BEATRICE DI TENDA, Bellini (1833) – dossier

Opera seria en deux actes de Vincenzo Bellini, livret de Felice Romani d’après la pièce homonyme de Carlo Tebaldi Fores, créé le 16 mars 1833 à Venise (Teatro la Fenice). 

L’ES AUTEURS

Le compositeur

Portrait de Bellini par Giuseppe Tivoli (Museo internazionale e biblioteca della musica, Bologna)

Vincenzo Bellini (1801-1835)

Bellini naît à Catane en 1801 dans une famille de musiciens. À Naples, il bénéficie d’une formation musicale assurée par de grands maîtres de l’époque et de Zingarelli, directeur du conservatoire. La fin de sa formation est couronnée par les représentations de ses deux premiers opéras : Adelson e Salvini, représenté sur la scène du conservatoire en 1825 et, un an plus tard, Bianca e Fernando, sur la scène du San Carlo. Dès lors, les grands théâtres italiens ouvrent leurs portes au jeune compositeur : la Scala (Il pirata en 1827, La straniera en 1829, Norma et La sonnambula en 1831) ; Teatro Regio de Parme (Zaira, 1829) ; Fenice de Venise (I Capuleti e i Montecchi, 1830, Beatrice di Tenda, 1833). Il voyage également en Europe, notamment à Londres et Paris où il fait représenter son ultime chef-d’œuvre : I puritani e i cavalieri en 1835. 

La disparition brutale de ce compositeur de 34 ans quelques mois après le triomphe de cette dernière création privera l’histoire de l’Opéra de possibles chefs-d’œuvre à venir… mais aussi Verdi du seul véritable rival qu’il eût pu connaître en Italie. Le charme prégnant des mélodies belliniennes fit l’admiration de compositeurs pourtant parfois assez éloignés de cette écriture et de cette esthétique, tels Chopin ou encore Wagner – qui dirigea Norma à Riga en 1837.

Le librettiste

Felice Romani (1788-1865)

Romani naît à Gênes en 1788. Il suit de brillantes études de lettres dans l’université de cette ville, et devient un spécialiste reconnu de la littérature française (de fait, plusieurs de ses livrets, tel celui de Norma, seront des adaptations d’œuvres françaises) ainsi que de l’Antiquité et de la mythologie. Poète et critique musical et littéraire, c’est en tant que librettiste qu’il acquiert sa plus grande renommée. Extrêmement prolifique (il est l’auteur de près d’une centaine de livrets !), il écrivit de nombreux textes pour :

  •  Rossini : Aureliano in Palmira, Il turco in Italia, Adina ;
  • Bellini : Il pirata, La straniera, Zaira, I Capuleti e i Montecchi, La sonnambula, Norma, Beatrice di Tenda ;
  • Donizetti : Chiara e Serafina, Alcina, regina di Golconda, Rosmonda d’Inghilterra, Anna Bolena, L’elisir d’amore, Lucrezia Borgia,…;
  • et Verdi : Un giorno di regno

L’ŒUVRE

La création et la fortune de l’œuvre

Affiche de la représentation du 17 mars 1833 – Fenice de Venise

Giuditta Pasta
(Villa Roccabruna – artiste inconnu)

Beatrice di Tenda est créée à La Fenice de Venise le 16 mars 1833. C’est un échec (l’opéra ne sera donné que trois fois), malgré la présence de la grande Giuditta Pasta dans le rôle-titre. Cet échec entraînera une rupture entre Bellini et Romani. L’œuvre ne connaîtra qu’une timide renaissance dans les années 60 grâce à Joan Sutherland (qui la gravera pour Decca sous la direction de Richard Bonynge avec Josephine Veasey et Luciano Pavarotti), ou encore Leyla Gencer  qui l’interprète à Venise en 1964. En 1977, Mirella Freni aborde le rôle à Bologne, et au tout début du XXe siècle, l’opéra de Zurich offre à Edita Gruberova l’occasion d’incarner le rôle-titre à la scène ; le San Carlo de Naples en propose une brillante version de concert en septembre 2023 avec Jessica Pratt. L’œuvre n’entre au répertoire de l’Opéra de Paris qu’en février 2024.

Le livret

Les sources historiques et littéraires

Beatrice di Tenda
(œuvre anonyme du XIXe siècle)

Béatrice Lascaris de Tende (1372-1418), fille de Pietro Balbo Lascaris, comte de Vintimille et seigneur de Tende, épouse vers 1398 Facino Cane, célèbre condottiere (chef d’une armée de mercenaires). Après la disparition de celui-ci, mort assassiné, Philippe-Marie Visconti (son frère) épouse Béatrice. Elle est de vingt ans plus âgée que lui, mais ce qui intéresse Philippe-Marie, c’est avant tout la fortune que Béatrice pouvait lui apporter. De fait, une fois marié, il lance contre sa femme des accusations (infondées) d’adultère et la fait décapiter. 
Le destin tragique de cette femme innocente inspira de nombreux artistes, dont Carlo Tebaldi Fores qui écrivit une pièce consacrée à ce personnage, laquelle pièce inspira également un ballet avant l’opéra de Bellini et Romani. 

Une femme (Beatrice) vertueuse, innocente, injustement accusée et assassinée ; des hommes tantôt monstrueux (Filippo), tantôt sincèrement épris mais incapables de sauver leur bien-aimée (Orombello) : l’histoire de Beatrice di Tenda comportait a priori tous les ingrédients capables d’assurer le succès d’un opéra du premier ottocento !

L’intrigue

Près de Milan (château de Binasco), au début du XVe siècle.

ACTE I
Beatrice di Tenda a perdu son époux, Facino di Cane. Elle a épousé en secondes noces Filippo Maria Visconti, homme cruel et vénal, heureux de pouvoir profiter de la fortune que lui apporte Beatrice. Filippo trompe par ailleurs sa femme avec Agnese del Maino. Celle-ci découvre qu’un jeune seigneur, Orombello, est secrètement amoureux de Beatrice. Agnese, elle-même éprise d’Orombello, décide faire croire à Filippo que sa femme et le jeune homme entretiennent une liaison. Filippo est rongé par la jalousie, d’autant qu’il surprend Orombello agenouillé aux pieds de Beatrice, alors qu’il lui avoue tout à la fois son amour et ses projets politiques : il a rassemblé des hommes restés fidèles à la mémoire du premier mari de Beatrice afin de faire tomber Filippo. Celui-ci, furieux, fait emprisonner sa femme et Orombello.

ACTE II
Sous la torture, Orombello a avoué entretenir une liaison avec Beatrice. Mais il se rétracte, et Beatrice nie à son tour avec force. Filippo, un instant hésitant et éprouvant une certaine culpabilité, finit par signer l’arrêt de mort de Beatrice en apprenant l’existence d’un groupe armé resté fidèle à Facino Carne, venu réclamer la libération de Beatrice. Les remords d’Agnese (qui vient plaider la cause des deux accusés auprès de Fillippo) n’y changeront rien : Beatrice meurt décapitée, après avoir accordé son pardon à sa rivale,

La partition

Est-ce en raison d’emprunts à des œuvres antérieures ? Ou parce que le livret, qui s’appuie sur des événements historiques, suit de trop près la structure d’opéras antérieurs bien connus : une rivalité entre une reine et une rivale ; un amour impossible entre la souveraine et un prétendant sur fond de tensions politiques ; un épisode au cours duquel le ténor est jeté en prison (c’était déjà le cas dans Elisabetta, Regina d’Inghilterra ou Roberto Devereux…) ; une exécution injuste et spectaculaire de l’héroïne pour clore l’opéra ? (Voyez Anna Bolena et Maria Stuarda de Donizetti, ou Elisabetta de Rossini, en dépit de sa lieto fine). Toujours est-il que Bellini ne retrouve pas avec Beatrice di Tenda la hauteur d’inspiration dont il avait fait preuve précédemment, et que, située juste entre ces deux chefs-d’œuvre absolus que sont Norma et I puritani, cet avant-dernier opus du maître de Catane fait un peu pâle figure… Certaines scènes qui, dramatiquement, constituent des moments-clés de l’action (la toute fin du I, après l’arrestation d’Orombello et Beatrice, et même la cabalette finale, empruntée à Zaira), n’ont pas exactement l’ampleur requise par les situations… L’opéra est cependant loin d’être inintéressant et recèle quelques pages vraiment dignes d’intérêt : la belle romance d’Agnese à l’acte I, chantée en coulisses et accompagnée à la harpe (« Ah, non pensar che pieno ») ; la cavatine de Filippo (« Come t’adoro ») et celle de Beatrice (« Ma la sola, ohimé, son’io ») ; le superbe trio de l’acte II « Angiol di pace » et la poignante cantilène finale de l’héroïne (« Deh! Se un’urna è a me concessa »).

NOTRE SÉLECTION POUR VOIR ET ÉCOUTER L’ŒUVRE

CD

Joan Sutherland, Raina Kabaivanska, Giuseppe Campora, Dino Dondi. Chœur et orchestre de la Scala, dir. Antonio Votto, 1961 (Urania Records)

 

Leyla Gencer, Antigone Sgourda, Juan Oncina, mario Zanasi. Chœur et orchestre de la Fenice, Venise, 1964 (Myto)

Joan Sutherland, Josephine Veasey, Luciano Pavarotti, Cornelius Opthof. London Symphony Orchestra, Ambrosian Opera Chorus, dir. Richard Bonynge, 1967 (Decca).

 

June Anderson, Elena Zilio, Don Bernardini, Armando Ariostini. Orchestre et choeur de la Fenice, dir. Gian-Franco Masini, Venise, 1987 (Opera d’Oro)

 

ORF-Symphonieorchester, Wiener Jeunesse Chor, dir. Pinchas Steinberg, 1992 (Nightingale)

 

Lucia Aliberti, Camille Capasso, Martin Thompson, Paolo Gavanelli. Choeur et orchestre de la Deutsche Oper Berlin, dir. Fabio Luisi, 1992 (Berlin Classics)

 

DVD et Blu-ray

Marcello Viotti – Daniel Schmid / Edita Gruberova, Stefania Kaluza, Raul Hernandez, Michael Volle, choeur et orchestre de l’Opéra de Zurich, dir. Marcello Viotti, Opéra de Zurich, 2002 (Arthaus Musik)

Antonio Pirolli –  Hermann Brockhaus / Dimitra Theodossiou, Josè Maria Lo Monaco, Alejandro Roy, Michele Kalmandi. Orchestre et chœur du Théâtre Massimo Bellini de Catane, 2010 (Dynamic) 

Streaming

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Zurich, 2001 – Marcello Viotti – Daniel Schmid / Edita Gruberova, Stefania Kaluza, Raul Hernandez, Michael Volle, choeur et orchestre de l’Opéra de Zurich (sous-titres en espagnol)

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Catane 2010 – Antonio Pirolli –  Hermann Brockhaus / Dimitra Theodossiou, Josè Maria Lo Monaco, Alejandro Roy, Michele Kalmandi. Orchestre et chœur du Théâtre Massimo Bellini de Catane