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À Liège, Vincent Dujardin met platement en scène Così fan tutte

par Nicolas Le Clerre 13 octobre 2025
par Nicolas Le Clerre 13 octobre 2025

© J. Berger - ORW Liège

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Cosi fan tutte, Liège, vendredi 10 octobre 2025

Première loge n’avait pas boudé son plaisir, en ouverture de la saison 2023, devant la production du Barbier de Séville imaginée pour la scène liégeoise par Vincent Dujardin ! À trop avoir espéré que l’alchimie se renouvèle, on est hélas déçu par la mise en scène excessivement routinière de Così fan tutte alors que le plateau vocal tient – lui – toute ses promesses.

Tout ça pour ça

Que la foudre soit tombée deux fois au même endroit au cours de la saison dernière relevait déjà d’une forme d’incongruité statistique… À Luxembourg d’abord (dans la reprise de la mise en scène créée à Aix par Tcherniakov) puis à Lyon (dans une production signée Marie-Ève Signeyrole), nous étions restés si bluffés par la radicalité de ces deux manières opposées de traiter les marivaudages de Così fan tutte que c’eut été quasiment miraculeux de voir se renouveler le même prodige une troisième fois.

Depuis la révolution de l’hashtag MeToo et des progrès salutaires en matière de consentement, il n’est désormais plus moralement acceptable de mettre en scène Così fan tutte au pied de la lettre. C’est pourtant le piège dans lequel tombe Vincent Dujardin en accumulant en dépit du bon sens toute une série de clichés masculinistes plus éculés les uns que les autres…

Blousons de cuir, roulement des hanches, manspreading et pieds sur la table dessinent de Guglielmo et Ferrando le portrait de deux lascars dont le machisme brutal est la seule arme pour séduire Fiordiligi et Dorabella qui, comme de bien entendu, s’amourachent immédiatement de ces caricatures ! Aucun des sexes ne sort grandi de ces scènes où l’on se tape sur les fesses et où les garçons, entre deux whiskys on the rocks, reluquent sous les jupes des filles jusqu’à provoquer chez le spectateur une forme de désagréable malaise.

En marge d’une mise en scène paresseuse et datée, Vincent Dujardin semble ne s’être véritablement intéressé qu’au personnage d’Alfonso dont il fait – non sans intelligence – une sorte de deus ex machina qui épie à distance les couples se faire et se défaire. Au second acte, le grand décor en forme de maison de poupées joliment imaginé par Leila Fteita permet d’observer le manège du barbon qui fouille les tiroirs à la recherche de la correspondance des couples d’amoureux et qui déchire méthodiquement chaque lettre avec la joie perverse de celui qui joue avec les sentiments d’autrui. L’image de ces dizaines de morceaux de papiers tombant sur Fiordiligi à la manière d’une averse neigeuse est l’une des plus réussies du spectacle.

Si le public liégeois fait bon accueil à Vincent Dujardin au rideau final, il n’en reste pas moins le désagréable sentiment d’avoir assisté à une mise en scène purement illustrative et dénuée de tout effort de réflexion, à l’image de ce divan où, pendant le final, chacun se retrouve au bras de sa chacune sans que l’épreuve de l’infidélité et de la trahison amoureuse paraisse avoir rien changé à la vie des protagonistes.

Quand la musique est bonne

À défaut d’être intellectuellement stimulante, cette nouvelle production de Così fan tutte est l’occasion d’entendre une distribution parfaitement aguerrie au style mozartien.

Comme il est de tradition pour tous les lauréats du Concours International de Direction d’Orchestre d’Opéra organisé chaque année par l’Opéra royal de Wallonie-Liège, Sieva Borzak fait ses débuts dans la fosse liégeoise quelques mois seulement avec après remporté l’édition 2025 du CIDOO. On attendait beaucoup d’un jeune chef dépositaire de la tradition transmise par Riccardo Muti et force est de reconnaître qu’il excelle à faire sonner l’orchestre à la manière des meilleures phalanges viennoises.

Après une ouverture maladroite et privée d’allant, dirigée à grands coups de moulinets du bras droit, le jeune Maestro italo-russe se ressaisit aussitôt et trouve dans la rigueur rythmique des chanteurs le moyen de régler ses tempi et d’assurer d’un bout à l’autre de la représentation un parfait équilibre entre la fosse et le plateau. Sous sa conduite, le flot de l’orchestre sonne brillant et racé, les cordes formant sous les vents – tous d’une extrême justesse – un tapis souple d’ondulations chatoyantes.

Parmi les chanteurs, celui qui délivre l’interprétation la plus magistrale de son personnage est Marco Filippo Romano dont les moyens vocaux conviennent idéalement pour incarner Don Alfonso. De ce baryton sicilien habitué des grandes salles européennes, on admire à la fois le grain de voix vif-argent, la souplesse du timbre, la longueur du souffle et l’élégance des appogiatures qui donnent à son interprétation mozartienne une véritable italianità. Privé d’arie et cantonné aux ensembles où sa voix se mêle à celles de ses partenaires, Marco Filippo Romano domine de la tête, des épaules et du chant un « Soave sia il vento » anthologique.

Francesca Dotto et Josè Maria Lo Monaco, déjà connues du public belge, pâtissent de voir leurs personnages réduits par la mise en scène à de simples midinettes capables de s’amouracher du premier mauvais garçon venu… Vocalement, elles ont – Dieu merci – bien davantage d’atouts à faire valoir.

La Fiordiligi de Francesca Dotto ne manque pas d’allure et porte élégamment la toilette jusqu’à ce qu’on l’affuble, dans le dernier tableau, d’une hideuse robe de mariée qui la fait ressembler à une meringue ! Vocalement, le portrait qu’elle dessine de son personnage est cohérent et elle réussit parfaitement à faire sentir ce moment de bascule où Fiordiligi se découvre réellement amoureuse de Ferrando : le timbre de soprano est charnu, brillant dans les aigus, et suffisamment agile pour orner la ligne de chant en dépit d’une fréquentation de plus en plus assidue d’emplois verdiens qui ont étoffé ses notes de passage au point de rendre l’instrument presque disproportionné pour chanter Mozart.

Josè Maria Lo Monaco est à ses côtés une Dorabella dont la voix chaude de mezzo convient bien à la plus délurée des deux sœurs. Si la projection semble de prime abord un peu limitée, le larynx parait davantage s’ouvrir lorsque vient l’instant de délivrer l’aria « Smania implacabili » et ses aigus redoutables. Pour la scène du mariage, la costumière Leila Fteita lui a par ailleurs réservé une robe de mariée à la manière de Courrèges extrêmement élégante.

Réunir Vittorio Prato et Maxim Mironov pour interpréter Guglielmo et Ferrando est une des excellentes idées de ce casting ; si chacun d’entre eux s’est plusieurs fois produit sur la scène de Liège, le public belge n’avait – sauf erreur – pas encore eu l’occasion de les entendre sur le même plateau.

Les années qui passent semblent ne pas avoir de prise sur le talent du ténor russe Maxim Mironov dont on se rappelle encore la découverte en 2006 dans une production aixoise de L’Italienne à Alger. Près de deux décennies plus tard, la morbidezza du timbre séduit toujours autant, l’agilité des vocalises a gardé toute sa souplesse et l’intensité incandescente du chant transfigure les plus belles pages de la partition, à commencer par le tendre « Un’aura amorosa » durant lequel le théâtre entier retient son souffle pour n’en perdre aucune nuance.

Plus extraverti, d’un charisme magnétique, Vittorio Prato se glisse avec délice dans le personnage hypersexué imaginé par le metteur en scène. On aurait certes apprécié un Guglielmo moins dégoulinant de testostérone et psychologiquement plus fin mais cette attente déceptive est largement compensée par une leçon de chant mozartien de très grande classe. De la scène du café qui ouvre Così fan tutte à son aria « Donne miei la fate a tanti », le baryton originaire des Pouilles donne à savourer un timbre en clair-obscur aussi solide dans les graves qu’agile dans les reprises ornées des da capo.

Lavinia Bini complète la distribution et prête à Despina son soprano piquant. En dépit du tablier blanc qu’elle porte pour servir ses maitresses, cette Despina n’a rien d’une soubrette et s’affiche au contraire en femme libre et militante. « Una donna a quindici anni », qu’elle chante en tout début du IIe acte, lui attire la sympathie du public et des applaudissements nourris au rideau final.

Peu sollicité par l’écriture de Mozart dans cet opus, le chœur de l’Opéra royal de Wallonie-Liège n’en est pas moins présent sur scène pour les scènes du départ à la guerre et du mariage. Tirés à quatre épingles et chapeautés comme pour une noce élégante, leur présence est – à ces moments du spectacle – dramatiquement incompréhensible mais ils délivrent néanmoins un chant léché et parfaitement idiomatique.

Dans un théâtre comme celui de Liège où l’avant-garde n’est jamais tapageuse et où le public apprécie une certaine forme de classicisme, cette production de Così fan tutte par Vincent Dujardin a été chaleureusement applaudie le soir de la Première dans tous les aspects de sa réalisation. 

Les artistes

Fiordiligi : Francesca Dotto
Dorabella : Josè Maria Lo Monaco
Despina: Lavinia Bini
Guglielmo: Vittorio Prato
Ferrando: Maxim Mironov
Don Alfonso: Marco Filippo Romano

Orchestre et Choeur de l’Opéra royal de Wallonie-Liège, dir Sieva Borzak
Mise en scène : Vincent Dujardin
Décors et costumes : Leila Fteita
Lumières : Bruno Ciulli
Assistant à la mise en scène : Maud Billen
Chef du Chœur : Denis Segond
Chefs de chant : Enrico Cicconofri et Lorenzo Masoni

Le programme

Così fan tutte

Dramma giocoso en deux actes de Wolfgang Amadeus Mozart, livret de Lorenzo da Ponte, créé au Burgtheater à Vienne le 26 janvier 1790.
Opéra Royal de Wallonie Liège, représentation du vendredi 10 octobre 2025.

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Maxim MironovVittorio PratoJosè Maria Lo MonacoMarco Filippo RomanoFrancesca DottoVincent DujardinLavinia BiniSieva Borzak
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Nicolas Le Clerre

C’est un Barbier de Séville donné à l’Opéra National de Lorraine qui décida de la passion de Nicolas Le Clerre pour l’art lyrique, alors qu’il était élève en khâgne à Nancy. Son goût du beau chant le conduisit depuis à fréquenter les maisons d'Opéra en Région et à Paris, le San Carlo de Naples, la Semperoper de Dresde ou encore le Metropolitan Opera de New-York. Collectionneur compulsif de disques, admirateur idolâtre de l’art de Maria Callas, Nicolas Le Clerre est par ailleurs professeur d’Histoire-Géographie, Président de la Société philomathique de Verdun, membre de l'Académie nationale de Metz et Conservateur des Antiquités et Objets d'Art de la Meuse.

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