CD – Fatma Said, Kaléidoscope : les mille facettes d’un art du chant

Les artistes

Fatma Said, soprano

Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo, dir. Sascha Goetzel.
Quinteto Ángel
Vision string quartet

Le programme

Kaleidoscope

Œuvres de Bassa, Massenet, Messager, Straus, Strauss II, Lehár, Offenbach, Gounod, Giménez, Loewe, Schröder, Berlin, Weill, Gardel, Villoldo, Piazzolla, Gainsbourg, Paoli, Merrill et Rubicam.

1 CD Warner Classics, septembre 2022.

Parallèlement à une carrière qui, à l’opéra, sollicite fréquemment Mozart ou le répertoire baroque, Fatma Said convoque au concert, en récital ou au disque un large panel de styles musicaux, témoignant d’un bel éclectisme et d’une vraie curiosité artistique. Alors que son premier album (El Nour) paru chez Warner proposait un florilège de mélodies françaises et espagnoles (voyez ici le compte rendu de Sabine Teulon-Lardic), la voici de retour avec un CD dont le titre, Kaléidoscope, annonce clairement  que nous nous apprêtons à découvrir les mille facettes de l’art d’une chanteuse atypique.

De fait, Fatma Said, dans son nouvel album, a pris soin de ne pas se cantonner au seul genre lyrique, mais d’ouvrir large l’éventail des possibles en convoquant aussi bien la comédie musicale que l’opéra, l’opérette, l’opéra-comique, la zarzuela, le jazz, la pop, la variété… En découvrant le programme sur la pochette du CD, on pourrait craindre que l’ensemble ne donne une impression de disparate, et que ce trop grand éclectisme ne débouche sur un dommageable manque de cohérence. Pourtant, on se laisse convaincre par les arguments de la chanteuse (exposés dans la notice du CD), laquelle se propose de brosser le portrait de femmes issues de cultures on ne peut plus variées, le fil conducteur permettant de relier entre elles les pages musicales étant la danse : de fait, chaque air retenu se déploie sur un rythme de danse, qu’il s’agisse d’une valse, d’un boléro, d’un tango ou d’une habanera…
Côté lyrique, si le boléro de La Fiancée en loterie (Messager) est enlevé avec brio et humour, les rôles de Manon ou Juliette sont peut-être encore un peu surdimensionnés pour la chanteuse : en dépit de la beauté de la voix (qui rappelle parfois celle de Kathleen Battle, avec cependant une densité de timbre supérieure et des graves plus charnus), la projection paraît encore un peu restreinte pour ces emplois très lyriques – encore faudrait-il entendre la chanteuse sur scène pour en être sûr… -, et l’aigu se déploiera sans doute avec plus de franchise dans quelque temps. Mais ce que l’on apprécie avant tout dans cet enregistrement, c’est l’incroyable facilité avec laquelle la chanteuse passe d’un style à l’autre et adapte sa technique en fonction des esthétiques abordées : capable d’alléger le timbre, d’abandonner l’émission vocale de type « classique » pour un retour à la voix « naturelle », de colorer la ligne de chant de certaines raucités, de s’abandonner avec gourmandise à certains effets jazzy, la chanteuse n’est jamais prise en flagrant délit de « sophistication excessive » dans des pages qui appellent une franchise vocale ou une simplicité (apparente) dans l’interprétation bien éloignée de l’univers de l’opéra. Bref, jamais nous n’avons l’impression d’avoir affaire à une diva égarée en des terres qui ne sont pas les siennes ! Nous ne pouvons pas toujours en dire autant de certaines consœurs qui ont tenté pareille aventure…

Si l’on ajoute à cela que les arrangements musicaux des pages non classiques sont très soignés et que les partenaires de Fatma Said sont tous très talentueux (instrumentistes et chanteurs : Marianne Crebassa apporte à la chanteuse une réplique de grand luxe dans la barcarolle des Contes d’Hoffmann), on comprendra que l’on tient là un album atypique mais très séduisant, d’autant qu’il permet de (re)découvrir plusieurs pages rarement entendues !

Retrouvez Fatma Said en interview ici !

https://www.youtube.com/watch?v=eTyxSjeSfCE

La barcarolle des Contes d’Hoffmann avec Marianne Crebassa

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« Yo Soy María » (Piazzolla: María de Buenos Aires)