LES ITALIENS À PARIS (15) – Verdi, Les Vêpres siciliennes (1855)

Découvrez dans la rubrique Les Italiens à Paris un florilège d’opéras (du Siège de Corinthe à Don Carlos) composés par des musiciens italiens pour l’Opéra de Paris !

Verdi, Les Vêpres siciliennes (1855)


LA CREATION

La salle Le Peletier (vers 1865)

La création de l’œuvre fut on ne peut plus mouvementée : Verdi, insatisfait du livret de Scribe et Duveyrier, demanda de nombreuses modifications ; les répétitions se déroulèrent sans enthousiasme de la part du compositeur, déçu et fatigué par les problèmes surgissant sans cesse dans l’administration de « la grande boutique », Verdi allant même (dans une lettre de 1854) jusqu’à comparer son travail à « une corvée à éreinter un taureau » ! Le comble fut atteint avec la disparition pure et simple du soprano titulaire du rôle d’Hélène (Sophie Cruvelli), introuvable pendant un bon mois (malgré les recherches effectuées par les forces de l’ordre) : la diva était tout simplement partie prendre le soleil dans le sud de la France…
Au regard de ces conditions de répétitions pour le moins insatisfaisantes, le succès remporté à la première fut une belle surprise ! Joseph d’Ortigue, dans le Journal des débats politiques et littéraires, conclut sa critique (assez nuancée) par l’exclamation « Grand et bel ouvrage; grand et beau succès! » Il n’est jusqu’à Berlioz, grand pourfendeur de la musique italienne devant l’Éternel, qui ne clame haut et fort son immense admiration pour la partition :

L’Opéra est un théâtre entre tous heureux depuis quelque temps ; il ne désemplit pas. L’énorme succès des Vêpres siciliennes se soutient faute de pouvoir s’accroître. Les recettes que cet ouvrage produit sept ou huit fois par mois dépassent en densité et en durée toutes les averses d’or qu’on recueillit jamais dans ce tonneau des Danaïdes qu’on nomme la caisse de l’Opéra, tonneau qui pourtant commence, dit-on, à avoir un fond solide. Et cela se conçoit : Verdi s’est élevé très haut dans cette nouvelle œuvre. Sans vouloir rabaisser le mérite de son Trovatore et de tant d’autres émouvantes partitions, il faut convenir que dans les Vêpres l’intensité pénétrante de l’expression mélodique, la variété somptueuse, la sobriété savante de l’instrumentation, l’ampleur, la poétique sonorité des morceaux d’ensemble, le chaud coloris qu’on voit partout briller, et cette force passionnée mais lente à se déployer qui forme l’un des traits caractéristiques du génie de Verdi, donnent à l’œuvre entière une empreinte de grandeur, une sorte de majesté souveraine plus marquée que dans les productions précédentes de l’auteur. 

Hector Berlioz, Feuilleton du Journal des Débats du 2 octobre 1855

Forte de ce succès, l’œuvre sera représentée soixante-deux fois.

Les interprètes

Sophie Cruvelli (Hélène)
Louis Gueymard (Henri)

Marc Bonnehée (Louis de Montfort)

Louis-Henri Obin (Procida)

Les costumes (lithographies d’Alexandre Lacauchie)

Hélène

Henri

Guy de Montfort

Procida

LE LIVRET ET SES SOURCES

Résumé de l’intrigue

L’action se déroule en Sicile en 1282. L’île est alors sous la domination des Français ; elle est gouvernée par Guy de Montfort au nom de Charles d’Anjou.
Guy de Montfort retient en otage la Duchesse Hélène, dont le frère Frédéric d’Autriche a été tué par les Français.

Acte I
La Grand-Place de Palerme
Les soldats français boivent et se divertissent en célébrant leur pays, sous l’œil des Siciliens qui ne songent pour leur part qu’à chasser l’occupant…   Arrive la Duchesse Hélène, laquelle souhaite rendre hommage à son frère Frédéric d’Autriche, récemment assassiné. Mais elle est malmenée par les Français qui l’obligent à chanter pour eux – ce que la jeune femme accepte, mais sa chanson se révèle être finalement une exhortation faite aux Siciliens à se rebeller contre l’occupant.  Une émeute éclate, interrompue par l’arrivée de Guy de Montfort.

Survient Henri, un jeune Sicilien épris d’Hélène. Jusqu’alors retenu prisonnier par le gouveneur, il apprend à Hélène que ce dernier vient de le libérer. Resté seul, il est rejoint par Montfort, qui cherche à obtenir des informations sur le père du jeune homme. Mais pour toute réponse, Henri se contente de rappeler sa fidélité à Frédéric d’Autriche et refuse de rester à distance de la duchesse Hélène, comme le lui enjoint Montfort.

document.addEventListener('DOMContentLoaded', function() {(tarteaucitron.job = tarteaucitron.job || []).push('youtube');});

« Quel est ton nom ? » (Samuel Ramey, Jerry Hadley)

MONTFORT
Quel est ton nom ?

HENRI
Henri !

MONTFORT
Pas d’autre ?

HENRI
Mais j’espère,
Mourant pour mon pays m’en faire un !

MONTFORT
Et ton père ?…

HENRI
Jamais on ne m’en a parlé
J’ai cru savoir pourtant que, proscrit, exilé,
Il finit loin de nous sa vie et sa misère.

MONTFORT
Et ta mère… réponds ?

HENRI
Ah ! je n’ai plus de mère !
Et, depuis plus d’un an, je l’ai perdue, hélas !
(Montrant le ciel)
Je vais la retrouver

MONTFORT
Mais, avant son trépas,
Chez le duc Frédéric tu fus placé par elle ?

HENRI
Oui, ce noble martyr, ce héros…

MONTFORT
Ce rebelle…

HENRI
Au sentier de l’honneur guida mes premiers pas!
Fidèle à ses leçons, je prendrai pour modèle,
Sinon sa vie, au moins sa mort…
Tu sais tout maintenant ! dispose de mon sort !

ENSEMBLE
HENRI
Punis mon audace !
Je sais que ton cœur
Ne fait point de grâce…
J’attends sans frayeur !
Et mourrai sans crainte,
Comme mes amis.
Pour ma cause sainte
Et pour mon pays !

MONTFORT (le regardant)
J’aime son audace
Et sa jeune ardeur !
La mort le menace,
Et pourtant son cœur
Braverait sans crainte
Tous ses ennemis,
Pour sa cause sainte
Et pour son pays !
Je devrais te punir… mais je plains ton jeune âge!

HENRI (avec indignation)
Me plaindre !…

MONTFORT
J’ai pitié de ton erreur,
Et veux, pour te sauver, offrir à ton courage
Le seul moyen digne d’un noble cœur !
(Lui frappant sur l’épaule)
La gloire, j’en suis sûr, aurait pour toi des charmes !

HENRI
La gloire!… où donc est-elle ?

MONTFORT
Elle est sous nos drapeaux !
Viens dans nos rangs !… viens servir sous nos armes !…
Ta grâce est à ce prix !…

HENRI
Moi ! servir nos bourreaux !

ENSEMBLE
HENRI
Non, non, point de grâce !
Apprends que mon cœur
Craint moins la menace
Que le déshonneur !
Je mourrai sans craintes,
Et tel que je suis,
Pour ma cause sainte
Et pour mon pays !

MONTFORT
J’aime son audace…
Fidèle à l’honneur,
Sous cette cuirasse
Bat un noble cœur !
Il brave l’atteinte
De ses ennemis
Pour sa cause sainte
Et pour son pays !
(À part, avec satisfaction)
Oui, j’aime son regard audacieux et ferme ;
Jusqu’à présent, c’est le seul dans Palerme
Qui m’ait osé braver… L’on devine aisément,
Et rien qu’à sa fierté, qu’il sort d’un noble sang.
(haut)
Pars donc, et dégagé de la reconnaissance !
Mais, dans ton intérêt, jeune homme, encore un mot !
(Montrant le palais à droite)
Tu vois bien ce palais…

HENRI
Eh bien ?…

MONTFORT
Que la prudence
En éloigne tes pas.

HENRI
Pourquoi donc ?

MONTFORT
Il le faut.
(À demi-voix.)
Redoute pour ton cœur une flamme insensée !

HENRI (étonné)
Ô ciel !

MONTFORT
Qui te perdrait bientôt et pour jamais !

HENRI (troublé)
Qui vous a dit ?…

MONTFORT
Tu vois qu’au fond de ta pensée
Mon œil observateur découvre tes secrets !
Fuis cette femme !… je l’ordonne !

HENRI
Et de quel droit ?…

MONTFORT
Je l’ai dit !… je le veux !

HENRI
Et moi, je n’accorde à personne
Le droit de diriger mes vœux !

ENSEMBLE (Strette du duo)
MONTFORT
Téméraire ! téméraire !
Par le ciel, obéis-moi !
Ne tente pas ma colère,
Ou malheur ! malheur à toi !

HENRI
Je suis libre, et, sur la terre,
De mon cœur je suis la loi !
Oui, je brave ta colère
Et je marche sans effroi !

MONTFORT
Je saurai briser ton orgueil !
De ce logis ne franchis pas le seuil !
Je le défends !

HENRI
Vous !…

MONTFORT
Moi !… dont la haine est mortelle !

HENRI
Et pourtant je la brave !

MONTFORT (à part)
Ô funestes amours !
(Retenant Henri qui fait un pas vers le palais)
Songe donc, insensé, qu’il y va de tes jours !

HENRI
Eh bien !… mes jours pour elle !
(Il gravit l’escalier du palais, soulève le marteau ; la porte s’ouvre ; Henri disparaît, pendant que Montfort le regarde avec émotion, mais sans colère. La toile tombe.)

Acte II
Un vallon près de Palerme
Jean de Procida, un médecin sicilien, patriote et persécuté par les Français, revient de l’étranger où il a tenté de chercher des alliés.

document.addEventListener('DOMContentLoaded', function() {(tarteaucitron.job = tarteaucitron.job || []).push('youtube');});

« Palerme, ô mon pays » (Samuel Ramey)

PROCIDA (seul)
Palerme, ô mon pays ! pays tant regretté,
L’exilé te salue après trois ans d’absence !
Sur tes bords, autrefois, j’ai reçu la naissance !
Je m’acquitte aujourd’hui !… Voici la liberté !

Et toi, Palerme, ô beauté qu’on outrage,
Et toujours chère à mes yeux enchantés !…
Lève ton front courbé sous l’esclavage,
Et redeviens la reine des Cités !

Partout, sur la terre étrangère,
J’allais te cherchant des vengeurs !
Mais insensible à la misère,
Chacun disait : « Contre vos oppresseurs,
Levez-vous ! Et l’on vous soutiendra ! »
Et je viens, me voilà !
Et toi, Palerme, etc.

Procida explique à ses partisans (parmi lesquels Henri et Hélène) que les Espagnols sont prêts à soutenir leur cause si toutefois les Siciliens se rebellent ouvertement contre les Français.
Hélène promet à Henri de l’épouser s’il accepte de venger la mort de son frère Frédéric. Le Sire de Béthune invite, au nom de Guy de Montfort, le jeune homme à un bal costumé donné au Palais. Henri, ayant l’outrecuidance de refuser l’invitation, est aussitôt arrêté.
Les soldats français font irruption au sein d’une fête organisée par les Siciliens. Procida, cherchant à susciter une rébellion de ses compatriotes contre les Français, suggère à ceux-ci d’enlever les jeunes femmes siciliennes présentes. Les soldats français s’exécutent, soulevant l’indignation des Siciliens qui jurent de se venger en assassinant Montfort le soir même.

Acte III
Le Cabinet de Montfort à l’intérieur du palais
Monfort se souvient de la belle Sicilienne qu’il avait enlevée jadis et qui lui avait donné un fils, qu’elle a élevée seule et dans la haine de son père. Avant de mourir, elle a envoyé une lettre à Montfort, lui révélant l’identité de son fils : il s’agit d’Henri, auquel Montfort songe maintenant avec tendresse…

document.addEventListener('DOMContentLoaded', function() {(tarteaucitron.job = tarteaucitron.job || []).push('youtube');});

« Au sein de la puissance » (Thomas Hampson)

GUY DE MONTFORT (assis prés d’une table)
Oui, je fus bien coupable et coupable par elle !
Je l’enlevai jadis… orgueilleuse et cruelle !
Mais s’échapper !… me fuir… et pendant dix-huit ans,
Me dérober la vue et les embrassements
De mon fils !… l’élever dans l’horreur de son
père !…
Ah ! c’est me surpasser encore en cruauté !
Et c’est naguère enfin, à son heure dernière,
(Tirant un papier de son sein)
Que ce nouvel affront par elle fut dicté !
(lisant)
« Toi qui n’épargnes rien, si la hache sanglante
« Menace Henri Nota, l’honneur de son pays,
« Épargne au moins cette tête innocente !
« C’est celle de ton fils ! »
(Avec attendrissement)
Mon fils !
[…]

AIR
Au sein de la puissance,
Au sein de la grandeur,
Un vide affreux, immense,
Régnait seul dans mon cœur !
Le ciel vient à paraître
À mes yeux rajeunis,
Et je me sens renaître
À ce mot seul : Mon fils !
La haine égara sa jeunesse,
Mais près de moi, dans ce palais,
Je veux conquérir sa tendresse
Et le vaincre par mes bienfaits !
Au sein de la puissance, etc.

Montfort fait venir Henri et lui apprend qu’il est son fils, mais le jeune homme reste indigné de la façon dont son père a jadis traité sa mère : entre les deux hommes, toute réconciliation semble impossible. 

Un magnifique salon à l’intérieur du palais de Montfort
Alors que la fête organisée par le gouverneur bat son plein, Hélène et Procida préviennent Henri que le meurtre de Montfort est imminent, les conjurés s’étant mêlés secrètement aux invités. Henri prévient Montfort du danger, mais refuse toujours de lui donner le nom de « père ».  Alors qu’Hélène se précipite, un poignard à la main, pour frapper le gouverneur, Henri s’interpose. Les conjurés sont arrêtés et condamnés à mort. Procida et Hélène maudissent le jeune homme : « Protégé de Montfort, / À lui la honte et l’infâmie ! »

Acte IV
Une cour à l’intérieur de la forteresse
Henri se désespère d’avoir perdu l’amour d’Hélène.

document.addEventListener('DOMContentLoaded', function() {(tarteaucitron.job = tarteaucitron.job || []).push('youtube');});

« C’est Guy de Montfort… Ô jours de peine » (Alain Vanzo)

HENRI (se présentant à la porte d’entrée)
C’est Guy de Montfort, c’est son ordre suprême !
(Les Soldats le laissent entrer. Un Officier vient au devant de lui. Henri lui montre l’ordre qu’il tient à la main).
Je peux ici les voir… à l’instant même !
(L’Officier s’incline et sort par la porte à gauche du spectateur)

HENRI (regardant du côté des prisons)
RÉCITATIF.
Ainsi vous gémissez dans de sombres cachots,
Nobles amis !… et moi, cause de tous vos maux,
Je rougis d’être libre ! et, du destin victime,
Je n’ai pu me soustraire au bienfait qui m’opprime :
Clémence injurieuse ! insultante faveur 
Qui préserve ma vie au prix de mon honneur !
D’un indigne soupçon j’accours pour me défendre…
(Il fait un pas et s’arrête.)
Mais voudront-ils me voir ? Daigneront ils m’entendre,

Moi, qu’ils ont repoussé ? moi, coupable à leurs yeux,
Moi, qu’ils appellent traitre ?… et qui mourrais pour eux ! 

AIR
Ô jour de deuil et de souffrance !
Quand d’espérance
Je m’enivrais,
Le ciel dissipe un si doux rêve,
Il me l’enlève
Et pour jamais !
Ces cœurs injustes et sévères
De leurs colères
M’accablent tous ! 
Et comment vivre, ô mon Hélène !
Avec ta haine
Et ton courroux !…
(Écoutant)
C’est elle !… On vient !… À peine je respire !
C’est elle, elle va me maudire !
Maudit par elle ! ah, d’horreur j’en frémis…

Henri rend visite à Hélène emprisonnée et lui apprend qu’il est le fils de Montfort. Bien qu’il ait sauvé la vie du gouverneur, il se dit prêt à mourir avec les conjurés. Hélène pardonne au jeune homme.

document.addEventListener('DOMContentLoaded', function() {(tarteaucitron.job = tarteaucitron.job || []).push('youtube');});

« Ami, le cœur d’Hélène » (Rachel Willis-Sørensen)

HÉLÈNE (avec émotion)
ROMANCE.
I
Ami !… le cœur d’Hélène
Pardonne au repentir !
Et ma plus grande peine
Était de te haïr !
Abjurant ma colère
Et mon ressentiment,
Je t’aime !… heureuse et fière
De mourir en t’aimant !

II
La vengeance et la haine
S’opposent à nos vœux !
Ta naissance et la mienne
Nous séparent tous deux !
Adieu sur cette terre,
Adieu !… Mais en partant,
Je meurs heureuse et fière
De mourir en t’aimant.

Si l’union d’Hélène et d’Henri semble devenu impossible, les deux jeunes gens ne s’en jurent pas moins un amour éternel.

Entre Procida qui annonce l’arrivée prochaine des alliés espagnols. Mais tous sont surpris par Montfort : le gouverneur accepte de gracier Procida et Hélène à la seule condition qu’Henri daigne le considérer comme son père. Le jeune homme refuse, mais alors qu’Hélène est conduite à l’échafaud, désespéré, il tombe aux pieds de Montfort en s’exclamant : « Mon père ! »  Montfort, bouleversé, pardonne à tous, et ordonne que soit prochainement célébrée l’union de son fils avec Hélène, espérant ainsi œuvrer à la réconciliation des peuples sicilien et français. 
Mais la haine ne s’est pas éteinte dans le cœur de Procida, bien décidé à accomplir sa vengeance…

Acte V
Les riches jardins du palais de Montfort
Hélène et ses dames de compagnie préparent joyeusement les noces de la jeune fiancée.

document.addEventListener('DOMContentLoaded', function() {(tarteaucitron.job = tarteaucitron.job || []).push('youtube');});

« Merci, jeunes amies ! » (Renée Fleming)

HELENE.
BOLERO
I
Merci, jeunes amies,
D’un souvenir si doux !
Pour moi, ces fleurs jolies
Sont moins fraîches que vous.
Et l’hymen qui me lie
Est plus cher à mes vœux
Quand l’amitié chérie
L’embellit de ses vœux.
Rêve divin ! heureux délire !
Mon cœur sourit à vos accents !
Hymen céleste qui respire
Les fleurs, l’amour et le printemps !

II
Rives sicilienne,
Sur vos bords enchanteurs,
Assez longtemps les haines
Ont désuni les cœurs.
D’espérance joyeuse,
Puissé-je, ô mes amis,
Voir ma patrie heureuse
Le jour, où je le suis…
Rêve divin ! heureux délire ! etc.

Procida révèle à Hélène que le massacre des Français est imminent. Dès que la fiancée aura prononcé le « oui » qui doit l’unir à Henri, les cloches sonneront : ce sera, pour les Siciliens, le signal du soulèvement. Hélène, désespérée, tente en vain de convaincre Henri de s’enfuir, puis essaie désespérément de retarder la cérémonie du mariage. Mais il est trop tard : les cloches se mettent à sonner et les Siciliens, un poignard à la main, se précipitent sur les Français en criant vengeance.

Les sources

Si les librettistes reprennent le titre d’une tragédie de Casimir Delavigne (créée par les Comédiens du Roi sur le second Théâtre français, le samedi 23 octobre 1819), ils ne lui empruntent guère que les noms de deux personnages : Montfort (prénommé Roger et non pas Guy dans la pièce de Delavigne) et Procida, leur livret s’inspire surtout à la fois d’événements historiques réels (Les «Vêpres siciliennes» désignent une révolte des Siciliens contre la domination française ayant eu lieu le 31 mars 1282, et au cours de laquelle les Français furent massacrés), et du livret du Duc d’Albe, opéra jamais joué du vivant de Donizetti, dont Scribe et Duveyrier transposent l’action des Flandres en Sicile. Voyez ici notre dossier consacré au Duc d’Albe.

LA PARTITION

Si Jérusalem était une adaptation des Lombardi pour la scène parisienne, Les Vêpres siciliennes sont la première œuvre spécifiquement conçue par Verdi pour Paris. Le compositeur se plie ici aux règles du grand opéra, en choisissant un sujet historique se déployant sur cinq actes, faisant s’entremêler événements d’ordre privé et considérations politiques, et autorisant la présence de certains tableaux grandioses ainsi que d’un ballet. L’œuvre permet à Verdi de déployer toutes les facettes de son talent : les pages hautement dramatiques (le trio du dernier acte entre Henri, Hélène et Procida est remarquable d’intensité tragique) y côtoient des pages plus légères (le boléro d’Hélène), d’autres tendrement lyriques (« Ami, le cœur d’Hélène »  à l’acte IV, 

ou encore l’air d’Henri « Ô jours de peine »),  d’autres enfin graves et nobles (« Et toi Palerme »). Quant à l’air confié à Montfort au troisième acte (« Au sein de la puissance »), il ‘agit sans doute de l’une des pages des plus émouvantes écrites par Verdi pour la voix de baryton. 

LA FORTUNE DE L’ŒUVRE

En dépit du triomphe remporté à la création, l’œuvre ne s’imposa jamais réellement, ni dans sa version originale, ni dans sa traduction italienne qui supplanta rapidement la version française. En 1951 eut lieu à Florence la reprise de cet opéra (dans sa version italienne)  la plus célèbre au XXe siècle :  Erich Kleiber y dirigeait Maria Callas (Elena) et Boris Christoff (Procida). Le retour à l’original français se fit d’abord timide (deux versions de concert furent données à Paris en 1964 avec Jacqueline Brumaire, Alain Vanzo et Matteo Manuguerra, puis à Londres en 1970, avec de nouveau Jacqueline Brumaire, mais aussi Jean Bonhomme (Henri) et Neilson Taylor (Montfort). Si la version originale semble aujourd’hui plus ou moins plébiscitée (les opéras de Londres, Rome et Palerme l’ont proposée en octobre 2013, décembre 2019 et janvier 2022 ), l’Opéra de Paris ne remonta l’œuvre dans sa version française qu’une seule fois au cours du XXe siècle (en 2003).