Kévin Amiel, ténor
Orchestra Sinfonica G. Rossini
Direction : Frédéric Chaslin
1 CD Aparté, 2025. Enregistré au Teatro della Fortuna de Fano, en juin 2024. Notice de présentation en français et en anglais. Durée totale : 68:50
Backstage
G. VERDI
– La traviata (II, 1), « Lunge da lei per me non v’ha diletto / De’ miei bollenti spiriti / Oh mio rimorso! Oh infamia! » (Alfredo)
– Rigoletto (II, 1), « Ella mi fu rapita! / Parmi veder le lagrime » (Duca di Mantova) ; (III, 2), « La donna è mobile » (Duca di Mantova)
– Macbeth (IV, 1), « O figli, o figli miei! / Ah, la paterna mano » (Macduff)
G. DONIZETTI
– Lucia di Lammermoor (II, II, 7), « Tombe degli avi miei / Fra poco a me ricovero » (Edgardo)
– Il duca d’Alba (IV, 1), « Inosservato, penetrava in questo / Angelo casto e bel » (Marcello)
– L’elisir d’amore (II, 7), « Una furtiva lagrima » (Nemorino)
G. PUCCINI
– Gianni Schicchi, « Avete torto! / Firenze è come un albero fiorito » (Rinuccio)
– La Bohème (I), « Che gelida manina! » (Rodolfo)
Ch. GOUNOD
– Roméo et Juliette (II, 1), « L’amour… / Ah ! Lève-toi, soleil ! » (Roméo)
L. DELIBES
– Lakmé (III), « Je me souviens, sans voix, inanimé / Ah ! viens dans la forêt profonde » (Gérald)
J. MASSENET
– Werther (III), « Toute mon âme est là ! / Pourquoi me réveiller, ô souffle du printemps ? » (Werther)
Ch. GOUNOD
– Mireille (V, 2), « Mon cœur est plein d’un noir souci / Anges du paradis, couvrez-la de votre aile ! » (Vincent)
G. ROSSINI
– La danza
S. CARDILLO
– Core ‘ngrato
F. LEHÁR
– Le pays du sourire (II), « Je t’ai donné mon cœur » (Sou-Chong)
1 CD Aparté, 2025. Enregistré au Teatro della Fortuna de Fano, en juin 2024. Notice de présentation en français et en anglais. Durée totale : 68:50

Dans les coulisses mais sous les feux de la rampe : bilan de seize ans d’une carrière en tout point exemplaire.
Se voulant délibérément éclectique, tel que le ténor l’indique lui-même dans la brochure d’accompagnement, le programme du premier album de Kévin Amiel se partage, à l’image de ses récitals, entre répertoires italien et français du XIXe siècle, avec une nette prépondérance du premier sur le second : neuf extraits sur les treize pages d’opéra proposées. Il constitue une sorte de bilan de seize années de carrière, dans la mesure où il reprend bon nombre des personnages approchés à la scène, tout en s’essayant à des prises de rôle qui, nous l’espérons, viendront s’y ajouter très prochainement. Prenant ses distances de toute chronologie, la succession des morceaux répond essentiellement à des critères esthétiques, faisant alterner à loisir Verdi, Donizetti, Puccini et leurs œuvres, ainsi que les deux langues.
Il faut entendre le titre, Backstage, comme l’« envers du décor » – c’est encore l’interprète qui nous le précise –, à savoir comme le résultat de ce travail constant, de cette rigueur et de ces sacrifices menés avec patience et passion dans le temps. Labeur en coulisse, bien entendu, mais c’est assurément sous les feux de la rampe que se projette ce jeune artiste de trente-cinq ans.
Il serait sans doute réducteur de relever que la voix se libère surtout dans les ouvrages hexagonaux : Kévin Amiel est tout aussi excellent dans les deux idiomes choisis. Certes, son Roméo juvénile – si nos sources sont bonnes, le seul rôle français déjà inscrit à son répertoire, du moins au théâtre – impressionne par l’éclat solaire de l’intonation et par l’élan de l’interprétation. De même que la volupté qui se dégage des souvenirs de Gerald, la mélancolie des récriminations de Werther et la sobriété du chant désespéré de Vincent s’épanouissent dans un timbre des plus charnels.
Côté italien, le Donizetti de la maturité se distingue par l’héroïsme intense d’Edgardo, dans une scène finale très enflammée, quoiqu’amputée de sa cabalette, malgré une légère hésitation dans la prononciation des doubles consonnes. La longueur du souffle caractérise la méditation de Marcello du Duca d’Alba, dans sa version en italien : un rôle à guetter dans les années à venir. Tandis qu’une savante variation dans les teintes singularise la romanza de Nemorino.
Chez Verdi, l’air d’Alfredo, introduit par un récitatif bien articulé, quoique légèrement surfait, épanche le lyrisme singulier de l’andante dans la vaillance et l’aigu lumineux de l’allegro. Alors que, dans Rigoletto, la cantabile du Duca di Mantova, à l’acte II, donné sans sa cabalette, relaie par un portamento de tout premier ordre un récitatif extrêmement passionné ; puis, à l’acte III, la chanson à boire marie ironie et brillant dans une montée irrésistible vers le haut du registre. Des débuts scéniques s’imposent donc dans les plus brefs délais. Et, dans Macbeth, le phrasé déployé pour les remords de Macduff est soutenu par un legato d’exception.
Le Rodolfo très intériorisé de La Bohème puccinienne prend la suite d’un Rinuccio intrépide, secondé par une clarté cristalline de l’accent.
En guise de bis, La danza de Rossini est virilement abordée. Et puisque notre chanteur s’essaie avec panache au napolitain de Core ‘ngrato, le lied de Sou-Chong aurait pu aussi bien être interprété dans son original en allemand : « Dein ist mein ganzes Herz ». Qu’à cela ne tienne, « Je t’ai donné mon cœur » nous mène au Pays du sourire pour clore dans la joie cet itinéraire très excitant.
Frédéric Chaslin dirige avec compétence l’Orchestra Sinfonica G. Rossini de Pesaro, en tout point remarquable.
Un rendez-vous à ne pas manquer !!!