël (1895), Sadko (1898), Mozart et Salieri (1898), La Fiancée du Tzar (1899), Le Conte du Tzar Saltan (1900), Servilia (1900), Katscheï l’immortel (1902), Pan Voiévode (1904), Kitège (1907), Le Coq d’Or (1909) ?
Les influences : Rimski-Korsakov subit d’abord celle de Balakirev pour tout ce qui concerne le coloris russe en général. Dargomijski exerça une influence certaine sur le travail des récitatifs. Pour Moussorgski, il hérita de sa technique du récitatif réaliste et de sa science à évoquer les grands événements historiques. Son travail sur l’achèvement du Prince Igor de Borodine consolida plus tard ses évocations de la Russie médiévale, tout comme ses révisions des œuvres de Glinka. La comparaison avec Tchaïkovski est fascinante, leurs forces de conviction étant fort différentes, que ce soit pour le traitement des sujets (Snégourotchka, musique de scène chez l’un, opéra chez l’autre) ou l’abord des thèmes historiques (L’Opritchnik face à La Fiancée du Tsar), par exemple.
Pour les influences étrangères, Berlioz est indéniable pour l’orchestration, inspirant d’ailleurs à Rimski son propre traité, Éléments d’orchestration (1905). L’influence de Liszt est tout aussi forte, mais surtout dans le domaine du poème symphonique. Mélodiste subtil, Rimski-Korsakov revendiquait d’être fortement influencé par Chopin. Enfin, une influence majeure qui a souvent été évoquée, est celle de Wagner ; cela se justifie par la place que Rimski a accordée aux rythmes, mais aussi par l’imprégnation musicale subie lors de sa découverte de la Tétralogie, donnée pour la première fois à Saint-Pétersbourg en mars 1889. Il est compréhensible que Rimski-Korsakov, symphoniste-né, ait perçu en premier lieu l’apport de Wagner à travers l’orchestration (Mlada). Mais c’est dans La Nuit de Noël, Sadko, Pan Voiévode et surtout Kitège que l’influence de Wagner se réalise pleinement, dans l’union indissociable du matériau thématique et de l’instrumentation, jusqu’à l’emploi de fréquents leitmotivs, aisément identifiables.
Rimski-Korsakov écrivait remarquablement pour la voix (témoin son important corpus de Mélodies). Ses parties vocales sont généralement gratifiantes pour les interprètes, car elles tiennent compte des possibilités physiologiques du chant, ce qui ne les rend pas forcément « faciles ». La virtuosité pure concerne fréquemment les rôles de sopranos colorature (Snégourotchka, la Princesse Volkhova de Sadko, la Princesse-Cygne du Conte du Tzar Saltan, la Reine de Chemakka du Coq d’Or).
Ce que l’on sait moins, c’est que ce compositeur était un perfectionniste. Un exemple frappant : Sadko, poème symphonique de 1867 (révisé en 1869 puis 1892) devint opéra en 1898. Mais le compositeur était insatisfait au point de réécrire trois fois l’opéra en entier !
Deux thèmes sont récurrents dans les opéras de Rimski, l’Histoire et le Fantastique, permettant de les répartir comme suit :
Opéras historiques : La Pskovitaine, Vera Cheloga, Mozart et Salieri, La Fiancée du Tzar, Servilia, Pan Voiévode
Opéras fantastiques : La Nuit de mai, Snégourotchka, Mlada, La Nuit de Noël, Sadko, Tzar Saltan, Katscheï l’immortel, Kitège, Le Coq d’Or
Une étude complète de ces 15 ouvrages serait fastidieuse ici. Simplement, même si La Pskovitaine ou La Fiancée du Tzar recèlent des pages magnifiques, les biographes de Rimski s’accordent à reconnaître que le monde fantastique était vraiment son élément naturel.
S’il avait recours, selon la règle basique du Groupe des Cinq, à de nombreux thèmes populaires, le compositeur ne se contentait pas de les recopier simplement. Il les développait, les transposait, les enrichissait, les détournait, les orchestrait, en donnant libre cours à sa verve créatrice, qui semblait inépuisable.
Les destinées de ses opéras ne furent pas toujours simples… quelques exemples :
LA NUIT DE MAI : créé le 9 janvier 1880 à Saint-Pétersbourg, cet opéra inspiré d’une nouvelle de Nikolaï Gogol, eut un succès public considérable et de nombreux rappels pour le compositeur et les chanteurs. Pourtant, certains d’entre eux étaient médiocres, le ballet était mauvais, les décors du 3e acte étaient ratés et pour cette raison, la grande scène fantastique le fut aussi. Les membres du Groupe des Cinq eurent des réactions mitigées. Balakirev se montra négatif, Moussorgski déclara que « ce n’était pas ça ! » et César Cui écrivit un article très froid. Les plus enthousiastes envers ce nouvel opéra furent évidemment sa dédicataire, Nadejda Purgold-Rimski-Korsakov, jeune épouse du compositeur et Anatole Liadov, alors son élève. Il n’empêche que, même inconnu en Occident, cet opéra reste aujourd’hui en Russie l’un des plus populaires de son auteur.
MLADA : Destinée curieuse que celle de cet ouvrage. En 1871, Stépan Guédéonov, directeur des Théâtres Impériaux, avait suggéré au Groupe des Cinq d’écrire un opéra-ballet collectif. En plus, pour les scènes chorégraphiques, on aurait recours à Ludwig Minkus, compositeur de ballets attitré des Théâtres Impériaux (auteur de Don Quichotte/1871 et de La Bayadère/1877). Le projet n’aboutit pas. En 1889, Rimski-Korsakov le reprit à son compte. Il ne reculait devant aucune audace harmonique, sachant produire les plus beaux effets vocaux avec le minimum de violence. Contrairement à Tchaïkovski, qui utilisait souvent, dans ses opéras et ses ballets, les effets d’un orchestre à l’unisson, Rimski procédait plus souvent par « touches » instrumentales. Elles faisaient toujours mouche, tel l’emploi inattendu de flûtes de Pan dans l’orchestre de Mlada.
En juin 1889, Rimski dirigea à Paris une série de concerts de musique russe, lors de l’Exposition Universelle. Au pavillon hongrois, il découvrit la flûte de Pan et eut l’idée de l’introduire dans son opéra ; même chose pour des tambourins issus du pavillon algérien. Alourdie d’un livret complètement alambiqué, Mlada ne se maintint pas au répertoire, mais lors de sa création, le succès de la musique fut immense et le compositeur eut droit à quinze rappels. Depuis, en Russie du moins, les suites d’orchestre qu’en tira l’auteur sont régulièrement jouées et enregistrées. L’opéra complet ne fut enregistré qu’une fois, en 1962, par Evgueny Svetlanov.
SADKO : Il était une fois un pauvre chanteur, barde de Novgorod, Sadko, qui traînait sa tristesse au bord du lac Ilmen. Fascinés par sa voix qu’il accompagnait de sa gousli (sorte de cithare de Russie et d’Ukraine), des cygnes s’approchèrent et se métamorphosèrent en jolies jeunes filles. À leur tête, Volkhova, princesse de la Mer et fille de l’Océan. En le quittant au lever du jour pour regagner leur royaume marin, elles lui prédirent qu’il pêcherait trois poissons d’or dans le lac, qu’il voyagerait dans un pays lointain et qu’il rencontrerait l’amour… Entraîné dans le monde sous-marin, qu’il fera danser aux sons de sa musique, Sadko reviendra finalement parmi les siens. Volkhova se transformera en rivière, offrant ainsi aux Novgorodiens une voie navigable vers les mers du Nord. Jamais un opéra russe n’aura été aussi loin dans l’effusion poétique et le merveilleux.
En 1909, Serge de Diaghilev souhaitait présenter Sadko lors des prestations parisiennes de ses Ballets Russes. Conscient de l’état d’esprit de ses contemporains, il voulut faire des coupures afin d’en faciliter la « digestion » au public parisien, mais se heurta au refus catégorique du compositeur : « Si, dans sa forme actuelle, Sadko est trop difficile pour le goût de ces Français débiles qui ne font qu’une courte apparition en tenue de soirée au théâtre (…), alors, c’est très simple, ne le donnez pas. » Dans un premier temps, Diaghilev s’abstint… La création parisienne de l’œuvre eut lieu en 1927, en version de concert. La remarque cinglante de Rimski-Korsakov était pittoresque, venant d’un correcteur-réviseur des œuvres de ses confrères disparus. Mais, à sa décharge, il est vrai qu’à cette époque, ces messieurs du Jockey-Club, entre autres, se fichaient comme d’une guigne « d’écouter » telle ou telle musique. Ils débarquaient au moment du sacro-saint ballet d’opéra, pressés d’évaluer les charmes des danseuses du corps de ballet… Ces snobs égrillards ignoraient ce qu’ils rataient : Sadko ressemble à un rêve d’enfant, à une féérie des Mille et Une Nuits, à ces légendes que les artisans russes gravent avec des fils d’or et des couleurs naïves sur des petites boîtes en bois laqué…
LE CONTE DU TZAR SALTAN : Tous les enfants russes connaissent ce merveilleux conte d’Alexandre Pouchkine. S’il fallait prendre l’exemple parfait d’un conte en musique, il n’en est guère qui conviendrait mieux que celui-ci. Tout y est : tzar, prince et princesse, une ville fabuleuse, des merveilles et des métamorphoses, des évocations marines, et bien sûr les bons et les méchants ! Un véritable dessin animé avant Walt Disney ! Pourtant, hormis sa Suite d’orchestre qui comporte l’inévitable « Vol du Bourdon », cet opéra semble difficilement exportable. En effet, il y a là trop de choses qui ne délivrent leur plein de saveur que pour ceux qui ont été élevés dans la langue d’origine, et ont assimilé naturellement toutes les images verbales pouchkiniennes devenues réflexes culturels… Plusieurs tentatives de proposer cet ouvrage au public européen contemporain ont pourtant récemment eu lieu, non sans un certain succès : à la Monnaie de Bruxelles en 2019 par exemple, ou encore à l’Opéra du Rhin (2023).
KITEGE : Le titre complet est Le Dit de la ville invisible de Kitège et de la vierge Févronia. Lors des événements de la révolution de 1905, Rimski-Korsakov prit la défense des étudiants révoltés et critiqua vivement l’attitude répressive de la direction du Conservatoire, ce qui lui valut une exclusion temporaire de l’établissement. Deux précisions importantes : en 1907, il dirigea des concerts organisés par Serge de Diaghilev à Paris, annonciateurs de la grande époque des Ballets Russes.
De plus, perfectionniste et intransigeant pour lui-même comme pour les autres, Rimski remania dans la seconde moitié de sa vie, la plupart de ses œuvres. Le temps libre pour la composition de Kitège fut donc hachuré, ce qui n’empêche pas l’ouvrage d’être considéré comme l’un des plus importants opéras russes. Kitège s’inscrit exactement dans la lignée des ouvrages « initiatiques », tels La Flûte enchantée ou Parsifal (rimant avec sortilège, Kitège fut baptisé « le Parsifal russe »). Véritable plaidoyer pour le pardon et la non-violence, Kitège se révèle le porte-parole des aspirations sacrées et de l’imaginaire d’une civilisation.
LE COQ D’OR : Redoutable satire du régime tsariste finissant, également inspiré d’un conte de Pouchkine. L’image d’un tsar fainéant, lâche, ridicule et finalement meurtrier n’avait aucune chance de passer la barrière de la censure. Néanmoins, Rimski-Korsakov refusa de procéder aux remaniements qui lui étaient demandés, jugeant qu’ils dénatureraient complètement l’ouvrage. Ses intentions satiriques étaient très claires et il ne se priva pas de les formuler explicitement. Si Pouchkine visait Alexandre Ier, Rimski-Korsakov accentuait encore le caractère ironique du texte, concernant cette fois Nicolas II. La fable du Coq d’Or s’avérerait prémonitoire, annonciatrice de la fin du tsarisme. Mais le compositeur mourut avant la création, réalisée un an plus tard, le 27 septembre 1909, avec un texte édulcoré. On l’estima d’abord trop difficile pour les chanteurs, qui devaient danser, ou pour les danseurs, qui devaient chanter. Le chorégraphe Michel Fokine trouva une solution ingénieuse : les chanteurs s’assiéraient de chaque côté de la scène pendant que les danseurs mimeraient l’action chantée. Aujourd’hui, Le Coq d’Or est justement considéré, avec Kitège, comme un ouvrage majeur de Rimski-Korsakov et une pierre angulaire de l’opéra russe.
Les opéras de Rimski-Korsakov à Paris, de nos jours :
LE COQ D’OR : dans les années 1990, Kent Nagano dirigea de mémorables représentations du Coq d’Or au Chatelet.
KITEGE et SADKO : L’hiver 1994 fut une saison faste pour le Théâtre des Champs-Élysées. Un jeune chef de 41 ans, quasi inconnu en France, un certain Valery Gergiev, vint diriger une série d’opéras russes de Borodine, Moussorgski, Tchaïkovski et, de Rimski-Korsakov, Sadko et Kitège. Le succès fut tel que Philips réalisa une série d’enregistrements marquants, auxquels s’ajoutèrent des ouvrages de Prokofiev…
SNEGOUROTCHKA : En 2017, de splendides représentations à l’Opéra-Bastille de « Snégourotchka, la Fille de neige », dans une chatoyante mise en scène de Dmitri Tcherniakov, ont permis aux mélomanes français de découvrir ce chef-d’œuvre ruisselant de mélodies ; en même temps qu’une jeune soprano inconnue chez nous, Aida Garifulina, que l’on aimerait, depuis, réentendre plus souvent…
Grâce aux récitals lyriques, plusieurs pages d’opéras de Rimski-Korsakov ont acquis une renommée durable : Chant hindou (Sadko), Hymne au soleil et Aria de séduction de la reine de Chemakka (Le Coq d’Or), Aria de Snégourotchka et Chansons de Lel (Snégourotchka), Aria du prince Yuri (Kitège)… Et ne comptons pas pour rien le lancinant « Vol du bourdon », purement orchestral, qui, remis dans le contexte du Conte du Tzar Saltan, retrouve toute sa force et sa saveur : transformé en bourdon par un sortilège, le prince Gvidon, jeune héros de cette épopée, harcèle ses ennemis et les rend fous, en virevoltant, bourdonnant et piquant !
Si vous êtes sensibles aux mélodies ensorcelantes, si vous aimez la puissance et la conviction des chœurs, si vous êtes amoureux des orchestrations riches et surprenantes, si pour vous, « l’imaginaire » n’est pas qu’un mot, mais bien un royaume aux multiples méandres, alors n’hésitez pas : écoutez les opéras de Rimski-Korsakov. Fermez vos yeux, détendez-vous et partez loin, très loin, au pays où règne le merveilleux et où tout peut arriver !…
Discographie sélective (au 05/05/2025)
- La Pskovitaine, ou Ivan le Terrible (1873) :
– Thomas Schippers / Allegro / 1969
– Valery Gergiev / Philips / 1994
- Vera Cheloga (1873, remaniée en 1898) :
– Stoyan Angelov / Capriccio / 1980
- La Nuit de Mai (1878/79) :
– Vladimir Fedosseïev / Melodya / 1973
– Andrey Chistiakov / Le Chant du Monde / 1994
- Snégourotchka, ou La jeune fille de neige (1882)
– Vladimir Fedosseïev / Le Chant du Monde / 1976
– Alexandre Lazarev / Melodya / 1987
- Mlada (1890) :
– Evgueny Svetlanov / Melodya / 1962
- La Nuit de Noël (1895)
– Nikolaï Golovanov / Melodya / 1947
– Mikhaïl Jurowski / Le Chant du Monde / 1990
– Sebastian Weigle / Naxos / 2023
- Sadko (1898) :
– Nikolaï Golovanov / Melodya / 1952
– Evgueny Svetlanov / Allegro / 1964
– Valery Gergiev / Philips / 1993
- Mozart et Salieri (1898)
– Mark Ermler / Olympia / 1982 (+ Moussorgski : Le Mariage, par Guennadi Rojdestvenski / 1986)
- La Fiancée du Tzar (1899)
– Fouat Mansourov / Le Chant du Monde / 1973
– Valery Gergiev / Philips / 1998
- Le Conte du Tzar Saltan (1900)
– Vassily Nebolssine / Melodya / 1958
- Servilia (1900) : pas d’enregistrement intégral
– Aria scène 5, acte III : Renée Fleming, Valery Gergiev / Decca / 2006
- Katscheï l’immortel (1902)
– Andrey Chistiakov / Le Chant du Monde / 1991
– Valery Gergiev / Philips / 1995
- Pan Voiévode (1904)
– Samuel Samossoud / Melodya / 1951
- Kitège = La légende de la ville invisible de Kitège et de la vierge Févronia (1907)
– Vassily Nebolssine / Great Hall / 1950
– Evgueny Svetlanov / Le Chant du Monde / 1983
– Valery Gergiev / Philips / 1994
– Alexandre Vernikov / Naxos / 2008
- Le Coq d’Or (1909)
– A. Kovalyov & Y. Akulov / Melodya / 1968
– Evgueny Svetlanov / MCA / 1988
– Dimitri Kitaenko / Melodya / 2008
Mélodies :
- 113 Mélodies / coffret 3 cd / Brilliant Classics / interprétées par Natalia Gerasimova (soprano), Marina Choutova (mezzo-soprano), Alexei Martinov (ténor), Mikhaïl Lanskoï (baryton), Sergei Baikov (basse) /dates d’enregistrements non précisées
- 15 Mélodies enregistrées en 1964, par Boris Christoff (basse) dans le coffret 5 cd « Mélodies Russes », avec Glinka, Borodine, Cui, Balakirev, Tchaïkovski et Rachmaninov / EMI
Suites d’orchestre :
Si l’opéra russe vous effraie de prime abord, voici un moyen agréable de vous familiariser avec Rimski-Korsakov. Il réalisa lui-même des suites d’orchestre de ses principaux opéras, exception faite du Coq d’Or, dont la suite fut mise au point après sa mort, d’après ses indications, par ses élèves Alexandre Glazounov et Maximilien Steinberg, en 1913.
- Suites de Snégourotchka, Mlada, La Nuit de Noël, Tzar Saltan, Kitège, Le Coq d’Or et Ouverture de La Nuit de mai / coffret 2 cd Chandos / 1984 / par le Scottish National Orchestra, dirigé par Neeme Järvi
- Suites de Snégourotchka, Mlada, Le Coq d’Or, Tzar Saltan + Sadko, tableau symphonique et Shéhérazade / 2 cd séparés Naxos / 2010 & 2011 / par l’Orchestre de Seattle, dirigé par Gerard Schwarz
Vidéographie sélective au 05/05/2025
- Le Conte du Tsar Saltan :
– Yuri Simonov / 1980 / Bolchoï CLASSOUND001
– Valery Gergiev / 2016 / Mariinsky MARO597-
– Timur Zangiev / 2020 / Bolchoï BEL AIR
- Le Coq d’Or :
– Kent Nagano / 2002 / Chatelet / TDK
– Alain Altinoglu / 2016 / Bel Air BAC447
- Mlada
– Alexander Lazarev / 1992 / TELDEC 4509-92052-2
- La Nuit de Noël
– Sebastian Weigle / 2022 / NAXOS 2.110738
- Sadko
– Valery Gergiev / 1994 / DECCA 070 4399
– Timur Zangiev / 2020 / BEL AIR BAC188 (chaleureusement recommandé dans Première Loge Opéra, par Laurent Bury, le 26/11/2021)
- Snégourotchka, la Fille de neige
– Mikhaïl Tatarnikov / 2017 / BEL AIR BAC186
Bibliographie sélective au 05 /05/2025
Les excellentes parutions AVANT-SCENE OPERA viennent malheureusement de cesser d’exister… Rimski-Korsakov y avait été honoré quatre fois, sous la direction éclairée d’André Lischke :
N°162 : Kitège & Sadko, en novembre-décembre 1994
N°211 : Le Coq d’or, en novembre-décembre 2002
N°297 : Snégourotchka, la Fille de neige, en mars-avril 2017
N°333 : Le Conte du Tzar Saltan, en mars-avril 2023
Nikolaï RIMSKi-KORSAKOV I
- Chronique de ma vie musicale (Fayard/2008)
Rostislav-Michel HOFMANN :
- Rimski-Korsakov, sa vie, son œuvre, (Flammarion/1958)
Xavier LACAVALERIE :
- Rimski-Korsakov (Actes Sud Classica/2013)
Victor SEROFF :
- Le Groupe des Cinq (Plon/1949)
Vladimir JANKELEVITCH :
- La Rhapsodie. Verve et improvisation musicale (Flammarion/1955)
- La Musique et les Heures (Points/réédité en 2023).