ALADDIN, Horneman (1888) – dossier

Le compositeur

C.F.E. HORNEMAN (1840-1906)

La carrière de Christian Frederik Emil Horneman est symptomatique des difficultés que les compositeurs romantiques sans mécénat ont affrontées, forcés d’assumer plusieurs métiers. Fils du pianiste Johan Ole Emil Horneman, petit fils du peintre Christian ayant portraituré Beethoven, le jeune musicien accomplit de solides études musicales à Leipzig, condisciple du jeune Edvard Grieg. C’est également à Leipzig que le compositeur danois le plus représentatif, Niels Gade (1817-1890), avait poursuivi sa formation auprès de Mendelssohn. Revenu au Danemark, le jeune Horneman s’engage dans la promotion de la génération nordique en fondant la Société Euterpe de Copenhague avec la complicité de son ami Grieg. En assumant les multiples fonctions d’éditeur de musique, 

d’enseignant à l’Institut musical, Horneman consacre un temps restreint à la composition de musiques vocale, de scène, symphonique  – Ein Heldenleben (Une vie de héros) , avant Richard Strauss !…

La création – les différentes versions

© Axel Kuhlmann

Après la réception enthousiaste de son Ouverture d’Aladdin (1866), C.F.E. Horneman poursuit la longue gestation de son opéra qui le conduit aux représentations de 1888, puis à la refonte de l’œuvre pour celles triomphantes de 1902, au Théâtre Royal Danois.

L’intrigue

Signé de Benjamin Pedderson, le livret d’Aladdin est réalisé d’après deux sources : Les Mille et une nuit en sus de la pièce éponyme du dramaturge danois, Adam Oehlenschläger. Pièce dont la reprise génère d’ailleurs la future musique de scène de Nielsen, disciple admiratif de Horneman. Au fil des quatre actes, les aventures du jeune et naïf Aladin sont presque aussi animées que celles de Peer Gynt, via Grieg et Ibsen.

ACTIE I
Le sorcier Nouredin et le jeune Aladin percent le secret d’entrée d’une grotte.  L’intérieur se transforme en univers de plantes et fruits en pierres précieuses dès la rencontre avec le Génie de la lampe. Le ballet d’elfes et de gnomes dansant autour d’Aladin cède la place à l’apparition du Génie féminin de l’anneau. Aladin exprime le souhait de retourner dans sa modeste demeure familiale, à Ispahan. Exaucé, il est emporté sur un nuage.

ACTE II
Morgiane, mère d’Aladin, chante lorsque son fils vient lui confier son amour naissant pour la princesse Gulnare, qui a manifesté ses sentiments en lui lançant une rose. En frottant la lampe, la scène se métamorphose en palais somptueux où Aladin, devenu riche, demande la main de la princesse au Sultan, tandis que le traitre Nouredin vole la lampe.

ACTE III
Au palais du Sultan, Gulnare pleure la disparition de celui à qui elle a secrètement donné son cœur.  Lorsque le Sultan conduit Aladin à la princesse, sa promise, elle réalise que son futur époux n’est autre que son secret admirateur. Dans un duo, tous deux se promettent une fidélité éternelle. Les fêtes du mariage débutent par un somptueux ballet d’esclaves. Lors d’une brutale interruption, Gulnare est enlevée. Fou de douleur, le sultan donne 40 jours à Aladin pour ramener sa fille Gulnare.

ACTE IV
Dans un cimetière, la nuit, un chœur invisible d’esprits et de génies du sommeil berce Aladin endormi près de la tombe maternelle. Réveillé, il exprime au Génie de l’anneau son désir de retrouver Gulnare. La scène se transforme en un palais d’où la belle contemple le désert en pleurant la perte de son bien-aimé. Nouredin apparaît et rage qu’elle soit insensible à ses avances, en dépit du pouvoir que lui confère le Génie de la lampe. Au moment où il s’empare de Gulnare, Aladin surgit, le terrasse avec son épée avant de récupérer la précieuse lampe. Les amoureux retournent à Ispahan où le Vizir leur annonce que le décès du Sultan, mort de chagrin depuis le rapt de sa fille, libère la succession en faveur d’Aladin. Le peuple se réjouit en louangeant les nouveaux époux.

La musique

Ouverture d’Aladdin

Si l’écriture vocale et symphonique ressortit à l’école romantique nordique, sans l’héroïsme wagnérien – Aladdin n’est pas Siegfried, en dépit de l’épée – la puissance dramatique du chœur semble la composante originale de cet opéra, chant du cygne de Horneman. Certes, l’orchestration romantique magnifie les scènes pompeuses, apanage de l’opéra romantique, tel l’acte au palais du Sultan (III). Cependant, la mobilité des tempi et des nuances de l’ouverture (influence de Mendelssohn depuis les études à Leipzig ?), l’agitation qui sourd des accompagnement (Scène des esprits au cimetière, n° 12 au IVe acte) et la sauvagerie des danses (les cris Hejo ! pour la Danse des Elfes, n° 11 du Ier acte) outrepassent l’académisme. 

Certains motifs qualifient les rôles – dont celui des cors pour le Génie de la lampe – sans que le wagnérisme ne devienne un référent envahissant, d’autant que la tonalité irrigue le langage avec quelques détours vers la modalité. La couleur orientale s’exprime à l’évidence dans les ballets rutilants du 3e acte (n° 1 et 8 du IIIe acte), à l’instar de ceux d’Aida. Mais l’auditeur est tout aussi envouté lors des sortilèges plus mystérieux des deux Génies qui semblent personnifier les forces du mal contre celles du bien.

Pour écouter l’œuvre

Magnus Tødenes (Aladdin), Dénise Beck (Gulnare), Johan Reuter (Nouredin), Stephen Milling (Sultan), Henning von Schulman (Vizir), Hanne Fischer (Morgiane), Steffen Bruun (Génie de la lampe), Elisabeth Jansson (génie de l’anneau), Frederikke Kampmann, Sidsel Aja Eriksen (servantes), Klaudia Kidon, Rikke Lender (Elfes), Jakob Soelberg (messager), Orchestre symphonique national danois, Choeur du Concert national danois, direction Michael Schønwandt.

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