Se préparer à BEATRICE DI TENDA – Opéra de Paris, 09 février – 07 mars 2024

Opéra de Paris Bastille – 09 février-07 mars 2024

Opera seria en deux actes de Vincenzo Bellini, livret de Felice Romani d’après la pièce homonyme de Carlo Tebaldi Fores, créé le 16 mars 1833 à Venise (Teatro la Fenice). 

L’ŒUVRE

Le compositeur

Portrait de Bellini par Giuseppe Tivoli (Museo internazionale e biblioteca della musica, Bologna)

Vincenzo Bellini (1801-1835)

Bellini naît à Catane en 1801 dans une famille de musiciens. À Naples, il bénéficie d’une formation musicale assurée par de grands maîtres de l’époque et de Zingarelli, directeur du conservatoire. La fin de sa formation est couronnée par les représentations de ses deux premiers opéras : Adelson e Salvini, représenté sur la scène du conservatoire en 1825 et, un an plus tard, Bianca e Fernando, sur la scène du San Carlo. Dès lors, les grands théâtres italiens ouvrent leurs portes au jeune compositeur : la Scala (Il pirata en 1827, La straniera en 1829, Norma et La sonnambula en 1831) ; Teatro Regio de Parme (Zaira, 1829) ; Fenice de Venise (I Capuleti e i Montecchi, 1830, Beatrice di Tenda, 1833). Il voyage également en Europe, notamment à Londres et Paris où il fait représenter son ultime chef-d’œuvre : I puritani e i cavalieri en 1835. 

La disparition brutale de ce compositeur de 34 ans quelques mois après le triomphe de cette dernière création privera l’histoire de l’Opéra de possibles chefs-d’œuvre à venir… mais aussi Verdi du seul véritable rival qu’il eût pu connaître en Italie. Le charme prégnant des mélodies belliniennes fit l’admiration de compositeurs pourtant parfois assez éloignés de cette écriture et de cette esthétique, tels Chopin ou encore Wagner – qui dirigea Norma à Riga en 1837.

Le librettiste

Felice Romani (1788-1865)

Romani naît à Gênes en 1788. Il suit de brillantes études de lettres dans l’université de cette ville, et devient un spécialiste reconnu de la littérature française (de fait, plusieurs de ses livrets, tel celui de Norma, seront des adaptations d’œuvres françaises) ainsi que de l’Antiquité et de la mythologie. Poète et critique musical et littéraire, c’est en tant que librettiste qu’il acquiert sa plus grande renommée. Extrêmement prolifique (il est l’auteur de près d’une centaine de livrets !), il écrivit de nombreux textes pour :

  •  Rossini : Aureliano in Palmira, Il turco in Italia, Adina ;
  • Bellini : Il pirata, La straniera, Zaira, I Capuleti e i Montecchi, La sonnambula, Norma, Beatrice di Tenda ;
  • Donizetti : Chiara e Serafina, Alcina, regina di Golconda, Rosmonda d’Inghilterra, Anna Bolena, L’elisir d’amore, Lucrezia Borgia,…;
  • et Verdi : Un giorno di regno

La création et la fortune de l’œuvre

Affiche de la représentation du 17 mars 1833 – Fenice de Venise

Giuditta Pasta
(Villa Roccabruna – artiste inconnu)

Beatrice di Tenda est créée à La Fenice de Venise le 16 mars 1833. C’est un échec (l’opéra ne sera donné que trois fois), malgré la présence de la grande Giuditta Pasta dans le rôle-titre. Cet échec entraînera une rupture entre Bellini et Romani. L’œuvre ne connaîtra qu’une timide renaissance dans les années 60 grâce à Joan Sutherland (qui la gravera pour Decca sous la direction de Richard Bonynge avec Josephine Veasey et Luciano Pavarotti), ou encore Leyla Gencer  qui l’interprète à Venise en 1964. En 1977, Mirella Freni aborde le rôle à Bologne, et au tout début du XXe siècle, l’opéra de Zurich offre à Edita Gruberova l’occasion d’incarner le rôle-titre à la scène ; le San Carlo de Naples en propose une brillante version de concert en septembre 2023 avec Jessica Pratt. L’œuvre n’entre au répertoire de l’Opéra de Paris qu’en février 2024.

Le livret

Les sources historiques et littéraires

Beatrice di Tenda
(œuvre anonyme du XIXe siècle)

Béatrice Lascaris de Tende (1372-1418), fille de Pietro Balbo Lascaris, comte de Vintimille et seigneur de Tende, épouse vers 1398 Facino Cane, célèbre condottiere (chef d’une armée de mercenaires). Après la disparition de celui-ci, mort assassiné, Philippe-Marie Visconti (son frère) épouse Béatrice. Elle est de vingt ans plus âgée que lui, mais ce qui intéresse Philippe-Marie, c’est avant tout la fortune que Béatrice pouvait lui apporter. De fait, une fois marié, il lance contre sa femme des accusations (infondées) d’adultère et la fait décapiter. 
Le destin tragique de cette femme innocente inspira de nombreux artistes, dont Carlo Tebaldi Fores qui écrivit une pièce consacrée à ce personnage, laquelle pièce inspira également un ballet avant l’opéra de Bellini et Romani. 

Une femme (Beatrice) vertueuse, innocente, injustement accusée et assassinée ; des hommes tantôt monstrueux (Filippo), tantôt sincèrement épris mais incapables de sauver leur bien-aimée (Orombello) : l’histoire de Beatrice di Tenda comportait a priori tous les ingrédients capables d’assurer le succès d’un opéra du premier ottocento !

L’intrigue

Près de Milan (château de Binasco), au début du XVe siècle.

ACTE I
Beatrice di Tenda a perdu son époux, Facino di Cane. Elle a épousé en secondes noces Filippo Maria Visconti, homme cruel et vénal, heureux de pouvoir profiter de la fortune que lui apporte Beatrice. Filippo trompe par ailleurs sa femme avec Agnese del Maino. Celle-ci découvre qu’un jeune seigneur, Orombello, est secrètement amoureux de Beatrice. Agnese, elle-même éprise d’Orombello, décide faire croire à Filippo que sa femme et le jeune homme entretiennent une liaison. Filippo est rongé par la jalousie, d’autant qu’il surprend Orombello agenouillé aux pieds de Beatrice, alors qu’il lui avoue tout à la fois son amour et ses projets politiques : il a rassemblé des hommes restés fidèles à la mémoire du premier mari de Beatrice afin de faire tomber Filippo. Celui-ci, furieux, fait emprisonner sa femme et Orombello.

ACTE II
Sous la torture, Orombello a avoué entretenir une liaison avec Beatrice. Mais il se rétracte, et Beatrice nie à son tour avec force. Filippo, un instant hésitant et éprouvant une certaine culpabilité, finit par signer l’arrêt de mort de Beatrice en apprenant l’existence d’un groupe armé resté fidèle à Facino Carne, venu réclamer la libération de Beatrice. Les remords d’Agnese (qui vient plaider la cause des deux accusés auprès de Fillippo) n’y changeront rien : Beatrice meurt décapitée, après avoir accordé son pardon à sa rivale,

La partition

Est-ce en raison d’emprunts à des œuvres antérieures ? Ou parce que le livret, qui s’appuie sur des événements historiques, suit de trop près la structure d’opéras antérieurs bien connus : une rivalité entre une reine et une rivale ; un amour impossible entre la souveraine et un prétendant sur fond de tensions politiques ; un épisode au cours duquel le ténor est jeté en prison (c’était déjà le cas dans Elisabetta, Regina d’Inghilterra ou Roberto Devereux…) ; une exécution injuste et spectaculaire de l’héroïne pour clore l’opéra ? (Voyez Anna Bolena et Maria Stuarda de Donizetti, ou Elisabetta de Rossini, en dépit de sa lieto fine). Toujours est-il que Bellini ne retrouve pas avec Beatrice di Tenda la hauteur d’inspiration dont il avait fait preuve précédemment, et que, située juste entre ces deux chefs-d’œuvre absolus que sont Norma et I puritani, cet avant-dernier opus du maître de Catane fait un peu pâle figure… Certaines scènes qui, dramatiquement, constituent des moments-clés de l’action (la toute fin du I, après l’arrestation d’Orombello et Beatrice, et même la cabalette finale, empruntée à Zaira), n’ont pas exactement l’ampleur requise par les situations… L’opéra est cependant loin d’être inintéressant et recèle quelques pages vraiment dignes d’intérêt : la belle romance d’Agnese à l’acte I, chantée en coulisses et accompagnée à la harpe (« Ah, non pensar che pieno ») ; la cavatine de Filippo (« Come t’adoro ») et celle de Beatrice (« Ma la sola, ohimé, son’io ») ; le superbe trio de l’acte II « Angiol di pace » et la poignante cantilène finale de l’héroïne (« Deh! Se un’urna è a me concessa »).

LES REPRÉSENTATIONS DE L’OPÉRA DE PARIS

Le chef

© Opéra national de Paris

Mark WIGGLESWORTH dirige dans le monde entier un répertoire très vaste, allant de l’époque classique (Mozart) aux musiques récentes (Boulez). Dans le domaine de l’Opéra, il s’est produit dans plusieurs salles prestigieuses : Royal Opera House de Londres, Metropolitan Opera de New York, Bayerische Staatsoper de Munich, Semperoper de Dresde,Teatro Real de Madrid, Monnaie de Bruxelles, Festival de Glyndebourne – ou encore à l’Opéra de Paris 

où il dirige La Clémence de Titus en  2021. Il a publié de nombreux enregistrements ainsi qu’un livre : The Silent Musician: Why Conducting Matters édité en octobre 2018 par Faber & Faber.

https://youtu.be/KHULoKdO380

Mark Wigglesworth présente La Flûte enchantée (ENO)

Le metteur en scène

© Ruth Walz

Peter SELLARS est peut-être l’un des premiers metteurs en scène à avoir transposé avec succès certains ouvrages classiques dans un contexte contemporain, et à en avoir proposé des relectures permettant de tisser des liens étroits avec des problématiques actuelles : ses visions des trois chefs d’œuvre  mozartiens (Don Giovanni, Le Nozze di Figaro, Cosi fan tutte) à la fin des années 80 ont fait date. Ses mises en scène lyriques ont été proposées aux Festivals de Glyndebourne et Salzbourg, au Lyric Opera de Chicago, à l’Opéra national de Paris, à l’Opéra de San Francisco ou encore  au Teatro Real de Madrid. Il s’intéresse aux grandes œuvres du répertoire (Tristan und Isolde, Giulio Cesare, La Clemenza di Tito, Beatrice di Tenda)

mais aussi aux œuvres des XXe et XXIe siècles (il a mis en scène des opéras d’Olivier Messiaen,  György Ligeti, Kaija Saariaho, John Adams ou encore Osvaldo Golijov).
Il enseigne l’art et les cultures du monde à l’Université de Californie à Los Angeles.

https://www.youtube.com/watch?v=8myAXBNP4NM

Un extrait de La Clemenza di Tito mis en scène par Peter Sellars
(Sesto : Marianne Crebassa. Festival de Salzbourg, 2017)

Les chanteurs

© Claire Mc Adams

Tamara WILSON (soprano, Beatrice)
Née en Arizona, Tamara Wilson se distingue en recevant deux prix : le Richard Tucker Award, et le grand prix du concours annuel Francisco Viñas organisé au Gran Teatre del Liceu de Barcelone. Très vite, les portes des plus grands théâtres s’ouvrent à elle : Fenice de Venise, Opéra de Paris Bastille, Bayerische Staatsoper de Munich, Deutsche Oper de Berlin, Opéra de Los Angeles, Metropolitan Opera de New York…

Le répertoire qu’elle interprète impressionne par sa variété : Tamar Wilson chante en effet aussi bien la musique baroque (la Passion selon saint Matthieu), les répertoires romantiques italien (Ernani, Un bal masqué, Otello) et allemand (Der Fliegende Holländer, Die Walküre, Tristan und Isolde) que le bel canto (Beatrice di Tenda) ou encore le répertoire du XXe siècle (Turandot – rôle avec lequel elle fait des débuts très remarqués à l’Opéra de Paris en 2023 –, Erwartung).

https://www.youtube.com/watch?v=hEHveEpJhJs

Tamara Wilson chante Turandot à l’Opéra de Paris

© Mark Leedom

Pene PATI (ténor, Orombello)

En quelques années, Pene Pati est devenu l’un des ténors les plus recherchés de la scène lyrique. Natif de l’archipel de Samoa, Pene Pati remporte le deuxième prix et le prix du public du Concours Operalia-Placido Domingo 2015, le deuxième prix du Concours Neue Stimmen et le prestigieux prix Bel Canto Joan Sutherland et Richard Bonynge. Il débute en 2017 dans le rôle du Duc de Mantoue (Rigoletto). Il fait ensuite très forte impression à l’Opéra de Bordeaux, d’abord en Lord Percy (Anna Bolena) puis dans le rôle-titre de Roméo et Juliette aux côtés de Nadine Sierra, un rôle qu’il reprend triomphalement  à l’Opéra-Comique en 2022. Lors de la même saison, il remporte également un énorme succès en Nemorino de L’Elixir d’amour à l’Opéra Bastille. Il chante Rodolfo de La bohème à Paris au TCE en juin 2023, et l’Opéra de Paris l’invite à participer à la nouvelle production de Beatrice di Tenda en février 2024.

Pene Pati a fait paraître un premier album paru en 2022 (avec l’Orchestre National de Bordeaux-Aquitaine dirigé par Emmanuel Villaume) chez Warner Classics, très favorablement accueilli par la critique.

Retrouvez Pene Pati en interview ici !

https://www.youtube.com/watch?v=WMyf4M-UEOs

L’Elisir d’amore, « Una furtiva lagrima »

© D.R.

Quinn KELSEY (baryton, Filippo)

Né à Honolulu (Hawaï), c’est à l’université d’Hawaï (à Manoa) que Quinn Kelsey obtient sa licence de musique en interprétation vocale. Finaliste du concours Operalia Plácido Domingo en 2004, il remporte en 2015 le prix Beverly Sills du Metropolitan Opera de New York, et commence une riche carrière de baryton dans le monde entier, en interprétant essentiellement des rôles italiens (Ernani, Aida, Macbeth, Un bal masqué, Rigoletto – chanté à l’Opéra de Paris en 2016 –, Simon Boccanegra, La bohème, Madama Butterfly) ou français (Faust, Les Pêcheurs de perles). 

Il s’est produit notamment sur les scènes de l’Opéra de Paris, le Lyric Opera de Chicago, le Metropolitan Opera de New York, ou encore le Teatro Real de Madrid.

https://www.youtube.com/watch?v=L1qst6nkjpE

Rigoletto : « Cortigiani, vil razza » au Metropolitan Opera

©Tom Wagner

Theresa KRONTHALER (mezzo-soprano, Agnese)

Theresa Kronthaler étudie à la Hochschule für Musik Hanns Eisler et suit des master classes d’artistes prestigieux, tels Dietrich Fischer-Dieskau, Christa Ludwig et Thomas Quasthoff. Elle se produit essentiellement en Suisse (Die Fledermaus à l’Opéra de Genève, Die Walküre à Bâle), en Allemagne (Hänsel und Gretel, La clemenza di Tito, Così fan tutte à la Deutsche Oper am Rhein, Giulio Cesare in Egitto à Francfort, Orpheus à la Komische Oper Berlin, Carmen, La Damnation de Faust, Maria Stuarda à Brême), ou encore en Autriche (La Straniera au Theater an der Wien).

https://www.youtube.com/watch?v=hSAFix6HaTg

C.M. von Weber, Euryanthe, Acte 1, « Er konnte mich um sie verschmähn… »
(décembre 2018, Theater an der Wien)

Notre sélection pour voir et écouter l’œuvre

CD

Joan Sutherland, Raina Kabaivanska, Giuseppe Campora, Dino Dondi. Chœur et orchestre de la Scala, dir. Antonio Votto, 1961 (Urania Records)

 

Leyla Gencer, Antigone Sgourda, Juan Oncina, mario Zanasi. Chœur et orchestre de la Fenice, Venise, 1964 (Myto)

Joan Sutherland, Josephine Veasey, Luciano Pavarotti, Cornelius Opthof. London Symphony Orchestra, Ambrosian Opera Chorus, dir. Richard Bonynge, 1967 (Decca).

 

June Anderson, Elena Zilio, Don Bernardini, Armando Ariostini. Orchestre et choeur de la Fenice, dir. Gian-Franco Masini, Venise, 1987 (Opera d’Oro)

 

ORF-Symphonieorchester, Wiener Jeunesse Chor, dir. Pinchas Steinberg, 1992 (Nightingale)

 

Lucia Aliberti, Camille Capasso, Martin Thompson, Paolo Gavanelli. Choeur et orchestre de la Deutsche Oper Berlin, dir. Fabio Luisi, 1992 (Berlin Classics)

 

DVD et Blu-ray

Marcello Viotti – Daniel Schmid / Edita Gruberova, Stefania Kaluza, Raul Hernandez, Michael Volle, choeur et orchestre de l’Opéra de Zurich, dir. Marcello Viotti, Opéra de Zurich, 2002 (Arthaus Musik)

Antonio Pirolli –  Hermann Brockhaus / Dimitra Theodossiou, Josè Maria Lo Monaco, Alejandro Roy, Michele Kalmandi. Orchestre et chœur du Théâtre Massimo Bellini de Catane, 2010 (Dynamic) 

Streaming

document.addEventListener('DOMContentLoaded', function() {(tarteaucitron.job = tarteaucitron.job || []).push('youtube');});

Zurich, 2001 – Marcello Viotti – Daniel Schmid / Edita Gruberova, Stefania Kaluza, Raul Hernandez, Michael Volle, choeur et orchestre de l’Opéra de Zurich (sous-titres en espagnol)

document.addEventListener('DOMContentLoaded', function() {(tarteaucitron.job = tarteaucitron.job || []).push('youtube');});

Catane 2010 – Antonio Pirolli –  Hermann Brockhaus / Dimitra Theodossiou, Josè Maria Lo Monaco, Alejandro Roy, Michele Kalmandi. Orchestre et chœur du Théâtre Massimo Bellini de Catane