DVD – Un Élixir d’amour : ça n’est (pas) que pour les enfants !

Les artistes

Adina :  Norma Nahoun 
Nemorino :  Sahy Ratia 
Belcore : Jean-Christophe Lanièce
Dulcamara : Thibault de Damas 
Gianetta / Ouvrière de l’usine / Invitée au mariage : Sara Gouzy 
Ouvrière de l’usine / Invitée au mariage : Natalie Pérez 
Ouvrière de l’usine / Invitée au mariage : Dina Bawab 
Raffaella Gardon, Julien Chaudet, Romain Valembois : comédiens 

Les Frivolités Parisiennes, dir. Marc Leroy-Calatayud | direction
Mise en scène : Manuel Renga
Scénographie, costumes : Aurelio Colombo 
Henri Tresbel : traduction et adaptation du livret

Le programme

Un élixir d’amour

D’après L’elisir d’amore
Melodramma giocoso en deux actes de Gaetano Donizetti, livret de Felice Romani d’après le livret de Scribe pour Le Philtre d’Auber, créé au Teatro alla Cannobiana de Milan le 12 mai 1832.

1 DVD Théâtre des Champs-Élysées, 75 min, 2021.

Le regretté Stefano Mazzonis, ancien directeur de l’Opéra de Wallonie-Liège, confiait lors de sa dernière conférence de presse remarquer de plus en plus de cheveux gris ou blancs à l’Opéra, et expliquait que le renouvellement du public était devenu l’une de ses priorités absolues[1]. La plupart des scènes lyriques, de France ou d’ailleurs, ont ainsi à cœur de mettre en place des dispositifs permettant aux jeunes de se familiariser avec un genre artistique qui leur est le plus souvent parfaitement étranger.

La grande originalité des actions menées par le Théâtre des Champs-Élysées en direction des jeunes réside sans aucun doute dans les représentations d’« opéras participatifs » qu’il organise chaque année : un grand titre du répertoire – et non un opéra pour enfants – est choisi (Les Noces de Figaro il y a deux ans, L’Élixir d’amour l’an dernier, Rigoletto cette année) et monté avec le plus grand soin. Les musiciens et metteurs en scènes retenus pour ces projets comptent parmi les plus talentueux de la nouvelle génération, si bien que lorsqu’on assiste aux représentations, l’impression qui se dégage est tout sauf celle d’un spectacle « au rabais » : le résultat est toujours en tout point digne des « grandes » productions, le même sérieux, le même professionnalisme, le même engagement ayant présidé à la réalisation du spectacle.

Ce fut le cas l’an dernier pour Un Élixir d’amour (comme ce fut le cas il y a deux ans pour Les Petites Noces). L’action est habilement transposée dans une usine où l’on fabrique un sirop très amer (les ouvriers de l’usine auront d’ailleurs à cœur de chercher des solutions pour adoucir la potion : on les retrouve tout au long du spectacle, assurant la continuité de la narration par leurs interventions récurrentes et amusantes). L’œuvre a été un peu réduite (le spectacle dure 75 min) mais toutes les pages essentielles de l’opéra sont préservées ; le livret a fait l’objet d’une traduction en français (par Henri Tresbel), mettant le texte à la portée des enfants sans jamais tomber dans la démagogie ou la vulgarité. (Il a juste fallu supprimer l’allusion au Bordeaux dont est remplie la fiole de Dulcamara, Nemorino se désinhibant et prenant de l’assurance pour des raisons purement psychologiques et non sous l’effet de l’alcool !). Six extraits musicaux, enfin, sollicitent la participation du public – ou plutôt de vous-même et des enfants qui vous entourent, dans votre salon et devant votre poste de télévision !

L’orchestre des Frivolités Parisiennes, léger, précis et coloré, est dirigé par un Marc Leroy-Calatayud respectueux tout à la fois de l’humour et de la tendresse de la partition, dont il propose une lecture vive et élégante. Quant à la distribution, elle se révèle parfaite d’entrain, d’humour… et de musicalité : Thibault de Damas est un Dulcamara roublard et bonimenteur à souhait. Sahy Ratia est un Nemorino tendre et drôle, à la ligne de chant châtiée (avec une très touchante « Furtive larme »). Norma Nahoun campe une Adina piquante dont le format vocal correspond très bien à celui du personnage ; fine comédienne, le changement de ses sentiments pour Nemorino est rendu avec une grande crédibilité à la fin de l’ouvrage. Enfin, Jean-Christophe Lanièce, qui interprète en ce moment le rôle de Gregor dans Les Éclairs à l’Opéra-Comique, est un excellent Belcore, bellâtre ridicule comme il se doit dans son incarnation scénique, mais vocalement stylé et assuré.

La mise en scène de Manuel Renga est drôle et légère, sans aucune faute de goût (les tableaux visuels, jusque dans la gestuelle des figurants pendant telle ou telle page vocale, sont toujours en phase avec la musique et ne donnent jamais l’impression de « meubler » pour capter coûte que coûte l’attention des enfants). Le tempo en est soutenu, mais les moments de poésie et d’émotion sont préservés. Hélas, les réactions du public manquent cruellement (covid oblige, la captation a été réalisée dans une salle vide…), au point qu’on en vient presque à regretter qu’on n’ait pas ajouté après coup des rires et des applaudissements factices, comme dans une sitcom !

Signalons pour finir la grande qualité pédagogique des petites capsules vidéo de Marc Leroy-Calatayud et Natalie Pérez favorisant l’apprentissage et la mémorisation des extraits musicaux destinés à être chantés (mine de rien, les enfants sont sensibilisés à des notions telles que le crescendo, l’accelerando, la coda, le chant piano,…) et l’existence d’une version en Langue des Signes Française.

Si vous en avez l’occasion, ne manquez pas le Rigoletto proposé cette année par le TCE (la mise en scène en sera également assurée par Manuel Renga) : émotion et larmes au yeux garanties quand le chef se retourne face au public, que la salle s’illumine, et que tous les enfants se mettent à chanter !

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[1] On sait d’ailleurs toutes les opérations que l’Opéra de Liège organise en direction du jeune public, qu’elles soient destinées aux familles ou aux écoles.