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Florence : Les Pêcheurs de perles
Du cinéma à l’opéra : le voyage de Wim Wenders échoue

par Renato Verga 19 septembre 2025
par Renato Verga 19 septembre 2025

© Michele Monasta

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Florence, Les Pêcheurs de perles, mardi 16 septembre 2025

Reprise à Florence des Pêcheurs de perles selon par Wim Wenders. Si le spectacle, déjà présenté à Berlin, déçoit visuellement, l’interprétation musicale convainc pleinement.

Une œuvre à la fois aimée et oubliée

Écrasés par le poids encombrant de Carmen, sa grande sœur monopolisant la gloire et les faveurs des programmateurs, Les Pêcheurs de perles de Georges Bizet connurent un destin atypique : il s’agit en effet d’une œuvre à la fois aimée et oubliée, une œuvre fragile qui, après des débuts controversés, a rapidement plus ou moins sombré dans l’ombre, surtout hors des frontières hexagonales. Pourtant, plus d’un siècle et demi plus tard, sa fraîcheur mélodique et le charme de ses atmosphères révèlent les signes d’un talent précoce, celui d’un compositeur qui, à vingt-quatre ans, avait déjà la capacité de sculpter des émotions musicales indélébiles, même s’il ne possédait pas encore la main dramaturgique qui allait rendre immortel son dernier opéra.

En 1863, Bizet avait donc vingt-quatre ans lorsqu’il mit en musique l’histoire de deux amis, Nadir et Zurga, amoureux de la même femme, Leïla, prêtresse consacrée au vœu de chasteté. Une intrigue fragile, soutenue par un livret naïf et en partie artificiel, mais illuminée par des éclairs mélodiques extraordinaires. Si l’architecture dramatique semble incertaine, la musique a la grâce d’un chant qui défie pas le temps : l’air de Nadir « Je crois entendre encore », avec son legato suspendu et quasi diaphane, reste l’une des pages les plus difficiles et les plus fascinantes pour ténor ; la romance de Leïla « Comme autrefois dans la nuit sombre » vibre de mélancolie et de nostalgie ; le monologue de Zurga dans le troisième acte révèle une introspection psychologique surprenante.
Et puis, bien sûr, il y a le duo « Au fond du temple saint », véritable cœur émotionnel de l’œuvre, avec ce « thème de la déesse » qui revient comme une obsession : non pas un leitmotiv wagnérien, mais plutôt une « idée fixe » berliozienne, une mélodie qui s’imprime dans la mémoire et structure la dramaturgie musicale. C’est grâce à cela que Les Pêcheurs de perles, malgré ses fragilités, continue de conquérir le public.

Initialement, l’action devait se dérouler au Mexique, mais les librettistes l’ont sans scrupule déplacée à Ceylan, l’actuel Sri Lanka. Bizet n’a toutefois jamais cherché à imiter les sons ou les styles orientaux : son « exotisme » n’est pas archéologique, mais poétique. Il s’agit plutôt d’un jeu de couleurs mélodiques, d’une musicalité envoûtante qui anticipe certaines pages de Puccini par son intensité et sa langueur. Le chef d’orchestre Jérémie Rhorer a justement fait remarquer dans le programme de salle que cette œuvre de jeunesse est dominée par une impulsion lyrique qui l’emporte sur la dimension narrative. Bizet semble ainsi plus intéressé par la description des sentiments que par le récit de l’intrigue.

Une lecture scénique peu convaincante

La dernière étape de ce parcours interprétatif est la production proposée actuellement par le Teatro del Maggio Musicale Fiorentino : il s’agit de la reprise du spectacle présenté en 2017 à la  Staatsoper unter den Linden de Berlin. À l’époque, Daniel Barenboim avait voulu à ses côtés Wim Wenders, le grand réalisateur allemand, cinéaste des solitudes et des paysages intérieurs. Le destin semble lier Wim Wenders et l’opéra de Bizet :  en 1978, à San Francisco, dans un bar fréquenté par des artistes, Wenders avait entendu l’air de Nadir sur le jukebox et en avait été bouleversé. Lorsque Barenboim lui a proposé de collaborer avec lui, le réalisateur n’a pas hésité : le titre idéal était pour lui Les Pêcheurs de perles.

De fait, le livret semble présenter certaines affinités avec son cinéma : deux hommes unis et séparés par leur amour pour une femme, une amitié déchirée, un paysage aux confins du monde. Cependant, le passage du plateau de cinéma à la scène ne s’est pas avéré aussi naturel. Wenders avait déjà effleuré l’opéra dans le passé : en 2013, il aurait dû signer un Ring pour Bayreuth, mais le projet a échoué pour des raisons financières. Avec Bizet, il s’agissait donc de sa première – et pour l’instant de son unique – incursion dans l’univers lyrique. Avec un résultat assez peu mémorable.

Le metteur en scène a cherché à « moderniser » le récit, en le libérant de la naïveté du livret. Mais, paradoxalement, il est tombé dans un autre type de naïveté : celle de vouloir traduire le langage de l’opéra en images cinématographiques. Le spectacle florentin s’ouvre comme un film, avec le générique projeté sur un voile semi-transparent. On voit des vagues numériques gigantesques, des lunes tropicales derrière les cimes des palmiers, des gros plans des protagonistes dans un flash-back. Tout ce que dit le livret est illustré en vidéo, avec un didactisme qui appauvrit la suggestion. Là où l’opéra évoque, le cinéma montre : et dans ce court-circuit, la magie s’éteint. On observe par ailleurs certains stéréotypes dans les gestes des protagonistes ou le traitement de la masse chorale.
La scène reste toujours vide, un plan incliné suggérant abstraitement une plage. L’imaginaire visuel de Wenders, fait de cadrages picturaux et d’espaces suspendus, ne trouve ici aucune traduction scénique. Les couleurs lumineuses instrumentales ne se trouvent guère d’équivalents visuels sur la scène toujours sombre. L’évocation de la nuit étoilée (avec des fils lumineux), le rocher sur lequel Leïla prie (une sorte d’échelle que l’on aperçoit à peine dans l’obscurité), la scène du supplice (avec les fumées habituelles) ne sont pas plus convaincantes. Les costumes de Montserrat Casanova sont laids et invraisemblables, car pour ne rien concéder à l’exotisme, ils misent sur le monochromatisme de robes de chambre en laine pour le moins inadaptées à une île tropicale. Même les perruques posent problème dans la définition des personnages, Camarena repoussant sans cesse les cheveux noirs tombant sur son visage.

De vraies beautés musicales !

Si la mise en scène ne convainc pas, la partie musicale sauve la soirée. Au pupitre,Jérémie Rhorer offre une interprétation équilibrée, attentive aux couleurs et aux dynamiques, capable de donner du souffle tant aux moments lyriques qu’aux moments dramatiques. L’orchestre du Maggio répond avec précision et brio, confirmant sa polyvalence. Parmi les chanteurs, Javier Camarena se distingue, Nadir à la voix lumineuse, capable de surmonter cette tessiture difficile et d’aborder les passages en voix de tête avec élégance et maîtrise. Le public lui a réservé des applaudissements chaleureux, conquis par le raffinement de son émission. À ses côtés, Lucas Meachem dessine un Zurga d’une rare intensité : puissant, tourmenté, traversé par des passions contradictoires – amitié, jalousie, amour, vengeance – que l’interprète rend avec une expressivité magnétique et une projection vocale étonnante. La soprano arménienne Hasmik Torosyan incarne une Leïla délicate et sensible, malgré un timbre un peu métallique qui enlève de la douceur à sa ligne vocale. La basse Huigang Liu est également solide dans le rôle de Nourabad. Le chœur, précis et bien préparé, ne trouve pas dans la partition de Bizet une écriture des plus efficaces : c’est peut-être dans ce domaine que le jeune compositeur, bien qu’héritier du Grand Opéra, montre le plus son inexpérience, les chœurs étant souvent statiques, peu différenciés, sans avoir la force théâtrale d’un Meyerbeer ou d’un Verdi.

Au final, cette soirée florentine a confirmé le fait que Les Pêcheurs de perles ne sont pas un chef-d’œuvre parfait, mais constituent une œuvre méritant d’être redécouverte. Elle a la grâce de l’inexpérience, la fraîcheur d’un talent qui cherche encore sa voie, mais qui possède déjà un don rare : un sens mélodique qui reste en mémoire, qui émeut et enflamme l’imagination. Bizet mourra à 37 ans seulement, et Carmen restera son héritage définitif, mais sans Les Pêcheurs, Carmen n’aurait pas été la même : c’est ici que le jeune Georges a appris à faire d’un air ou d’un duo de véritables portraits psychologiques, à donner voix aux troubles de l’âme.
L’expérience de Wenders, bien que décevante, a néanmoins eu le mérite de remettre cette œuvre sous les feux de la rampe. Même privée d’une mise en scène mémorable, la musique de Bizet trouve la force de s’imposer. Le public florentin, venu très nombreux dans la salle du Maggio, l’a démontré par ses applaudissements généreux et convaincus.

Les artistes

Leïla : Hasmik Torosyan 
Nadir : Javier Camarena
Zurga : Lucas Meachem
Nourabad : Huigang Liu

Chœur et orchestre du Maggio Musicale Fiorentino, dir. Jérémie Rhorer
Chef de chœur : Lorenzo Fratini

Mise en scène : Wim Wenders (reprise par Derek Gimpel)
Dramaturgie : Detlef Giese
Décors : David Regehr
Costumes : Montserrat Casanova
Lumières : Olaf Freese (reprises à Florence par Oscar Frosio)

Le programme

Les Pêcheurs de perles

Opéra en trois actes de Georges Bizet, livret d’Eugène Cormon et Michel Carré, créé le 30 septembre 1863 au Théâtre-Lyrique de Paris.

Teatro del Maggio Fiorentino, représentation du mardi 16 septembre 2025

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Wim WendersJérémie RhorerHuigang LiuLucas MeachemJavier CamarenaHasmik Torosyan
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Renato Verga

Diplômé en Physique de l'Université de Turin, Renato Verga a toujours eu une passion immodérée pour la musique et le théâtre. En 2014, il lance un blog (operaincasa.com) pour recueillir ses critiques de DVD d'opéra, de spectacles vus partout dans le monde, de concerts, de livres sur la musique. Renato partage l'idée que la mise en scène est une partie constitutive de l'opéra lui-même et doit donc comporter de nécessaires transformations pour s'adapter à notre contemporanéité.

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