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À Gênes, une Bohème colorée qui met la vie en jeu

par Marie Gaboriaud 15 décembre 2019
par Marie Gaboriaud 15 décembre 2019
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La reprise de La Bohème au Carlo Felice de Gênes ne semble laisser personne indifférent parmi les mélomanes de la ville, alors que cette production a déjà été jouée plusieurs fois depuis 2011, alimentant, à chaque fois, les discussions. Il faut avouer que la scénographie monumentale et multicolore de l’artiste Francesco Musante est une vraie prise de risque pour l’œuvre-reine des opéras tire-larmes. C’est aussi une vraie proposition, qui emporte finalement l’adhésion.

La toile immense qui accueille le public rappelle les décors des Ballets Russes ou les personnages de Chagall sur le plafond du Palais Garnier, et transporte d’emblée dans un décor de fable, de cirque et de jeu. Le reste sera à l’avenant : costumes aux couleurs vives pour l’ensemble des artistes, décors de conte que l’on imaginerait davantage pour Casse-Noisette – c’est la période ! – que pour le drame de Puccini, légèreté du jeu des artistes et de l’orchestre. Et pourtant, pour étonnante qu’elle paraisse au premier abord, la scénographie, appuyée à la mise en scène d’Augusto Fornari, a le mérite d’éviter par définition l’écueil du larmoyant, et de mettre en valeur les liens qui unissent la pièce avec d’autres œuvres de Puccini, notamment Gianni Schicchi (par exemple la scène de la recherche de la clé/ du testament). Ici, les personnages semblent projetés dans une fable cruelle dont ils ne sont pas conscients, continuant jusqu’au bout à jouer leur vie avec insouciance. Les potentialités techniques du Teatro Carlo Felice (double plateau tournant, machinerie gérant quatre scènes articulées) sont mises à contribution pour donner corps à ce monde onirique. Particulièrement beau et impressionnant, le changement de plateau entre le premier et le deuxième acte : un personnage en costume rayé vient introduire une clé géante sur le bord de la cabane qui servait d’appartement aux jeunes artistes, et le décor, se transformant en carroussel géant, et se met à tourner sur lui-même au son d’une ritournelle, dévoilant le Café Momus et les chœurs immobiles, bras tendus vers le public.

Mais la valeur de cette production tient surtout aux qualités scéniques et vocales d’un plateau de chanteurs très investis, et visiblement heureux d’être là. La soprano slovène Rebeka Lokar et le ténor roumain Stefan Pop ont fait honneur à l’œuvre par leur implication totale et leur diction impeccable. Rebeka Lokar assure la prise du rôle avec brio : grâce à son timbre clair, égal dans tous les registres, elle est une Mimi émouvante et sincère, malgré quelques vibratos trop larges au premier acte dans « Mi chiamano Mimi ». Davantage à l’aise dans un registre plus intime, le naturel de son « Addio senza rancor » à l’acte III lui vaut de longs applaudissements. Privilégiant lui aussi l’expressivité à la puissance, Stefan Pop remplit pourtant pleinement le contrat vocal de Rodolfo et montre de beaux aigus dans « Gelida manina ». Lui aussi gagne en naturel dans les deux derniers actes. Pour le reste de la distribution, Michele Patti est un Marcello brillant, à la voix chaude et au jeu vif ; Francesca Benitez, qui remplaçait Lavinia Bini, souffrante, a toutes les qualités de Musetta, légère et agile dans l’aigu, piquante et joueuse sans vulgarité. Romano dal Zovo fait un Colline solide, et réussit à briller dans son air de l’acte IV. Giovanni Romeo, malgré un timbre chaud et agréable, semble en revanche moins à l’aise que ses compères dans le rôle de Schaunard, tandis que Matteo Peirone est hilarant en Benoît, le propriétaire. Le chœur d’adultes, comme le chœur d’enfants, participent pleinement à la scénographie.

Mais les lauriers reviennent à l’orchestre et à la baguette d’Andrea Battistoni. Le chef, lui aussi, semble prendre sa part de jeu : sa direction précise et enthousiaste permet à l’orchestre de donner le meilleur dans tous les registres, avec un grand sens théâtral, sans que les nuances paraissent forcées ni affectées. Saluons aussi des prises de risque payantes, notamment chez les bois, qui ont une grande part dans l’intensité dramatique de certaines scènes, comme le « Vecchia zimarra » ou le final.

Car, de fait, on pleure devant cette Bohème de foire foraine ! Preuve que l’œuvre, si elle est réalisée avec talent et intelligence, n’a pas besoin d’un décor misérabiliste pour émouvoir. On peut certes regretter le ton criard des costumes des rôles-titres, ou la scénographie de l’acte II, dans lequel, par excès de mouvements et de couleurs, on ne sait plus où poser le regard ni même parfois où sont les chanteurs. Mais le Teatro Carlo Felice offre avec cette Bohème, comme souvent, une très belle production, audacieuse et maîtrisée, qui sert admirablement la musique de Puccini et célèbre le plaisir de l’opéra. Preuve de la bonne humeur ambiante : le pupitre de cuivres, à l’entracte, a régalé le public avec un medley d’airs de Noël jazzy, comme il en est coutumier. Sacrilège ? Pensons plutôt que Rodolfo, devant l’évidence de la mort, préfère encore croire aux jours heureux.

Les artistes

Mimì, Rebeka Lokar
Rodolfo, Stefan Pop
Marcello, Michele Patti
Musetta, Francesca Benitez
Colline, Romano Dal Zovo
Schaunard, Giovanni Romeo
Benoît/Alcindoro, Matteo Peirone

Direction musicale Andrea Battistoni
Orchestra, Coro e Coro di Voci Bianche del Teatro Carlo Felice
Mise en scène Augusto Fornari

Le programme

La Bohème, Giacomo Puccini, 15 décembre 2019, Teatro Carlo Felice de Gênes (Italie)

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stefan popRebeka LokarMichele PattiFrancesca Benitez
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Marie Gaboriaud

Marie Gaboriaud est enseignante-chercheuse en littérature française à l'Université de Gênes. Elle est spécialiste des liens entre musique et littérature, et des phénomènes de canonisation des figures de musiciens. Elle a notamment publié "Une vie de gloire et de souffrance. Le Mythe de Beethoven sous la Troisième République" (2017), qui a été finaliste du Prix France Musique des Muses en 2018.

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