Les festivals de l’été –
Au Nouveau Festival Radio-France Occitanie, dernier concert de Michael Schonwandt à la tête de l’Orchestre national de Montpellier


Au Nouveau festival Radio-France Occitanie, le public manifeste son émotion aux applaudissements de Pelléas et Mélisande de Schönberg, conduit par Michael Schønwandt, chef principal de l’Orchestre national de Montpellier. C’est son dernier concert en tant que chef principal de la formation languedocienne. Entre temps, Les Nuits d’été avec Karine Deshayes ont conquis l’auditoire.

Le programme Hornemann, Berlioz, Schönberg

« Sous le signe de la jeunesse », thématique 2023 du Festival, ce programme juxtapose des pièces de jeunes compositeurs … du XIXe siècle ! Depuis le romantisme danois de Christian Frederik Emil Horneman jusqu’au postromantisme viennois d’A. Schönberg, la fougue est palpable bien que les langages diffèrent. Créée en 1866, l’ouverture de concert Aladdin surprend par le fractionnement de sections contrastées, frémissantes ou bien somptueuses, propres à éveiller l’imaginaire par le titre allusif aux Mille et une nuits. Elle deviendra celle de l’opéra danois Aladdin en 1888 (voir la critique du CD, distingué par l’Appassionato Première Loge). Les textures de l’orchestre sont plutôt chambristes dans l’interprétation des Nuits d’été de Berlioz, ménageant ainsi la poésie de Théophile Gautier.

Quant au poème symphonique Pelléas et Mélisande (1905) de Schönberg, son infinitude évoque le symbolisme du drame de Maurice Materlinck. En 1905, ce poème clôture le cycle d’œuvres musicales qu’il a inspiré : le drame de Debussy, les musiques de Sibelius, de Fauré. Ici, ce sont les atouts post-wagnériens (on entend des effluves tristanesques) et straussiens qui affleurent sous la direction fouillée de Michael Schønwandt : tensions harmoniques, densification du tissu orchestral, paroxysme des éclats. Si le continuum sonore est conduit sans répit, l’enchainement des mouvements laisse rêver l’auditeur qui connaitrait les étapes du drame. Notamment la 3e partie qui suggère le crime de Golaud (frère de Pelléas) dans les souterrains, ou encore la réexposition qui scelle l’apaisement passionnel avec la mort de la douce Mélisande. Pour tout autre auditeur, ce rassemblement d’une centaine de musiciens sur le plateau de l’Opéra Berlioz est une fête des sens. La prédilection pour le sombre registre grave – soli des 8 cors, des 5 trombones et tuba, du contrebasson, enfin des contrebasses (avec quelques soucis de justesse) – est éloquente.

Karine Deshayes et les couleurs berlioziennes

En fin de première partie, Les Nuits d’été de Berlioz forment la parenthèse du raffinement français tant la quintessence poétique est subtilement distillée par la mezzo soprano Karine Deshayes. La version avec orchestre (1856) amplifie les coloris du cycle de six mélodies, conçu pour voix et piano par le jeune Hector à 27 ans. Aussi, le parti pris du chef d’orchestre et de la mezzo semble d’unir les couleurs vocales à celles que Berlioz sélectionne pour chacune. La flûte solo préfigure la juvénile élégance vocale de la Villanelle, les cors bercent douloureusement le lamento Sur les lagunes, avant l’exclamation douloureuse («  Ah sans amour s’en aller sur la mer ») que l’artiste lyrique conduit avec un lyrisme contenu, elle qui a travaillé jeune auprès de Régine Crespin. La diction de Karine Deshayes est un modèle de naturel et de pureté, magnifiée lors de la dernière mélodie, L’Île inconnue. La souplesse vocale y paraît libérée des contraintes (quelques graves incertains dans Absence) et enchante l’auditoire qui acclame l’artiste.

À l’issue du concert, Michael Schønwandt est gratifié de la médaille de citoyen d’honneur de la Ville de Montpellier, offerte par le maire de la métropole (M. Delafosse), en présence des tutelles respectives de l’OOnM et du Nouveau festival Radio-France Occitanie (V. Chevalier, M. Orier). Le public est debout !

Pour aller plus loin …

Les artistes

Karine Deshayes, mezzo soprano
Orchestre national de Montpellier, dir. Michael Schønwandt

Le programme

C. F. E. Hornemann, Aladdin, ouverture de concert
Hector Berlioz, Nuits d’été sur les poésies de Théophile Gautier 
Arnold Schönberg, Pelléas et Mélisande, poème symphonique op. 5.

Montpellier, Le Corum, Opéra Berlioz, concert du vendredi 21 juillet 2023.