Philippe Boesmans (1936-2022)

Il est toujours très difficile de prédire qui, parmi les compositeurs de notre temps, restera dans l’histoire de la musique, et l’histoire de l’art regorge d’erreurs de jugement tellement énormes – et qui nous paraissent, a posteriori, grotesques – qu’on se gardera bien  de faire un quelconque pronostic sur la fortune post-mortem de Philippe Boesmans, qui vient de nous quitter en ce dimanche 10 avril 2022.

Ce que l’on peut affirmer en revanche, c’est que peu de compositeurs du XXe siècle et de notre XXIe siècle émergent auront à ce point œuvré pour l’art lyrique – et que peu de musiciens auront comme Philippe Boesmans rencontré un vrai succès public, avec des œuvres qui, fait rarissime, connaissent des reprises régulières couronnées de succès (voyez nos comptes rendus des récentes reprises de Julie à Strasbourg ou d’Yvonne, princesse de Bourgogne au Palais Garnier). Une écriture musicale certes riche et complexe, mais qui ne prône pas l’hermétisme ou l’inaccessibilité à tout crin, qui touche, émeut : voilà bien un motif imparable de moquerie, pour ne pas dire de mépris (exacerbé par une admiration assumée pour certains maîtres du passé), de la part de l’avant-garde musicale. Pensez donc : une musique contemporaine qui rencontre son public ! Il n’empêche, Boesmans a continué sa route, jalonnée de titres qui font immédiatement écho dans l’esprit du lyricophile : La Passion de Gilles (1983), La Ronde (1993), Julie (2005), Le Conte d’hiver (1999), Yvonne, princesse de Bourgogne (2009), Pinocchio (2017) : quel autre compositeur peut se targuer, au tournant du siècle, d’avoir enrichi le répertoire lyrique d’autant d’œuvres, déjà inscrite dans les mémoires des mélomanes ? On ne peut que savoir gré à Philippe Boesmans d’avoir prouvé qu’entre un langage abscons contribuant à éloigner un peu plus le public d’un genre qu’on dit moribond, et l’exploitation sans cesse répétée du répertoire passé, une autre voie était possible, et d’avoir ainsi contribué à assurer la survivance du genre lyrique en l’enrichissant d’œuvres surprenantes, originales, émouvantes, prenant appui le plus souvent sur des livrets d’un grand intérêt.

Yvonne, princesse de Bourgogne au Palais Garnier en 2020

Nous sommes évidemment très impatients de découvrir, lors de la future saison proposée par la Monnaie, le dernier opus de Boesmans, qui sera hélas créé de façon posthume : On purge bébé, d’après Feydeau. Rendez-vous en mai prochain à Bruxelles !