CD – LIKE FLESH (Sivan Eldar)

Les artistes

La Femme / L’Arbre : Helena Rasker
L’Homme, forestier : William Dazeley
L’étudiante : Juliette Allen
Chœur de la Forêt : Adèle CarlierHélène FauchèreGuilhem TerrailSean ClaytonRené Ramos PremierFlorent Baffi

Orchestre national Montpellier Occitanie, dir. Maxime Pascal
Mise en scène et décors : Silvia Costa
Costumes : Laura Dondoli
Vidéo : Francesco d’Abbraccio
Lumières : Andrea Sanson
Réalisation informatique musicale (IRCAM), Augustin Muller

Le programme

Like Flesh

Opéra de chambre en un acte de Sivan Eldar, sur un livret anglais de Cordelia Lynn, créé à l’Opéra de Lille en janvier 2022

2 CD b.records, juillet 2025 (1h20)

 

En janvier 2022 était créé, à l’Opéra de Lille, Like Flesh de Sivan Eldar, donné le mois suivant à l’Opéra de Montpellier (une représentation à la quelle avait assisté Sabine Teulon-Lardic), avant d’être repris à Nancy. il s’agit du premier opéra de Sivan Eldar, composé sur un livret de Cordelia Lynn, une fresque poétique inspirée des Métamorphoses d’Ovide : une oeuvre illustrant « un nouveau mythe éco-féministe sur notre relation brisée avec un environnement en crise : enferrée dans un mariage malheureux, une Femme aspire à un monde par-delà les limites de la chair et à une existence affranchie des conventions de la société humaine. Le désir secret d’une jeune Amante provoque une métamorphose explosive, qui rend à la Femme sa liberté en la transformant en arbre. »
Cette captation audio, effectuée sur le vif par b•records à l’opéra de Lille, ne donne pas à voir le spectacle conçu par Silvia Costa mais permet de retrouver la musique de Sivan Eldar et l’interprétation qu’en a donnée Le Balcon (sous la direction de Maxime Pascal) et la troupe de solistes réunis pour l’occasion.

Voici ce qu’écrivait, en février 2022, Sabine Teulon-Lardic à l’occasion des représentations de Montpellier : 

La dramaturgie musicale s’organise autour du concept de métamorphose avec une audace hors du commun que nous saluons pour le premier opus lyrique de Sivan Eldar. « La terre est un palimpseste » s’exclame le chœur de la Forêt (scène 12). L’imaginaire de la compositrice se raccorde également au palimpseste de tous ses devanciers (opéras de J. Peri, F. Cavalli, C.W. Gluck, R. Strauss) sur la thématique de métamorphose. Elle mobilise trois strates, comme autant de ramifications du monde végétal, mais sans tentative d’illustrer les 15 tableaux. La strate électroacoustique, conçue dans les studios de l’IRACM, est performée par le réalisateur d’informatique musicale Augustin Muller. La seconde strate enchevêtre ses textures acoustiques (une douzaine d’instruments en fosse, en sus du synthétiseur) à celle électro, tandis que la composante vocale des 3 solistes et du chœur est finement sonorisée pour mieux fusionner. La coordination du chef d’orchestre Maxime Pascal (directeur et chef du Balcon) est d’une efficacité sidérante, ménageant les équilibres du continuum sonore et la déflagration de deux climax paroxystiques (scènes 7, 11), approchant les Couleurs de la nuit de F. Bayle.  Outre les sons de synthèse, on perçoit des alliances de timbre (notamment les piccolos suggérant le feu, le scintillement de glockenspiel, le boisé du souffle flûtistique), aussi inventives que celles déployées par B. Britten dans l’inquiétant Tour d’écrou.

Interagissant avec ces fluides sonores, la voix de contralto symbolise la maturité de la Femme sexagénaire : Helena Rasker l’incarne avec une présence toute naturelle en quelque situation (notamment enserrée dans les bois flottés) et une lisibilité du récit qui peut confiner aux chuchotements et à la valorisation d’une plainte ostinato (scène « Entrelacement »). Cet art s’inspire sans doute de ses récentes interprétations baroques (avec le RIAS Kammerchor de Berlin). La soprano belgo-anglaise Juliette Allen confère au rôle de l’Etudiante une belle détermination et une sûreté vocale sans faille, notamment dans la tessiture aiguë très sollicitée. L’engagement du baryton britannique William Dazeley est tel qu’il parvient à humaniser le fruste forestier voulant dompter sa femme-arbre qu’il aime profondément (scène 10 « Regret »). Là réside la complexité des émotions que le discours musical sait approfondir pour éviter l’archétype de l’Homme méchant, à l’instar de Debussy traduisant celle de Golaud dans Pelléas et Mélisande. Les 6 voix solistes de la Forêt (voir la distribution ci-dessus) forment un partenaire de premier plan, tant par la dramaturgie que par la richesse polyphonique dont l’intonation (difficile) est parfaitement maîtrisée. Leurs postures en tableau vivant participe en outre de l’art des métamorphoses. […]

Like flesh : un spectacle qui interpelle spectateurs/spectatrices à plus d’un titre !