CD – Haendel : Salve Regina, Saeviat tellus, concertos pour orgue (Chiara Skerath, Gaétan Jarry)

Les artistes

Chiara Skerath, soprano
Ensemble Marguerite Louise
Orgue et direction : Gaétan Jarry

Le programme

Haendel, Concertos pour orgue & Motets (Salve Regina et Saeviat tellus)

1 CD Château de Versailles Spectacles 

L’intérêt de ce CD réside avant tout dans l’originalité de son programme : outre que le Salve Regina et le Saeviat tellus ne comptent pas parmi les œuvres vocales de Haendel les plus fréquemment interprétées au concert ni les plus enregistrées, leur association avec trois concertos pour orgue se révèle être à la fois surprenante… et judicieuse, pour ne pas dire pertinente. Les concertos en fa majeur n° 4 opus 4, en ré mineur n° 4 opus 7 et en sol mineur n° 1 opus 4 sont en effet on ne peut plus chantants, et leur mise en perspective avec la musique des motets permet d’établir un parallèle intéressant entre l’instrument et la voix, lesquels, tour à tour, déroulent de longues lignes cantabile ou laissent s’épanouir  une riche virtuosité. De fait, la musique de ces concertos n’est pas si éloignée de celle de certains oratorios ou opéras (le premier mouvement du concerto en fa majeur ne provient-il en partie pas de la seconde version du chœur « Questo è il cielo » d’Alcina ?), et leur alternance avec celle des motets rappelle en quelque sorte qu’ils avaient été composés par Haendel pour servir d’intermèdes au cours de ses oratorios.

On peut évidemment compter sur Gaétan Jarry, chef d’orchestre mais aussi organiste chevronné, pour révéler toute leur teneur poétique et toute la puissance évocatrice des ces concertos, qui font alterner joie exubérante, grâce délicate (l’andante du concerto en sol mineur) et recueillement (splendide adagio du concerto en ré mineur), d’autant que l’organiste joue sur un  nouveau « grand » orgue positif aux sonorités splendides, construit par Quentin Blumenrœder sur la base d’un orgue de 1719 restauré pour le Musée des Arts Décoratifs de Strasbourg, avec pour finalité de  « replacer le grand orgue au cœur de l’orchestre ». L’ensemble Marie Louise se distingue quant à lui par sa précision, sa transparence, sa vivacité, et surtout sa capacité à établir un vrai dialogue avec l’orgue ou la voix, dépassant de loin le simple rôle d’accompagnement parfois dévolu à l’orchestre dans ce genre de pièces.

Mais les lecteurs de Première loge seront aussi et sans doute surtout sensibles à l’art de Chiara Skerath. La chanteuse, dont les emplois sont ceux d’un soprano lyrique léger, est familière de rôles tels Pamina, Poppea, Euridice (Gluck), mais elle a aussi proposé une fort belle Micaëla à Bordeaux, tout récemment : de fait, la voix est un peu plus ancrée dans le grave et possède une rondeur et une chaleur dont ne disposent pas forcément les sopranos légers. Cela n’empêche nullement Chiara Skerath de lancer de beaux aigus francs et colorés, dont ceux, fort périlleux, du Saeviat tellus (où elle atteint, il est vrai, ses limites), ni de faire entendre une très belle virtuosité : moins ébouriffante peut-être que celle d’Annick Massis (avec qui la chanteuse a d’ailleurs travaillé) qui grava ces pages sous la direction de Minkowski (Archiv Production) ou Julia Lezhneva (avec Giovanni Antonini chez Decca), sa technique n’en demeure pas moins accomplie (écoutez l’Alleluia du Saeviat tellus !), toujours parfaitement expressive et au service d’une sensibilité constante (splendide Ad te clamamus du Salve Regina, empreint d’une émotion sobre et dont les silences sont autant de sanglots étouffés…).

Vous pouvez donc emprunter sans crainte le passage piétons du livret du CD (un remake de la célèbre photographie de l’album Abbey Road des Beatles !), et pénétrer sans hésiter dans cet univers haendélien tout autant séduisant qu’original !

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