LA FANCIULLA DEL WEST, Puccini (1910) – dossier

Opéra en trois actes de Puccini, livret de Guelfo Civinni et Carlo Zangarini, créé le 10 décembre 1910 au Metropolitan Opera de New York

LES AUTEURS

Le compositeur

Giacomo Puccini , 08 avril 1908

Giacomo Puccini (1858-1924)

Giacomo Puccini naît à Lucques dans une famille de musiciens en 1858. Élève de Ponchielli, il connaît son premier grand succès avec Manon Lescaut (1893), et se consacre dès lors presque exclusivement à l’opéra. Après Manon Lescaut, il compose La bohème (1896), Tosca (1900) et Madama Butterfly (1904) qui remportent un immense succès et jouissent toujours aujourd’hui d’une très grande popularité. Outre ces ouvrages, il fait aussi représenter La fanciulla del West (1910), et Il trittico (1918). Atteint d’un cancer de la gorge, il s’éteint à Bruxelles en 1924 avant d’avoir pu achever son ultime chef-d’œuvre : Turandot, créé de façon posthume en 1926. 

Malgré d’évidentes affinités avec d’autres compositeurs italiens du tournant du siècle, les musicologues refusent le plus souvent de le considérer comme appartenant au mouvement dit vériste, en raison des thèmes de ses livrets mais aussi d’une esthétique musicale très personnelle. Si l’on reproche parfois au musicien une supposée facilité, on oublie souvent qu’il suscita l’admiration de musicologues, musiciens ou compositeurs aussi aguerris et talentueux qu’Arnold Schoenberg (qui le considérait comme le plus grand harmoniste de son temps) ou René Leibowitz.

Les librettistes

Guelfo Civinni (1873-1954)

Si Guelfo Civinini (1er août 1873, Livourne – 10 avril 1954, Rome) est passé à la postérité pour avoir rédigé, en collaboration avec Carlo Zangarini, le livret de La fanciulla del West, il eut au cours de son existence des activités multiples et variées puisqu’il fut tout à la fois  universitaire, auteur littéraire, critique, librettiste d’opéra, combattant (notamment en Afrique), réalisateur de films documentaires et archéologue (il mit au jour la Villa Enobarbi construite sous l’Empire romain). En tant qu’homme de lettres, il publia L’urna (recueil de poésies, 1901), le roman Gente di palude (1912) mais aussi plusieurs pièces de théâtre.

Carlo Zangarini (1873-1943)

Né à Bologne le 9 décembre 1874 à Bologne, mort dans cette même ville le 19 juillet 1943) Carlo Zangarini fut cinéaste (il réalisa une dizaine de films entre 1917 et 1922), scénariste, professeur d’art dramatique, mais surtout dramaturge et librettiste. Outre le livret de La fanciulla del west, il écrivit ceux de  Zaza (Ruggero Leoncavallo, 1900), Conchita (Riccardo Zandonai, d’après La Femme et le Pantin de Pierre Louÿs, 1911) I gioielli della Madonna (Ermanno Wolf-Ferrari, 1913). Il écrivit également la version italienne de Hans, le joueur de flûte de Louis Ganne (1907)

 

L’ŒUVRE

La création

La fanciulla del West est créée au Metropolitan Opera de New York e 19 décembre 1910, avec Emmy Destinn et Enrico Caruso dans les deux rôles principaux. Le succès fut triomphal. Pourtant, même si les plus grands chanteurs abordèrent l’œuvre (Maria Caniglia, Renata Tebaldi, Birgit Nilsson, Eva Marton, Nina Stemme, Placido Domingo, Franco Corelli, Mario del Monaco, Jonas Kaufmann…), elle ne parvint jamais a égaler le degré de popularité des autres grands opus pucciniens. 

La fameuse partie de poker lors de la création, avec Emmy Destinn dans le rôle de Minnie

Le livret

Le livret est adapté d’une pièce de théâtre à laquelle Puccini assista lors d’un voyage aux États-Unis : The Girl of the Golden West de David Belasco, mélodrame créé à New York en 1905. La pièce avait connu un succès phénoménal et, de 1915 à 1938,  fit l’objet de quatre adaptations cinématographiques – dont une (1915) réalisée par  Cecil B. DeMille. Voici la version intégrale de ce film muet de 44 minutes minutes (sous-titres en français) :

David Belasco (1853-1931)

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Cecil B. DeMille, The Girl of the Golden West (1915)

L’INTRIGUE

Nous sommes dans l’Ouest américain, dans les années 1850, en pleine ruée vers l’or.

Acte I
Minnie (soprano) tient un saloon où viennent boire et se restaurer les mineurs, dont elle garde précieusement tout l’or amassé. Elle est courtisée par le shérif Rance (baryton), qui vient l’avertir que le dangereux bandit Ramerrez (ténor) rôde dans les parages.
Pour l’heure, c’est un étranger, Dick Johnson (ténor), qui fait son entrée dans le saloon. Dick et Minnie sont irrésistiblement attirés l’un vers l’autre, au grand dam de Rance, amoureux de Minnie depuis longtemps, et qui quitte les lieux, dévoré de jalousie. En réalité, Johnson n’est autre que Ramerrez  lui-même, le célèbre bandit. Venu sur les lieux pour commettre un vol, il renonce à son projet en constatant l’honnêteté de Minnie, qui déclare à celui qu’elle prend pour « Johnson » qu’elle conserve chez elle tout l’or amassé par les mineurs, et qu’elle est prête à défendre ce trésor au prix de sa vie.

Acte II
Revient Rance accompagné de ses hommes : ils savent que Ramerrez est tout proche et sont venus l’arrêter. Ramerrez avoue alors à Minnie sa véritable identité. Minnie le chasse aussitôt. Mais à peine est-il sorti que le jeune homme est blessé d’un coup de fusil. Minnie, prise de pitié, le cache dans son grenier et déclare à Rance que Ramerrez s’est enfui. La présence du bandit est cependant trahie par une goutte de sang tombant du plafond.

– Bonne nuit.
Rance reprit son manteau, hésita, puis répéta avec un peu moins de colère qu’auparavant :
– Bonne nuit !
Mais la jeune fille, dont le visage était toujours caché, ne répondit pas. Il observa un moment la forme accroupie, les épaules frémissantes, puis demanda, avec une douceur soudaine et inhabituelle :
– Ne peux-tu pas me dire bonne nuit, ma fille ?
Lentement, la jeune fille se leva et lui fit face, en proie à un sentiment d’aversion et de pitié mêlées. Puis elle remarqua l’endroit où il se tenait maintenant : sa grande taille le rapprochait terriblement des planches basses de la soupente où était couché son amant ; il aurait pu entendre la respiration du blessé… Tout autre sentiment fut alors balayé par une peur incontrôlable. Ayant pour unique pensée qu’elle devait se débarrasser de lui, faire n’importe quoi, dire n’importe quoi, mais se débarrasser de lui rapidement, elle se força à avancer, la main tendue, et dit d’une voix empreinte de promesses :
– Bonne nuit. Jack Rance, bonne nuit !
Rance saisit la main avec une joie presque féroce dans les deux siennes, son regard vif s’efforçant de lire le visage de la jeune femme. Puis, brusquement, il la relâcha et retira vivement sa main.
– Regardez ma main ! Il y a du sang dessus ! dit-il.
Et tandis qu’il parlait, sous la lumière jaune de la lampe, la jeune fille vit une deuxième goutte de sang tomber à ses pieds. Comme un éclair, elle en comprit la terrible signification. Elle se força à ne pas lever les yeux vers les planches du dessus. […]
– Oho ! dit Rance sur un ton narquois, en reculant et en pointant son arme vers le grenier. Alors, il est là-haut !
Les doigts de la jeune fille agrippèrent désespérément son bras.
– Non, il n’est pas là, Jack – non, il n’est pas là ! répéta-t-elle dans un déni aveugle et mécanique.
D’un geste brusque, Rance l’écarta violemment de lui, saisit l’échelle suspendue et la mit en place ; puis, sourd aux supplications de la jeune fille, il ordonna durement à Johnson de descendre, tout en pointant son arme vers la source des gouttes de sang.

David Belasco, The Girl of the Golden West (1911 – traduction Stéphane Lelièvre)

Minnie propose alors un marché au shérif : tous deux vont jouer au poker, et si Minnie l’emporte, Rance devra quitter les lieux. Si elle perd, Ramerrez lui sera livré et elle-même se donnera au shérif. La partie s’engage mal pour Minnie, mais elle triche discrètement et l’emporte : Ramerrez est libre !

Acte III
Cependant, à peine s’est-il enfui que le bandit est rattrapé par les mineurs qui s’apprêtent à le pendre. Il ne doit son salut qu’à une nouvelle intervention de Minnie qui défend passionnément sa cause et convainc les mineurs de le laisser libre. Minnie prend Ramerrez en croupe sur son cheval et le couple d’amoureux s’éloigne dans la forêt…

La partition

Avec Le Villi, Edgar et La rondine, La fanciulla del West fait partie des opéras de Puccini n’ayant jamais atteint la même notoriété que La bohème, Tosca ou Turandot. Le livret, pourtant, en dépit de certaines maladresses, est indéniablement original, avec notamment un personnage de femme forte, grâce à qui le héros masculin est par deux fois sauvé – mais peut-être est-il trop connoté « western », même si l’âge d’or de ce genre cinématographique, en 1910, reste encore bien sûr à venir ? Quoi qu’il en soit, Puccini, afin de conférer à son opéra une « couleur locale » plus ou moins authentique, n’hésita pas à inclure dans la partition certains motifs issus du folklore américain.
La relative impopularité de l’œuvre s’explique sans doute surtout par l’absence de quelques pages emportant immédiatement l’adhésion et marquant durablement les esprits, telles qu’on en trouve dans les autres opus pucciniens. Seul Dick Johnson/Ramerrez se voit offrir, au dernier acte un air bref mais émouvant (« Ch’ella mi creda libero »). Les autres scènes fortes ne manquent pourtant pas, telles celle au cours de laquelle Minnie intervient pour sauver in extremis Ramerrez de la pendaison, ou surtout la scène du poker, originale et remarquablement construite dramatiquement. Enfin, les oreilles les plus averties remarqueront chez le compositeur des audaces harmoniques ou rythmiques, ou encore la recherche de coloris orchestraux particulièrement originaux.

https://www.youtube.com/watch?v=gW85AKJxMzk

« Ch’ella mi creda libero », Jonas Kaufmann (Metropolitan Opera, 2018)

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La scène du poker par Dorothy Kirsten & Mario Sereni (« The Voice of Firestone » , 1962)

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La scène du poker par Barbara Daniels et Sherrill Milnes, Metropolitan Opera, 1992

LES ENREGISTREMENTS
Notre sélection pour voir et écouter l’œuvre

LP et CD

Antonio Votto / Gigliola Frazzoni, Franco Corelli, Tito Gobbi. Teatro alla Scala (live, 4 avril 1956). 2 CD Opera d’Oro

Franco Capuana / Renata Tebaldi, Mario Del Monaco, Cornell MacNeil. Santa Cecilia Academy. 2 CD Decca

Lovro von Matačić / Birgit Nilsson, João Gibin, Andrea Mongelli. Teatro alla Scala. 2 CD EMI (1958)

Zubin Mehta / Carol Neblett, Plácido Domingo, Sherrill Milnes. Royal Opera House. 2 CD DG (1977)

Leonard Slatkin / Éva Marton, Dennis O’Neill, Alain Fondary. Munich Radio Symphony Orchestra, Bavarian Radio Chorus. 2 CD RCA (1991)

DVD et Blu-ray

Oliviero de Fabritiis / Antonella Stella, Gastone Limarilli, Anselmo Cozalni. NHK Symphony Orchestra. 1 DVD Vai (1963)

Nello santi ; Piero Faggioni / Carol Neblett, Plácido Domingo, Silvano Carroli. Royal Opera House. Kultur Video (1982)

Leonard Slatkin ; Giancarlo del Monaco / Barbara Daniels, Plácido Domingo, Sherrill Milnes. Metropolitan Opera (1992)

Nicola Luisotti ; Giancarlo del Monaco / Deborah Voigt, Marcello Giordani, Lucio Gallo. 2 DVD DG (2011)

Lorin Maazel ; Jonatha Miller / Mara Zampieri, Plácido Domingo, Juan Pons. Teatro alla Scala. BBC/Opus Arte  (1991)

Veronesi ; Stefanutti / Daniela Dessi, Fabio Armiliato, Lucio Gallo. Festival Torre del Lago. 1 DVD Rai Trade (2010)

Carlo Rizzzi ; Nikolaus Lehnhoff / Eva-Maria Westbroek, Zoran Todorovich, Lucio Gallo. The Amsterdam Music Theatre. 1 DVD Opus Arte (2010)

Franz Welser-Möst ; Marco Arturo Marelli  / Nina Stemme, Jonas Kaufmann, Tomasz Konieczny. Wienr Staatsoper. Sony Classical (2015)

Streaming

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Stella, Limarilli. Tokyo (1963). Sous-titres en japonais

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Stemme, Kaufmann. Wiener Staatsoper, (2015). Sous-titres en allemand

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Kampe, Álvarez. Staatsoper unter den Linden (2021)