le baryton Romain Dayez dans une WALKYRIE historiquement informée au Bayreuth Baroque Opera Festival en juillet prochain !

Dieu sait si on l’attend depuis longtemps cette Walkyrie historiquement informée, promise par HERVÉ NIQUET en 2020 et ajournée depuis en raison de la Covid. Cette fois-ci c’est officiel : le spectacle sera créé en juillet 2024 à Bayreuth, non dans le célèbre Festpielhaus, mais dans le cadre du Bayreuth Baroque Opera Festival. Pour en savoir plus sur cet incroyable projet, nous avons rencontré ROMAIN DAYEZ, qui sera donc l’un des rares Français (ou du moins franco-belges) à chanter Wagner sur la colline sacrée.

STEPHANE LELIEVRE : Même Ernest Blanc, à qui Wieland Wagner avait proposé Wotan en 1959, n’avait pas osé accepter ! Qu’est-ce qui vous a poussé, Romain Dayez, à dire oui à cette proposition d’Hervé Niquet ?
ROMAIN DAYEZ : Plusieurs choses : le fait que l’orchestre, conformément aux vœux du compositeur, ne comporte que 17 musiciens et que le spectacle soit donné au Bayreuth Baroque Opera Festival, dans une salle aux proportions relativement modestes. Et surtout, l’assurance d’être entouré de collègues de qualité, sur lesquels je suis sûr de pouvoir compter pour construire un projet véritablement collectif.

S. L. : Précisément, comment la distribution a-t-elle été choisie ? Et comment le choix d’Hervé Niquet s’est-il porté sur vous pour le rôle de Wotan ?
R. D. :
Hervé souhaitait un chanteur qui soit beau et qui sache parfaitement lire la musique. Le choix était donc très restreint, et c’est moi tout naturellement qui ai été retenu. Hervé voulait également un baryton qui ait une certaine habileté dans l’usage de la voix de tête.

S. L. : La voix de tête, pour Wotan ?
R. D. :
Oui, cela peut surprendre a priori, mais ce choix s’explique musicologiquement, historiquement et dramatiquement (notamment pour la scène des adieux à Brünnhilde). D’abord, Cosima a rapporté dans ses écrits que, lors de leurs conversations, Richard lui a souvent fait part de sa fascination pour la voix de tête qui lui rappelait, nous dit-elle, la voix de l’enfance et une pureté retrouvée. Mais surtout, lors de la scène finale de La Walkyrie, Wotan est un homme brisé, il n’a plus rien d’arrogant, et je dirais même, plus rien de viril. Voilà pourquoi Hervé tient à ce que tous les aigus de cette scène soient chantés en voix de tête.

Romain Dayez en Wotan – © D.R.

S. L. : Mais le personnage de ce dieu tourmenté est assez éloigné des rôles que vous interprétez habituellement, souvent comiques…
R. D. : Je ne suis pas d’accord : Wagner est très drôle en réalité ! C’est une mauvaise tradition qui lui a accolé les qualificatifs de « grave » et de « sérieux ». Relisez le livret du Ring dans son intégralité, franchement sous serez surpris du nombre de fois où l’on rit : quand Alberich glisse et tombe dans l’eau ; quand la lance de Siegmund se brise juste au moment où il s’apprête à frapper Hunding (Wagner avait très exactement ce qu’on appellerait aujourd’hui le « sens du gag » !) ; quand Siegfried entre dans une grotte et y découvre… un dragon ; j’en passe et des meilleures… D’une manière générale d’ailleurs, j’ai toujours trouvé que la langue et la culture germaniques étaient très drôles. Déjà cette manie qu’ont les Allemands de dire « ja» à tout bout de champ au lieu de « oui »…

S. L. :  Et concernant le reste de la distribution ?
R. D. :
Hervé a retenu des voix un peu plus légères que celles habituellement entendues dans ce répertoire, afin d’apporter de la fraîcheur à cette partition quand même un peu lourdingue, il faut bien l’avouer. Siegmund sera interprété par Jean-Paul Fouchécourt et Sieglinde par Sabine Devieilhe. Quant à Brünnhilde… eh bien, ce seront les premiers pas de Sandrine Piau dans le répertoire wagnérien ! Une gageure que Sandrine est très heureuse de relever. J’ai déjà entendu ses « Hojotoho !», elle leur apporte une grâce haendelienne tout à fait inattendue. Vous serez surpris, croyez-moi ! Les costumes seront réalisés par Karl Lagerfeld. Quant à la mise en scène, elle sera réglée par Shirley et Dino, les habituels complices d’Hervé… Corinne et Gilles Benizio sont partis d’une idée très simple mais lumineuse : tout le monde a faim dans la Tétralogie ; faim d’amour, faim de puissance, faim de pommes,… Aussi tout se passera dans un restaurant, un Fish and chips tenu par Erda. Avec un aller-retour entre la salle de restaurant pour les scènes à grand spectacle et les cuisines pour les scènes plus intimistes.  Mais chut… je n’ai pas le droit de vous en dire plus sur le spectacle pour l’instant.

Une scène de l’Acte III :
Wotan et Siegmund vus par Corinne et Gilles Benizio (costumes K. Lagerfeld)

Il nous faudra patienter jusqu’en juillet pour découvrir cette lecture étonnante du chef-d’œuvre wagnérien. D’ici là, vous pouvez d’ores et déjà réserver vos places en cliquant ici. Ne tardez pas !