Les débuts d’Iñaki Encina Oyón au Teatro Colón de Buenos Aires

Le Teatro Colón de Buenos Aires a invité Iñaki Encina Oyón à venir diriger pour quatre soirées (du 23 au 29 juin) Anna Bolena de Donizetti avec une distribution prestigieuse. Après les invitations de l’Opéra de Paris (pour Alcina et Iphigénie en Tauride), voici un nouveau signe tangible de la dimension internationale que semble prendre désormais la carrière du jeune chef d’orchestre.

© Bernard Gagnon — CC BY-SA 4.0,

Stéphane LELIÈVRE : Iñaki Encina, vous vous apprêtez donc à faire vos débuts sur la prestigieuse scène du Teatro Colón…
Iñaki ENCINA OY
ÓN : En fait, j’ai déjà dirigé Il trionfo dell’onore, o Il dissoluto pentito de Scarlatti à l’Opéra de chambre du Teatro Colón, et j’aurais dû également diriger à Buenos Aires une production de Serse de Händel en 2019, mais elle a été annulée en raison de la pandémie. Donc oui, ce seront officiellement mes premiers pas sur la scène du Teatro Colón.

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Il trionfo dell’ onore – Interview d’Iñaki Encina Oyón (espagnol)

S.L. : Avec Anna Bolena, une œuvre appartenant au bel canto, dont certains estiment qu’il ne s’agit pas forcément du répertoire le plus palpitant pour un chef…
I.E.O. : C’est un type de répertoire qui ne m’est pas inconnu, ayant déjà dirigé Bellini, le jeune Verdi, et également Rossini notamment  lorsque j’étais chef assistant au festival de Bad Wildbad. Je crois qu’il faut déjà s’entendre sur ce qu’on appelle bel canto : de Rossini à Donizetti, les choses évoluent assez sensiblement, chaque compositeur ayant sa couleur, son identité propres. On trouve ainsi dans l’écriture rossinienne certains procédés « répétitifs », certaines formules redondantes qui lui sont particulières et qu’on ne trouvera plus chez les compositeurs qui lui succéderont. Bellini est quant à lui réputé pour l’extrême beauté de ses mélodies, aux lignes infinies et aux couleurs évoquant parfois Chopin…

© Marine Cessat-Begler

Prenez l’exemple de « Casta diva » : en ce cas, le rôle du chef consiste à « suspendre le temps » et à mettre en valeur la voix et le chant. Il est vrai qu’au niveau orchestral, cela peut paraître parfois un peu frustrant, l’orchestre étant essentiellement là, dans ces cas précis, pour accompagner le chanteur ou la chanteuse.
Avec Donizetti, et notamment le Donizetti serio, les choses changent quelque peu et deviennent peut-être plus gratifiantes pour le chef et l’orchestre. Bien sûr, pour diriger ce répertoire, il faut avoir un véritable amour pour la voix et ne jamais perdre de vue que nous sommes là pour les soutenir et leur permette d’exprimer au mieux la magie de cette musique. En même temps, au niveau orchestral, on se rapproche déjà de l’écriture du jeune Verdi, avec un discours orchestral plus dense, plus affirmé, et des recherches au niveau des couleurs, des harmonies tout à fait intéressantes.

S.L. : Lorsqu’on interprète ce type de répertoire se pose, entre autres questions, celle des reprises : entre ceux qui les respectent toutes – comme le faisait Alberto Zedda – et ceux qui les suppriment systématiquement, quelle est votre position ?
I.E.O. : Ma position est… de ne pas en avoir une qui soit définitivement et a priori tranchée ! Je crois qu’il faut s’adapter aux circonstances, aux conditions dans lesquelles ont lieu les concerts, et aussi aux chanteurs. Dans le cas de cette Bolena, nous avons quatre représentations entrecoupées chacune d’un jour de repos : c’est un rythme très soutenu et je comprendrais parfaitement que tel ou tel chanteur souhaite ne pas effectuer les reprises. S’il n’y avait qu’une seule date, ou s’il s’agissait d’un enregistrement, j’opterais pour leur maintien. Dans le cas de certaines productions scéniques également[1] : il est des spectacles qui justifient pleinement la présence des reprises, lesquelles trouvent, dans la lecture du metteur en scène, une justification dramatique. En fait, tout est là : pour qu’il y ait reprise, il faut qu’il y ait justification. La reprise ne doit pas seulement permettre à l’interprète de faire étalage d’une virtuosité gratuite.

S.L. : Concernant les variations auxquelles se livrent les chanteurs à l’occasion de ces reprises, le chef a-t-il son mot à dire ?
I.E.O. : Je connais bien la question, pour avoir écrit les variations destinées aux différents interprètes du Siège de Corinthe données à Bad Wildbad il y a quelques années (production ayant donné lieu à un enregistrement paru chez Naxos). Là encore, tout est affaire de discussion… Certains chanteurs arrivent avec leurs variations toutes prêtes. D’autres sont ouverts à l’échange et la co-construction. C’est ce que je préfère, et il va de soi qu’il faut savoir s’adapter aux moyens, à la sensibilité de chaque interprète.

S.L. : Comment se présente cette série de représentations à Buenos Aires ?…
I.E.O. : Sous les meilleurs auspsices : le cast est prestigieux : Olga Peretyatko, Alex Esposito, Daniela Barcellona, Xabier Anduaga
Les répétitions commencent demain[2], ce qui nous laisse dix jours pour travailler avant la première…

Olga Peretyatko (© Marcimarc)

S.L. : Vos projets pour les mois à venir ? 
I.E.O. : Je serai assistant sur plusieurs productions d’opéra : La Cenerentola au Théâtre des Champs-Élysées à la rentrée, mais aussi Werther à Baden-Baden, en novembre : un spectacle mis en scène par Robert Carsen, dirigé par Thomas  Hengelbrock ; c’est Jonathan Tetelman qui interprétera le rôle-titre. Et surtout, je participerai cet été, comme chaque année, au Festival du Périgord noir. Je vais y diriger un Gluck peu connu : Il Parnaso confuso.
Et puis à la rentrée paraîtra un CD de mélodies françaises « à deux voix » avec Adriana González et Marina Viotti. Un concert avec ce programme est prévu à l’Opéra de Rouen le 18 octobre. Enfin, en mai 2024, j’enregistre un CD Mozart, toujours avec Adriana González…

Pour visiter le site d’Iñaki Encina Oyón, c’est ici !

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[1] À Buenos Aires, les concerts seront « mis en espace » par Marina Mora.

[2] L’interview a été réalisée le lundi 12 juin 2023.

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Il trionfo dell’ onore (Alessandro Scarlatti) à l’Opéra de Chambre de Buenos Aires (2018)