Virginie Thomas, Maud Gnidzaz et Juliette Perret, dessus
Anaïs Bertrand, bas-dessus
Mademoiselle Hilaire
Œuvres de Lambert, Lully, Cavalli
1 CD Encelade ECL 2502, enregistré à l’Eglise Evangélique Allemande (Paris 9e) du 21 au 24 février 2025. 79 minutes
Une impression de profond raffinement se dégage de l’écoute de ce programme et de cette interprétation superlative. Voilà un disque que l’on glissera avec raison sous le sapin !
Sans être de ceux sur lesquels se braquent les projecteurs, le nom de Virginie Thomas pourrait bien s’imposer aux mélomanes, tant cette soprano – pardon, ce dessus – déploie d’ingéniosité dans la conception des récitals qu’elle enregistre. En 2023 était sorti Nymphes, qui couvrait un répertoire allant des années 1670 au milieu du siècle suivant, et qui avait balayé tous les doutes qu’on pouvait avoir sur l’intérêt de ces personnages souvent secondaire. Avec Mademoiselle Hilaire, Virginie Thomas poursuit son exploration du baroque français avec un nouveau programme tout aussi savoureux, sinon davantage encore, avec des choix tout à fait différents.
Tout d’abord, la période concernée est beaucoup plus resserrée : de 1650 à 1670, pas plus. Et si ce CD se limite à ces deux décennies, c’est parce qu’il adopte un modèle qui a fait florès dans l’industrie discographique : l’hommage à un artiste du passé. Mais loin de vouloir ressusciter les fastes d’une Malibran ou d’un Caruso, c’est à une chanteuse aujourd’hui bien oubliée du grand public que Virginie Thomas s’attache : Hilaire Dupuis (1625-1709), qui fut la vedette de la plupart des ballets de cour proposés à Louis XIV avant l’avènement de la tragédie lyrique.
Dans la plaquette d’accompagnement, une notice érudite due au baryton Lisandro Abadie nous apprend tout ce qu’il est possible de savoir sur celle dont tous ses contemporains vantèrent la voix « douce, nette et claire », « l’illustre Hilaire qui ne sçauroit chanter sans plaire », l’une des deux « Rossignoles de la Cour » avec Anne de La Barre. Ces qualités, Virginie Thomas en est heureusement dotée elle aussi et, sans sortir de ses emplois, elle parvient à éviter toute monotonie grâce à sa variété d’accents. Loin d’être uniformes, tous ces extraits de ballets de cour de Lully (dont deux en collaboration avec son beau-père Michel Lambert), auxquels s’ajoute la scène de Vénus et des Grâces tirée d’Ercole amante et quelques fragments de comédies-ballets, renvoient à des sous-genres différents : bergerette, déploration tragique, satire, sommeil, éloge de l’amour… Le tout déclamé avec l’articulation qui devait être celle du temps (consonne finale et n nasal audibles, « choix » prononcés « chouéss »…).
A la sensation de profond raffinement suscitée par ce programme contribuent évidemment la douzaine d’instrumentistes convoqués pour former le continuo ou se substituer à l’orchestre (quatre plages leur permettent de se faire entendre « à nu »). Pour cinq ou six numéros, Virginie Thomas partage la lumière avec ses consœurs les dessus Maud Gnizdaz et Juliette Perret et le bas-dessus Anaïs Bertrand. Voilà un disque que l’on glissera avec raison sous le sapin.

