À la une
Les brèves d’août –
Les festivals de l’été –À Bregenz, un FREISCHÜTZ version Fantasy...
LES DOSSIERS DE PREMIÈRE LOGE
OPERAFEST 2025 – LISBONNE & OEIRAS : Amours interdites !
Les festivals de l’été –Salzbourg : Schönberg – Webern –...
Les festivals de l’été –Vérone : reprise de la mise en...
Saison cinématographique 25/26 du Metropolitan Opera
Triplice anniversario all’Arena di Verona, con CARMEN di Georges Bizet...
À Prague, une MANON LESCAUT seule, perdue, abandonnée de tous...
Les festivals de l’été –Salzbourg : GIULIO CESARE, ou la...
  • Accueil
  • À Voir
  • Avant-concerts
  • Vu pour vous
  • Artistes
  • Œuvres
  • Médiathèque
  • Humeurs
Première Loge

Pour ne rien manquer de l'actualité lyrique, restons en contact !

ProductionCompte renduVu pour vous

Ni opéra, ni concert : le Stabat Mater de Pergolèse vu par Castellucci, entre dispositif scénique et rituel liturgique

par Renato Verga 19 mai 2025
par Renato Verga 19 mai 2025

© GTG / Monika Rittershaus

© GTG / Monika Rittershaus

© GTG / Monika Rittershaus

© GTG / Monika Rittershaus

© GTG / Monika Rittershaus

© GTG / Monika Rittershaus

© GTG / Monika Rittershaus

0 commentaires 3FacebookTwitterPinterestEmail
1,7K

Genève, Stabat Mater de Pergolèse

Castellucci signe ici un spectacle fort et troublant, donnant à voir un rite quasi liturgique propice au recueillement.

Si certains pensent que le Stabat Mater de Pergolèse est empreint d’une certaine légèreté propre au XVIIIe siècle, ils devraient se précipiter à la cathédrale protestante Saint-Pierre de Genève et se rétracteront probablement totalement avec l’avant-dernière représentation de la saison du Grand Théâtre. Si l’œuvre n’a pas été conçue pour la scène, Romeo Castellucci réussit le tour de force de donner vie aux images troublantes évoquées par la séquence du bienheureux Jacopone da Todi (1230 ? -1306), auteur probable des tercets formés de deux octonaires et d’un septénaire dont la première partie, « Stabat Mater dolorosa | juxta crucem lacrimosa | dum pendebat filius », est une méditation sur la souffrance de la mère de Jésus lors de la passion et de la crucifixion de son fils, tandis que la seconde, qui commence par « Eia, Mater, fons amoris, | me sentire vim doloris | fac, ut tecum lugeam », est une invocation de l’orateur à participer à la douleur de la mère du Christ.

La première impression en entrant dans l’austère temple de la Réforme calviniste[i] est déconcertante tant par la perspective que par le dispositif symbolique mis en place dans l’église : les bancs sont alignés le long de la nef et orientés vers le sud sur une très longue estrade en bois clair sur laquelle se déroule la cérémonie. Car c’est bien de cela qu’il s’agit : le théâtre rituel de Castellucci trouve ici sa forme la plus significative, celle d’un rite quasi liturgique qui n’exige pas d’applaudissements, mais une participation intense des spectateurs, et où signes religieux et picturaux s’entremêlent dans un espace d’une grande intensité émotionnelle. Les quelques lumières sont focalisées sur une inquiétante procession de soldats en tenue de camouflage, casques et lunettes noires, armés d’instruments de musique, également peints en gris-vert, qui vont s’installer dans le chœur : ce sont les musiciens de l’Ensemble Contrechamps – dix-huit instrumentistes à vent, trois percussionnistes et cinq cordes basses – qui entonnent, en prélude à la musique de Pergolèse, les Quatre pièces pour orchestre de Giacinto Scelsi, compositeur ligure (1905-1988), premier adepte en Italie du dodécaphonisme d’Arnold Schönberg. Scelsi a également anticipé des courants de la musique contemporaine comme la musique minimale et la musique spectrale, et avec les Quattro pezzi su una nota sola, écrites en 1959 et originellement pour orchestre de chambre, il a voulu rendre perceptible la vibration et la profondeur du son, sa consistance plutôt que l’art combinatoire des notes, qui ne sont ici qu’une pour chaque pièce, vivant des moindres variations dynamiques, de la couleur et de la densité renforcées par la réverbération de l’environnement. Il s’agit d’une ouverture de l’espace dans la première pièce, d’un appel dans la deuxième, d’une attente et d’une recherche dans la troisième, et d’une vision infernale à travers un amas assourdissant dans la quatrième. Sous la direction de Barbara Hannigan, également méconnaissable sous sa tenue de camouflage, un empâtement matériel monochrome et spectral est créé sur lequel trois très longs poteaux blancs montés sur des bases motorisées se déplacent dans un ballet abstrait, se balançant dans la nef de la cathédrale comme des faisceaux de lumière laser.

L’éclairage diffus met en valeur le drame qui va se dérouler. Des femmes et des hommes vêtus de gris arrivent et forment des groupes compacts qui « donnent naissance » d’abord à une petite fille, puis à la figure masculine de saint Jean et enfin à la figure féminine de Marie. Pendant la représentation, les interprètes et les personnages sont disposés en tableaux vivants rappelant les figures des pleureuses médiévales ou baroques tandis que la musique de Pergolèse, interprétée par l’ensemble Pomo d’Oro, quintette à cordes et orgue cachés à la vue des spectateurs, se greffe sur celle de Scelsi avec une continuité surprenante. Les tempi sont dilatés, tenant compte de la réverbération acoustique, et les voix de Barbara Hannigan et Jakub Józef Orliński sonnent comme celles de pleureuses émergeant d’un deuil collectif. L’interprétation de la soprano est dramatique, presque viscérale et extrêmement contrastée, tandis que la ligne vocale du contre-ténor est plus sobre, mais caractérisée par une grande projection et une intense présence sur scène. Dans leurs différentes approches interprétatives, les deux chanteurs atteignent des niveaux dramatiques et émotionnels très élevés. Visuellement, le spectacle culmine avec l’arrivée d’une quinzaine d’enfants – et après le concert d’hier soir, on ne peut s’empêcher de penser aux enfants du camp de  Terezín dans leurs petites robes grises… – qui reçoivent sur leurs genoux des représentations du corps supplicié du Christ. Un mélange déchirant d’innocence et de mort.

Sur l’Amen final se greffent les Trois prières latines (1970) de Scelsi pour chœur a cappella, ici les choristes de la Maîtrise du Conservatoire populaire de Genève, invisibles et au chant lointain et éthéré. Enfin, la voix de Barbara Hannigan dans le virtuose Halleluja, clôt la soirée alors que, dans l’obscurité, les portes centrales de la cathédrale s’ouvrent lentement et que le public regagne le parvis. Certains ne peuvent s’empêcher d’applaudir, peut-être pour évacuer la tension accumulée, mais la plupart restent silencieux, comme profondément recueillis…

——————————————————————–

[i] Une note dans le programme précise que « la scénographie et les images présentées sont de la seule responsabilité des artistes et n’impliquent en rien l’Église protestante de Genève ».

Per leggere la versione originale in italiano di questo articolo, cliccare sulla bandiera!

Les artistes

Soprano et direction musicale : Barbara Hannigan
Contre-ténor : Jakub Józef Orliński

Ensemble Pomo d’Oro
Ensemble Contrechamps
Maîtrise du Conservatoire populaire de Genève
Direction de la Maîtrise Magali Dami & Fruzsina Szuromi

Mise en scène, scénographie, costumes et lumières : Romeo Castellucci
Dramaturgie : Christian Longchamp
Collaboratrice artistique : Maxi Menja Lehmann
Collaboratrice décors : Paola Villani
Collaboratrice costumes : Clara Straßer
Collaborateur éclairages : Benedikt Zehm

Le programme

Stabat Mater
Oratorio de Giovanni Battista Pergolesi

Créé en 1736 à Pouzzoles, version originale

Musiques de Giacinto Scelsi
Three Latin Prayers pour chœur a cappella (1970)
Quattro Pezzi (su una nota sola) pour orchestre (1959)

Genève, Cathédrale Saint-Pierre, concert du 16 mai 2025

image_printImprimer
Barbara HanniganJakub Józef OrlinskiRomeo Castellucci
0 commentaires 3 FacebookTwitterPinterestEmail
Renato Verga

Diplômé en Physique de l'Université de Turin, Renato Verga a toujours eu une passion immodérée pour la musique et le théâtre. En 2014, il lance un blog (operaincasa.com) pour recueillir ses critiques de DVD d'opéra, de spectacles vus partout dans le monde, de concerts, de livres sur la musique. Renato partage l'idée que la mise en scène est une partie constitutive de l'opéra lui-même et doit donc comporter de nécessaires transformations pour s'adapter à notre contemporanéité.

Laisser un commentaire Annuler la réponse

Sauvegarder mes informations pour la prochaine fois.

This site uses Akismet to reduce spam. Learn how your comment data is processed.

post précédent
CD – Ernelinde, princesse de Norvège de Philidor –
Éloge de Matthieu Lécroart
prochain post
Fidelio à l’Opéra de Bordeaux, une production inclusive et émancipatrice

Vous allez aussi aimer...

Les festivals de l’été –À Bregenz, un FREISCHÜTZ...

17 août 2025

Les festivals de l’été –Salzbourg : Schönberg –...

16 août 2025

Les festivals de l’été –Vérone : reprise de la...

16 août 2025

Triplice anniversario all’Arena di Verona, con CARMEN di...

16 août 2025

À Prague, une MANON LESCAUT seule, perdue, abandonnée...

15 août 2025

Les festivals de l’été –Salzbourg : GIULIO CESARE,...

15 août 2025

Les festivals de l’été –NABUCCO pour célébrer un...

13 août 2025

Les festivals de l’été –Salzbourg : Hotel Metamorfosis,...

13 août 2025

Les festivals de l’été –Innsbruck : première représentation moderne...

11 août 2025

Les festivals de l’été –Salzbourg : MARIA STUARDA, pas...

10 août 2025

Annonces

OPERAFEST LISBOA & OEIRAS 2025

En bref

  • Les brèves d’août –

    18 août 2025
  • Les brèves de juillet –

    17 juillet 2025

Humeurs

  • Édito de mars –
    Les années 2020 : sombre époque pour les arts, la culture, l’humanisme…

    5 mars 2025

La vidéo du mois

Édito

  • Édito de mars –
    Les années 2020 : sombre époque pour les arts, la culture, l’humanisme…

    5 mars 2025

PODCASTS

PREMIÈRE LOGE, l’art lyrique dans un fauteuil · Adriana Gonzàlez & Iñaki Encina Oyón – Mélodies Dussaut & Covatti

Suivez-nous…

Suivez-nous…

Commentaires récents

  • Roberto Menozzi dans Triplice anniversario all’Arena di Verona, con CARMEN di Georges Bizet nella leggendaria produzione di Franco Zeffirelli
  • Luciano barilli dans Les festivals de l’été –
    Vérone : reprise de la mise en scène légendaire de CARMEN par Franco Zeffirelli
  • Stéphane Lelièvre dans LINDA DI CHAMOUNIX, Donizetti (1842) – dossier
  • Philippe BAZERIES dans LINDA DI CHAMOUNIX, Donizetti (1842) – dossier
  • meyer dans « Déesse d’or, entends nos voix ! »
    LÉO DELIBES au-delà de Lakmé

Première loge

Facebook Twitter Linkedin Youtube Email Soundcloud

Keep me signed in until I sign out

Forgot your password?

Login/Register

Keep me signed in until I sign out

Forgot your password?

Rechercher

Archives

  • Facebook
  • Twitter
  • Youtube
  • Email
Première Loge
  • Accueil
  • À Voir
  • Avant-concerts
  • Vu pour vous
  • Artistes
  • Œuvres
  • Médiathèque
  • Humeurs

A découvrirx

Les festivals de l’été –À Bregenz,...

17 août 2025

Les festivals de l’été –Salzbourg :...

16 août 2025

Les festivals de l’été –Vérone : reprise...

16 août 2025