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Les festivals de l’été –
Il paese dei campanelli : l’opérette à son plus haut niveau à Martina Franca

par Renato Verga 1 août 2023
par Renato Verga 1 août 2023

© Clarissa Lapolla

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Il paese dei campanelli de Carlo Lombardo et Virgilio Ranzato au festival della Valle d’Itria

Une des plus célèbres opérettes italiennes est enfin proposée dans son intégralité et dans un spectacle digne d’elle

L’opérette italienne

« Des duos aux rythmes de foxtrot et de nombreuses allusions pornographiques disséminées dans le dialogue et l’intrigue du livret ». C’est ainsi que le Giornale del teatro qualifiait le genre de l’opérette en 1918. La situation n’était pas meilleure en 1926, à l’apogée de l’ère fasciste, lorsqu’on pouvait lire dans Il Giornale d’Italia les mots suivants : « Un produit industriel défectueux qui n’a rien à voir avec l’art ; […] une musique « foxtrot » qui sent la cocaïne à des kilomètres à la ronde […], l’apothéose de la négromusicomanie ». L’opérette italienne, en somme, ne veut pas se conformer à l’« italianisation » prônée par le régime, elle refuse de « retourner aux sources de notre saine communauté, immortalisées dans des œuvres qui font la fierté de notre littérature nationale, de répéter les motifs de ce qui fut jadis le glorieux opera buffa italien ». Mais le public s’en moque, et se laisse emporter par ces histoires absurdes à la musique envoûtante.

Déjà peu après l’unification du pays, en 1866, la foule milanaise s’enflamme pour Se sa minga, une « revue » sur un texte d’Antonio Scalvini (metteur en scène et librettiste très actif sur la scène milanaise) et une musique d’Antonio Carlos Gomes (auteur de Guarany). Avec El barchett de Boffalora (1870) de Cletto Arrighi, le plus grand représentant de la Scapigliatura, un pastiche de musique de divers auteurs dont Offenbach, cette extraordinaire expérience milanaise se poursuit jusqu’en 1876.

Il faut remonter aux années 1920 pour trouver le plus grand développement de l’opérette en Italie, qui se souvient des opérettes danubiennes, en particulier celles d’Emmerich Kálmán, en l’adaptant au cantabile italien. L’un de ses plus grands représentants fut Carlo Lombardo, impresario, librettiste, chef d’orchestre et compositeur qui, de 1915 avec La duchessa del Bal Tabarin, à 1925 avec Cin-Ci-La, remporta de grands succès. C’est de cette période heureuse que date Il paese dei campanelli, présenté au Lirico de Milan le 23 novembre 1923, sur des musiques de Virgilio Ranzato et de lui-même. Cette opérette conte la légende d’un petit village hollandais ensorcelé : chaque maison du village se trouve affublée d’une cloche qui se met à sonner s’il se révèle que la femme qui y habite est infidèle à son mari – à moins qu’un jour, de 6h à 18h, aucune infidélité n’ait lieu, auquel cas le village serait libéré de son enchantement. L’arrivée d’un navire plein de jeunes marins anglais va évidemment semer la zizanie dans le village – et mettre en branle de nombreuses cloches ! -, avant que tout n’entre dans l’ordre et que les couples du village ne finissent par faire la paix et se réconcilier.

Un Fabio Luisi amoureux de la partition

Cent ans plus tard, cette histoire improbable revient sur la scène prestigieuse d’un festival : le directeur artistique du festival Sebastian Schwarz a en effet inclus le titre dans la 49e édition du Festival della Valle d’Itria, consacré cette année à l’étude de la comédie avec cinq opéras, cinq nuances de drôlerie. Certains ont fait la moue et ont snobé l’événement. Tant pis pour eux : ils ont manqué un beau spectacle dirigé d’une manière admirable par l’un des plus grands chefs d’aujourd’hui.

En effet, en 2008, alors qu’il la dirigeait pour la radio allemande, Fabio Luisi était tombé amoureux de la musique de Lombardo et Ranzato, et voilà que le grand interprète de Bruckner s’attaque à la plus populaire des opérettes italiennes. Dirigeant l’orchestre du Teatro Petruzzelli de Bari, l’ancien chef des Wiener Symphoniker, de la Staatskapelle de Dresde et du Metropolitan Opera de New York recrée avec une transparence ineffable et un enthousiasme sans pareil les rythmes de danse (Balla la giava boccuccia di baci…) et les mélodies entraînantes qui vous restent dans l’oreille : Nella notte misteriosa, se un tintinnar…, Notte di mister, notte di piacer…, Luna tu, non vuoi dirmi cos’è…, Nell’oscurità una coppia va… Sous sa baguette, les références à la musique du Danube deviennent plus évidentes et certains moments trahissent un certain mahlérisme dans sa direction. Rien de mal à cela, en effet, on peut très bien ennoblir l’opérette en lui refusant le statut de sous-genre auquel certains voudraient la confiner.

L’équilibre parfait entre l’orchestre et la scène est encore plus admirable dans ce spectacle de plein air où aucun des sons émis par les instruments ne se perd, même dans les pianissimi les plus subtils, et où les voix ne sont jamais couvertes dans les moments les plus forts. La clarté et la précision des trois ensembles finals, entendus ici dans leur intégralité, sont également admirables. C’est sans doute la première fois en Italie que cette œuvre, souvent maltraitée par des compagnies ou des troupes d’amateurs, peut être entendue dans son intégralité et avec cette qualité musicale. Une redécouverte qui laisse pantois devant la fraîcheur d’une partition dont l’élégance se renouvelle constamment.

Une distribution à la hauteur de l’événement

La troupe de chanteurs est à la hauteur, à commencer par le Bombon plein de vie de Maritina Tampakopoulos, à la voix puissante et aux aigus assurés, ou la Nela de Francesca Sassu, qui incarne avec beaucoup de sensibilité le rôle de la femme voyant son rêve d’amour brisé. Dans ce contexte musical léger et délicat, une voix de stentor n’aurait pas sa place : de fait, le ténor Norman Reinhardt incarne Hans à la perfection, hésitant entre l’amour « sûr » de sa femme et l’attrait de la femme « bibelot » de Nela. Ce ténor américain a remplacé sans préavis Paolo Fanale, l’interprète initialement prévu, et l’on peut comprendre que son adaptation à la langue n’ait pas été facile et que, par conséquent, sa diction n’ait pas été impeccable ; mais d’un point de vue musical, il réussit à résoudre les difficultés de son rôle difficile avec des mezze voci séduisantes. Tant dans les moments solo que dans les duos avec Francesca Sassu, l’élégance du style et un timbre très personnel sont appréciés. Silvia Regazzo prête sa voix de mezzo-soprano confiante au personnage d’Ethel, l’épouse du capitaine Hans, tandis que Matteo Macchioni, dans le rôle de La Gaffe, fait preuve d’une qualité vocale respectable et d’un humour exemplaire. Dans les autres rôles parlants, les acteurs Stefano Bresciani (Attanasio), Fabio Rossini (Tarquinio) et Pasquale Buonarota (Basilio), les trois maris ennuyeux, se sont distingués. Federico Vazzola en travesti a été un Poméranie hilarant mais toujours mesuré. Le chœur du théâtre de Bari a été parfait dans les nombreux moments où il a été mis à contribution.

Visuellement, un spectacle « magique » !

L’aspect visuel du spectacle s’est révélé magique dans la vision d’Alessandro Talevi, qui a situé l’histoire dans la salle de bal d’un paquebot dans les années 1930, soulignant le goût pour l’exotisme de l’Italie de l’époque, qui construisait alors un empire au-delà des mers. Avec les magnifiques décors et les élégants costumes d’époque d’Anna Bonomelli, le metteur en scène se débarrasse de la Hollande envisagée dans le livret, mais totalement absente de la musique, des noms des personnages et de leurs histoires, pour recréer l’Italie de l’entre-deux-guerres, une période où de nouvelles opportunités se sont concrétisées mais où, en même temps, de nouvelles répressions ont été subies par les femmes qui, pour Mussolini, ont dû renouer à un destin dédié à la procréation. « Dans un sens, l’histoire de Il paese dei campanelli est un reflet du cosmopolitisme inversé des années 1920 et de son assombrissement par le nationalisme et le militarisme des années 1930 », écrit Talevi, « la rigidité abrutissante du code moral suivi dans Il paese dei campanelli est en contradiction avec la morale libérale incarnée par les « exotiques » anglais et peut, peut-être, être lue à travers la perspective italienne de l’époque, un « regard vers l’extérieur », vers quelque chose de moderne, de fascinant, d’étranger, de désirable dans un pays encore dominé par la structure masculine et conservatrice de l’Église et de l’État ». Ainsi, après le bref moment de libération vécu par les femmes avec les cadets de marine, tout revient à la morne normalité habituelle. La seule personne sauvée dans cette production est l’affreuse Pomerania, qui réussit finalement à monter à bord du navire. Qui sait, le jeûne et l’éloignement de la maison inciteront certains jeunes à s’intéresser aussi à la vieille femme…

Talevi parvient à résoudre intelligemment cette affaire absurde d’échange de couples ponctuée par l’alternance de longs dialogues récités avec des moments chantés et dansés en construisant un environnement artificiel où tout semble possible, jusqu’à l’irruption d’un zèbre qui entre et danse entre les couples. Sous de faux palmiers apportant une touche exotique, les abat-jours des tables de cabaret, avec leur lumière vacillante, simulent le tintement de ces satanées cloches. Sur la droite, trois écoutilles donnent accès au flanc rouillé du navire, sur le pont supérieur duquel on voit d’abord défiler les cadets, puis les « Anglaises » avec leurs maris en sous-vêtements pris en flagrant délit d’adultère. Au milieu se trouve une plate-forme pour les spectacles de danse, un petit espace pour les huit danseuses et danseurs, qui ont fait des merveilles dans la chorégraphie ironique et savoureuse d’Annamaria Bruzzese. Des touches d’humour surréaliste ponctuent cette histoire se déroulant sur un rythme endiablé, avec la participation amusée et divertissante de tous les artistes impliqués : chanteurs, acteurs, danseurs, choristes.

Mon propre père, qui m’a élevé « au pain et à l’opérette », aurait adoré le spectacle, comme l’a fait le public, applaudissant à tout rompre après chaque numéro musical et à la fin de la représentation. Nous attendons maintenant avec curiosité les propositions de Schwarz pour l’année prochaine, la 50e de l’histoire du Festival della Valle d’Itria.

Le 29 septembre prochain, ce même spectacle sera présenté au théâtre Coccia de Novara avec les mêmes chanteurs. Il sera intéressant de réentendre ce délicieux ouvrage avec une direction musicale différente.

Per leggere questo articolo nella sua versione originale (italiana), cliccare sulla bandiera!

Les artistes

Bombon : Maritina Tampakopoulos
Nela : Francesca Sassu
Ethel : Silvia Regazzo
Hans : Norman Reinhardt
La Gaffe : Matteo Macchioni
Pomerania : Federico Vazzola
Attanasio Prot : Stefano Bresciani
Tarquinio Brut : Fabio Rossini
Basilio Blum : Pasquale Buonarota
Tom : Graziano de Pace

Orchestre et chœur du Teatro Petruzzelli de Bari, dir. Fabio Luisi
Chef de chœur : Fabrizio Cassi
Mise en scène : Alessandro Talevi
Chorégraphie : Annamaria Bruzzese
Décors et costumes : Anna Bonomelli
Lumières : Pietro Sperduti

Le programme

Il paese dei campanelli

Opérette en trois actes de Carlo Lombardo et Virgilio Ranzato, livret de Carlo Lombardo, créée au Teatro lirico de Milan le 23 novembre 1923.
Festival della valle d’Itria. Palazzo ducale, Martina Franca, représentation du dimanche 30 juillet 2023.

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Norman ReinhardtFabio LuisiMaritina TampakopoulosFrancesca SassuAlessandro Talevi
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Renato Verga

Diplômé en Physique de l'Université de Turin, Renato Verga a toujours eu une passion immodérée pour la musique et le théâtre. En 2014, il lance un blog (operaincasa.com) pour recueillir ses critiques de DVD d'opéra, de spectacles vus partout dans le monde, de concerts, de livres sur la musique. Renato partage l'idée que la mise en scène est une partie constitutive de l'opéra lui-même et doit donc comporter de nécessaires transformations pour s'adapter à notre contemporanéité.

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